D’inquiétants amalgames pour justifier l’interdiction de manifester ce samedi à Montpellier

Le Poing Publié le 14 mai 2020 à 21:04 (mis à jour le 14 mai 2020 à 21:38)
Dessin emprunté à la page Facebook de l'AG de lutte interpro de Rouen.

Au-delà de l’urgence sanitaire, le préfet de l’Hérault aligne des arguments purement policiers, qui justifieraient d’interdire tout nouveau rassemblement hebdomadaire des gilets jaunes.

Jacques Witkowski, préfet de l’Hérault, a rendu public deux arrêtés ce jeudi, portant interdiction de deux rassemblements prévus ce week-end à Montpellier. Passons rapidement sur le second, qui aurait été appelé dimanche après-midi, par trois organisations d’extrême-droite : la Ligue du Midi, Action française et Volontaires pour la France. La chose très mystérieuse est qu’il nous a été impossible d’en détecter la moindre trace en allant vérifier sur plusieurs sites internet et page Facebook de la fachosphère locale.

En revanche, dans la presse mainstream, cette interdiction fantôme permet d’établir un amalgame commode avec un autre rassemblement très attendu pour ce samedi 16 mai à 14 heures sur la Comédie. Lui aussi interdit. Intitulé Déconfinons notre colère, des signes avant-coureurs remontaient au 19 avril déjà. À ce moment-là, Montpellier en résistance relayait un appel à une « sortie populaire et sociale du confinement ». Puis le 1er mai, une assemblé populaire dématérialisée en ligne confirmait et précisait le sens de cet appel : une fois exposée l’incurie gouvernementale dans la gestion de la crise, était exigée « la fin immédiate de l’état d’urgence sanitaire qui renforce l’exploitation des salariés, le harcèlement policier et nous prive de nos libertés ».

Le préfet de l’Hérault l’a bien entendu de cette oreille. Son arrêté d’interdiction s’appuie certes sur les dispositions d’urgence sanitaire (gestes barrières, distanciation sociale, interdiction de tout rassemblement de plus de dix personnes). Il y consacre cinq des « considérants » qui fondent sa décision. Mais y a-t-il encore des naïfs pour ne pas saisir la logique liberticide qui s’y rattache ? Il faut alors compter les « considérants » en plus grand nombre (sept au total) qui, eux, ne traitent que de considérations policières, et finalement politiques.

Y sont pointées l’origine « ultra-gauche » et « gilets jaunes » de l’appel ; les « actes de violence et dégradations » au cours de rassemblements analogues depuis le 17 novembre 2018 ; la mobilisation policière nécessaire chaque samedi depuis lors. Etc, etc. Au final, le Préfet estime que « les agissements survenus dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes excèdent le cadre de la liberté de manifestation et les désagréments qu’un mouvement revendicatif peut entraîner, de manière générale, à l’égard des usagers ».

De ce raisonnement, on déduit qu’il y aurait interdiction de fait, pérenne et systématique, de tout nouvel « acte » hebdomadaire des gilets jaunes. Ainsi l’amalgame entre sécurité sanitaire et répression du mouvement social s’en trouve-t-il gravé dans le texte le plus officiel. Nombre d’interdictions analogues et répressions déjà survenues un peu partout dans l’Hexagone (dès lundi à Prés d’Arènes), le laissaient pressentir.

Plus gênées aux entournures, les forces de l’ordre ont peu ou prou laissé se dérouler des manifestations de personnels hospitaliers, comme lundi à Toulouse, ou jeudi au départ de l’hôpital Robert Debré à Paris. La loi Avia, prétendant définir et interdire les « propos haineux », n’étant pas encore promulguée, trop de nuages de gaz ont plané sur les réseaux sociaux concernant la mémoire de pareilles luttes… Le déconfinement social parviendra-t-il à prendre racine à la base ? Alors aucun amalgame, aucune médaille en chocolat ne suffiraient à lui barrer la route. Ils sont beaucoup à ne pas vouloir du « retour à la normale capitaliste », comme le stipulaitl’appel pour ce rassemblement de samedi.

Le préfet a averti ceux qui oseraient défendre physiquement une telle opinion, qu’ils seront susceptibles d’engager « leur responsabilité civile », et se faire passibles « de sanctions pénales ». Aucun doute, c’est bien le droit de manifester qui est purement et simplement attaqué.

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