Delafosse rajoute son pourboire à un milliardaire de l’évasion fiscale
Le maire “socialiste” de Montpellier accorde une ristourne de 25 % à JCDecaux, champion de l’agression publicitaire et mentionné par tous les articles traitant du scandale de l’évasion fiscale au Luxembourg
On aimerait bien savoir qui conseille Michaël Delafosse, maire de Montpellier, notamment en matière de communication. Œuvre-t-il dans le registre de la bourde ? Du manque total de pif ? Ou bien, dans la provocation d’affichage d’une pure continuation de la veulerie social-démocrate acquise au néo-libéralisme ? Depuis des mois dans cette ville, la campagne civique contre l’agression publicitaire atteint des niveaux jamais égalés. Des actions coups de poing (quoique non violentes) dénoncent le fléau de la publicité qui aliène les esprits, qui pousse à la surconsommation jusqu’au précipice, qui fraye dorénavant avec les techniques liberticides de reconnaissance faciale, et invente des panneaux électroniques animés et lumineux énergivores et climaticides.
Mais non. Toujours bien inspiré, Michaël Delafosse a tenu à manifester sa plus grande bienveillance à l’endroit du groupe JCDecaux, le n° 1 mondial de la publicité sur mobilier urbain. Comme des millions et millions de citoyens dans la détresse, ce groupe se dit affecté par la crise sanitaire. Il a entrepris de tirer la sonnette et tendre sa sébile à la porte des mairies de France compromises dans son activité. Il faut comprendre le malheureux afficheur : son chiffre d’affaire ajusté en 2019 frôlait les quatre milliards d’euros, en hausse de 7,5 %. Son bénéfice était alors de 365 millions d’euros.
Ne sachant que faire de pareilles sommes, JCDecaux apparaît en très bonne place dans tous les articles de presse relatifs au scandale de l’évasion fiscale au Luxembourg, déclenché par l’implaccable enquête publiée en France par le quotidien Le Monde, à propos de l’Openlux. La municipalité montpelliéraine, toute de gauche dit-elle, et même écolo anti-pub assure-t-on, ne pouvait rester insensible à ce drame. Elle a donc généreusement octroyé une ristourne de 264 901 euros – six chiffres tout de même – à notre malheureux affichiste dresseur de sucettes.
Cette somme représente un quart de la redevance annuelle que JCDecaux devait reverser cette année à la ville. Certes, Michaël Delafosse ne s’attendait pas à ce que beau geste soit remarqué au grand jour. Non soumise à délibération du conseil municipal, l’initiative était noyée parmi les 400 pages de documents préparatoires à la dernière réunion de celui-ci, lundi dernier, 8 février. Et encore y parlait-on d’une société de mobilier urbain, sans citer son nom. C’est finalement l’équipe d’Alenka Doulain, élue sous l’étiquette Nous Sommes, qui a levé le lièvre.
En réponse à son intervention, le maire a expliqué le soutien de principe de la ville à tous les secteurs économiques actuellement pénalisés. Son opposante, ainsi que la porte-parole Cathy Aberman, ont rétorqué que la somme en cause équivalait à la moitié du budget du plan pauvreté de la municipalité ; ou encore à dix salaires d’Atsem pendant un an (les Atsem, parmi les plus modestes employés municipaux, dans les cantines scolaires, mènent une lutte depuis deux ans, et sont aujourd’hui sanctionnées par une atteinte à leur droit de grève, depuis que Michaël Delafosse s’est empressé de faire jouer à leur encontre une loi de Macron réformant la fonction publique territoriale).
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