Des enfants mis à la rue pour solder une querelle de voisinage entre adultes ?

Le Poing Publié le 22 février 2023 à 19:00
Une fresque célèbre sur un mur de Montpellier, près du Corum.

Dans une résidence HLM tranquille de Montpellier, des habitants se portent solidaires d’une famille expulsée sans solution de repli

Cela se passe dans l’ouest montpelliérain, avec pour cadre une petite résidence HLM de quelques dizaines d’appartements sur deux étages. « Nous dépendons d’Hérault Habitat, l’organisme de logement social du département » explique Solène (prénom modifié), tout en précisant : « à l’origine, sans que ce soit clairement dit, elle semblait plutôt réservée à des fonctionnaires ».

Voici dix ans qu’Aïcha s’y installait, en famille. Laquelle compte aujourd’hui, en plus d’elle-même,  son conjoint et quatre enfants âgés de douze mois à quatorze ans.

Solène est l’une des voisines d’Aïcha. C’est elle qui a contacté Le Poing, porteuse d’un appel signé par une douzaine d’autres résidents. On y lit (entre autre) : « Nous nous demandons si mettre à la rue une maman avec ses quatre enfants est une solution ; rajouter de la misère à la misère n’est pas la philosophie de notre pays. Nous sommes tous touchés par le sort de cette jeune maman, d’autant plus qu’on la menace de lui retirer son petit dernier si celle-ci ne trouve pas de logement dans les délais. Comment cela est-il possible ?! Nous connaissons tous les difficultés de logements à Montpellier, cette maman ne travaille pas, les logements dans le privé lui seront inaccessibles et les délais pour les logements à loyer modéré sont beaucoup trop longs ».

En effet, Aïcha et sa famille, condamnés à quitter leur logement actuel, se sont vus préciser une date butoir au 1er avril, pour leur expulsion avec recours à la force publique. Ainsi se soldent d’interminables procédures judiciaires, qui ont vu le Tribunal trancher en leur défaveur, avant que deux jugements en appel viennent confirmer le premier.

Le litige ne porte pas sur des impayés. Mais l’organisme HLM s’est retourné contre cette famille, après des plaintes d’autres voisins concernant des nuisances de voisinages. Aïcha les récuse. Au cours d’années de relations dégradées, elle a déposé plainte, de son côté, pour insultes publiques en raison de la race ou de la religion, devant témoins : « On n’aime pas les arabes, retourne dans ton pays », relève-t-elle avec d’autant plus d’amertume que, fille de harki, elle est née en France (dont elle manie la langue avec parfaite aisance), et n’a pas d’autre terre ni nationalité. Elle montre aussi un courrier manuscrit où une voisine lui signale que plainte a été déposée à son encontre « pour radicalisation », supposée du fait qu’elle « se cache[rait] de plus en plus sous ses voiles » (sic).

C’est parole contre parole ; attestations contre attestations ; et finalement jugements d’un tribunal sur un conflit dont Le Poing serait irresponsable de prétendre mener une nouvelle instruction contradictoire. Aïcha confie : « Maintenant, mon problème n’est pas de rester coûte que coûte. Il est de mettre mes enfants en sécurité ». C’est précisément sur ce point que les résidents solidaires d’Aïcha insistent dans l’appel qu’ils font circuler. Qu’il y ait expulsion (dont, certes, ils contestent le bien fondé) est une chose.

C’est autre chose, qu’une querelle entre adultes se solde en mettant à la rue sans recours une famille de quatre enfants. Le marché locatif est hors de prix, le secteur social bouché, les réseaux d’urgence engorgés. En plein entretien avec Le Poing, Aïcha décroche à l’appel d’une association humanitaire, parmi toutes celles qu’elle tente d’activer. Solène nous dit : « Je ne pourrai pas me regarder dans ma glace si mes propres enfants me demandent ce que j’ai fait pour empêcher qu’on fasse du tort à leurs copains et copines (les enfants d’Aïcha) ».

Et elle demande qu’on lise bien cet autre extrait de l’appel solidaire : « Nous connaissons ces enfants, qui sont pour la plupart nés dans cette résidence et sont scolarisés dans le quartier depuis toujours. Nous ne pouvons pas cautionner que ces enfants soient arrachés à ce qui constitue leurs habitudes de vie depuis leurs naissances. Nous demandons un maintien à domicile, ou un relogement d’urgence afin de ne pas – nous nous répétons mais c’est important car c’est vraiment de ça qu’il s’agit – rajouter de la misère à la misère, afin d’éviter une rupture familiale, pour une malencontreuse mésentente de voisinage ».

Nos articles sont gratuits car nous pensons que la presse indépendante doit être accessible à toutes et tous. Pourtant, produire une information engagée et de qualité nécessite du temps et de l’argent, surtout quand on refuse d’être aux ordres de Bolloré et de ses amis… Pourvu que ça dure ! Ça tombe bien, ça ne tient qu’à vous :


ARTICLE SUIVANT :

Encore une fois, rien n'a pu interdire le Karnaval des Gueux à Montpellier