Des antifas sionistes ? Antideutsche : La onzième plaie d’Égypte 

Le Poing Publié le 28 avril 2025 à 10:19
Quelques stickers du mouvement Antideutsche. (Montage : Le Poing)

 Antideutsche ? Ce terme, que l’on peut traduire par « anti-allemand », désigne un mouvement politique né de l’autre côté du Rhin. S’il se revendique originellement de la gauche révolutionnaire, sa réalité est bien plus proche des pires délires néo-conservateurs. Et, bien qu’en net recul, il continue de faire des petits dans les régions germanophones comme ailleurs en Europe. Petit retour sur l’un des pires produits de l’Allemagne contemporaine

Article initialement paru dans le numéro papier 46 du Poing, “Plateforme des peuples d’Europe : reprendre l’initiative”, toujours disponible sur notre boutique en ligne.

 Le mouvement antideutsche apparaît avec la réunification allemande : une partie conséquente du puissant mouvement radical refuse que l’Allemagne redevienne une puissance, du fait de son lourd passé. Une partie défend de classiques positions anti-impérialistes. Mais une fraction de ce mouvement antinational, inspirée par les auteurs marxistes de l’école de Francfort, va plus loin, et proclame : Nie wieder Deutschland (Plus jamais d’Allemagne).

 Concrètement, il s’agit surtout d’un mouvement d’étudiants et d’universitaires, qui gagne durant les années 1990 et 2000 un poids important dans la scène alternative allemande, particulièrement dans les grandes villes comme Berlin, Francfort, Dresde ou Hambourg. Et jusqu’en Autriche et en Suisse ! On retrouve la pensée antideutsche dans les universités, les black blocs, la scène techno, et même dans la jeunesse du parti de gauche Die Linke (plus ou moins assimilable à La France Insoumise). Une nébuleuse de sites et de magazines comme la revue Bahamas alimentent le tout.

 Bon, d’accord, mais mis à part que la plupart des antideutschen sont de jeunes hipsters nihilistes, qu’est-ce qui est si désagréable dans ce mouvement ? Eh bien, loin d’attaquer frontalement le capitalisme allemand, il se spécialise surtout dans une défense sans complexe de la politique israélienne. Oui, oui… Comme les gouvernements successifs de la République fédérale, hantés à juste titre par le spectre du nazisme, le mouvement antideutsche est prêt à toutes les contorsions pour ne plus être du côté de l’antisémitisme. Les plus barrés vont jusqu’à défendre les interventions américaines en Irak et en Afghanistan contre des régimes « arriérés », et appellent à des frappes contre l’Iran, en expliquant que tout cela accélèrera la révolution…

 Loin d’être anecdotique, le mouvement antideutsche est très actif dans la scène antifasciste de plusieurs Lander durant cette période. Il se comporte de manière extrêmement agressive et odieuse avec ses adversaires, qu’ils soient nazis ou, plus souvent, gauchistes sincères qui ont le malheur d’évoquer la Palestine. Les célébrations du bombardement par les Alliés de la ville allemande de Dresde en 1945 pouvaient prêter à sourire ou générer le malaise : la défense fanatique des pires aspects de la colonisation israélienne en fait des ennemis. Certains antideutschen poussent le vice jusqu’à défendre en Allemagne l’expulsion des militants immigrés pro-palestiniens, la gentrification des centres-villes, le trafic de cocaïne… Et ce, au nom d’une conception particulièrement déformée du marxisme ou de l’anarchisme.

 Heureusement, à partir des années 2010, l’influence antideutsche recule nettement. Il faut dire qu’on les distingue de moins en moins de la droite allemande comme des néoconservateurs américains. Les drapeaux israéliens survolant les black blocs se font désormais rares. Un renouveau de plus en plus affirmé d’une extrême gauche anti-impérialiste, portée notamment par des groupes issus de la scène ultra, des diasporas kurde et arabe, et de l’antifascisme révolutionnaire, remet les pendules à l’heure. Les affrontements se multiplient entre antideutschen et « anti-imps ». Un journaliste du Poing assistera ainsi, le premier mai 2018, à une violente bagarre générale en plein cortège berlinois, remportée par les seconds, sur fond de basses techno. L’Allemagne… !

 Si son influence dans la rue ne fait que décroître, le mouvement antideutsche a profondément infusé dans la gauche intellectuelle allemande, la rapprochant de la droite conservatrice pour former une union sacrée en défense d’Israël. Sensible en France, le thème hystérise le débat outre-Rhin. Rappelons que le soutien à la Palestine y est encore plus criminalisé. Depuis le 7 octobre, les manifestations des deux camps ont radicalisé la confrontation, des antideutschen dénonçant à la police les militants de la cause palestinienne. Les accusations de génocide ont rendu le sujet explosif jusqu’au sommet de l’État.

 Avec un débordement hors des frontières de la République fédérale. En Autriche, des camarades ont eu la désagréable surprise de constater l’influence universitaire du mouvement antideutsche, jusque dans des stickers à la gloire de Tsahal, représentant des chars merkavas israéliens avec des slogans tels que « Guerre de rue à Ramallah, les tanks sont antifas », « De la rivière à la mer, le sionisme libère » ou « dénazifiez la Palestine ». Des mots d’ordre pour nous plus proches des plateaux de CNEWS ou des Identitaires que du black bloc !

 Si la triste histoire du mouvement antideutsche pourrait passer en France pour une énième bizarrerie allemande, de telles compromissions alimentées par des réflexes pavloviens se retrouvent hélas dans la plupart des pays occidentaux. Il n’y a pas que les descendants de soldats de la Wehrmacht qui tentent de nous enrôler dans leur psychothérapie collective pour nous faire défendre l’indéfendable. Combien de personnes de gauche bien intentionnées, horrifiées par le discours ou les actes du Hamas, finissent par excuser les actes du gouvernement israélien ? Ou, plus communément, par renvoyer dos à dos les deux camps ?

Rappeler l’existence et les méfaits du mouvement antideutsche permet de tendre un miroir au mouvement social français. Les conflits internationaux sont toujours des thèmes complexes, marqués par la propagande de guerre la plus caricaturale, la déshumanisation des peuples, la désinformation systématique, et investis d’émotions violentes pour toutes les personnes touchées. Nous pensons cependant, à notre modeste niveau, que ni leur complexité, ni la distance géographique, ne peuvent constituer des excuses pour regarder ailleurs. Il ne s’agit pas de matchs de foot où l’on choisirait son équipe selon les symboles qui nous plaisent ou une proximité culturelle avec un joueur qu’on aime bien, mais du destin très concret de millions d’êtres humains.

 Avec des répercussions immédiates sur la vie politique là où l’on vit. La libération de la Palestine est une cause révolutionnaire. Et si l’on en doute, il nous suffit d’écouter ce qu’en disent nos dirigeants. Comme le dit la chanson italienne Rossa Palestina : « Ils les appellent des terroristes dans les journaux des patrons, les mêmes qui appelaient les résistants des assassins… »

Seb

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