Delafosse patauge dans le marigot du Trombinoscope

Le Poing Publié le 4 mars 2021 à 18:34 (mis à jour le 4 mars 2021 à 18:38)
Michaêl Delafosse, maire de Montpellier lors d'une manifestation des soignants en juin dernier.

Un jury écrasé par des journalistes de la presse de droite désigne le maire « socialiste » de Montpellier comme “élu local de l’année” 2020

Au moins ça change. Le mur du compte Facebook de Michaël Delafosse, maire de Montpellier, est en général encombré des récits glorieux des hauts faits de la police locale – municipale et nationale mêlées. Mais c’est un autre genre de tuile qui attendait ses 12 000 abonnés ce jeudi 4 mars 2021 au matin. Le premier magistrat s’y déclare « honoré d’avoir été désigné élu local de l’année par le Trombinoscope, saluant ma résolution pour la laïcité, la volonté de concilier écologie et justice sociale en instaurant la gratuité des transports. Faire avancer #Montpellier, faire réussir la #France ».

On écarquille les yeux. On relit. On s’amuse du nouvel accent gaullien du personnage, qui entend dorénavant « faire réussir la France ». Rien moins. Dans d’autres cercles qu’au Poing, on parlerait savamment d’“hubris”. Soit, selon la première définition apparaissant sur le web, une “outrance dans le comportement inspirée par l’orgueil ; démesure”. Avec cet exemple à l’appui : “journalistes se défiant de l’hubris”. Par ailleurs on ricane, à la seule consonnance du mot “Trombinoscope”. Elu “local” : voilà pour vous rabattre d’une ambition. Mais encore est-ce selon le “Trombinoscope”, ses trombines, ses combines, à défaut de scoops.

Ricaner est une chose. Se renseigner est mieux. Le docte Wikipedia nous indique donc que le Trombinoscope n’est jamais qu’un produit d’édition privé, recension de biographies des personnalités politiques, régulièrement actualisée, et vendu à un tarif astronomique (206€) à ceux qui ont intérêt à se mouvoir dans les cercles du pouvoir. Accessoirement, cette pseudo-institution para-mondaine établit un palmarès annuel des personnalités qui comptent dans l’année. C’est là que le maire de Montpellier fait son apparition en 2020. « Montpellier is back » est son nouveau slogan.   But on the right side.

Curieusement, Wikipedia a trouvé pertinent de consacrer la majeure part de sa notice sur le Trombinoscope à ce seul palmarès ; et dans ce cadre, il consacre la majeure part de ses explications aux fiascos et polémiques qui le caractérisent. Ainsi en 2015, on y frise l’implosion, après que le jury ait trouvé pertinent d’introniser Steeve Briois, le maire Front national d’Hénin-Beaumont, dans le fauteuil qui échoit cette année à Michaël Delafosse.

Deux ans plus tard, toujours clairvoyant, le jury décernait son titre de personnalité politique de l’année à François Fillon, alors que l’article du Canard enchaîné déclenchant le Penelopegate était déjà paru depuis quinze jours. Imperturbables, les génies du journalisme politique qui siègent pour le Trombinoscope tiennent alors à saluer une « carrière en constante progression », cela dû à « la conversion au travail, la conversion au libéralisme, et enfin la conversion identitaire » de l’éphémère leader de la droite française.

Toujours sagace, cette même année, ce même jury reconnaissait en Emmanuel Macron « la révélation politique de l’année », certes, mais sans se rendre compte que la même distinction avait été accordée à ce même récipiendaire, déjà en 2014. Admettons qu’il y ait des révélations lentes à mûrir. Mais à la place de Michaël Delafosse, on se méfierait. Car s’il y a une chose vraiment fiable du côté de ce palmarès, c’est la composition du jury qui le décerne. Parmi sept journalistes politiques réunis en 2021, on ne compte pas moins de cinq représentants flagrants de la presse de droite : Sonia Mabrouk (C-News, media d’extrême-droite), Nathalie Shuck (Le Point, média de la droite dure), Yves Thréard (Le Figaro, journal officiel de la droite éternelle), Ludovic Vigogne (L’Opinion, quotidien ultra-libéral des milieux d’affaire). Et enfin pour président du jury : Christophe Barbier, chroniqueur de BFM-TV.

Aucune surprise. La droite et l’extrême-droite raffolent du social-darmanisme qui s’est emparé de la mairie de Montpellier. De tous les génies de la pensée qu’on vient de citer, revenons au président Barbier. Celui-ci se traîne un nombre incalculable de casseroles polémiques, suscitées par ses déclarations. Celle-ci par exemple : « L’éditorialiste est comme un tuteur, sur lequel le peuple, comme du lierre rampant, peut s’élever ». Alors que ce soit clair : si le peuple est une espèce rampante, Le Poing doit s’y ranger, d’autant que l’autre qualité remarquable du lierre est sa capacité à parasiter, et finalement étouffer, la plante grimpante à laquelle il a choisi de s’agripper. Cela dit sans aucun hubris.  

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