Espaces verts, pollution de l’air : Santé publique France publie un rapport sur Montpellier (et c’est badant)

Elian Barascud Publié le 9 décembre 2024 à 19:00
La place du nombre d'Or, à Montpellier. (Image d'illustration Wolfgang Staudt/ Flickr)

Dans un rapport publié le 5 décembre dernier, Santé Publique France analyse les impacts sanitaires des espaces verts urbains, des mobilités actives et de la pollution de l’air dans trois Métropoles, dont Montpellier, en donnant des conseils pour éviter des décès prématurés liés à ces enjeux. Mais face à ces constats, certains choix politiques de la collectivité questionnent

Le 5 décembre dernier, Santé publique France publiait les résultats d’une première évaluation quantitative des impacts sur la santé ayant estimé les bénéfices sanitaires associés au développement des espaces verts urbains et des mobilités actives (marche et vélo notamment), ainsi qu’à la réduction de l’exposition de la population à la pollution de l’air, au bruit des transports et à la chaleur. Cette étude, portant sur trois Métropole (Lille, Rouen et Montpellier), a pour but de mettre en lumière en lumière les bénéfices sanitaires induits par des politiques publiques qui prendraient en compte ces données sanitaires. Les impacts ont été estimés pour les 465 000 habitants des 31 communes de la Métropole de Montpellier, sur la période 2015-2019, via la récolte et l’analyse de données fournies par la Métropole elle-même et par l’organisme Atmo Occitanie, qui étudie la qualité de l’air.

Plus d’espaces verts, moins de morts

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), vivre à moins de 300m d’un espace vert de minimum un demi-hectare en milieu urbain réduirait la mortalité. Et dans la métropole de Montpellier, il ressort du rapport (Oh, surprise) que les zones les plus socialement favorisées sont plus végétalisées que les autres. Si Santé Publique France note qu’il “n’est pas envisageable d’atteindre le même niveau de végétalisation dans des zones très denses et dans des zones peu denses” en terme d’habitations et de bâti, l’organisme constate aussi que des zones très denses de la Métropole sont quand même très végétalisés. Le rapport souligne que “proposer dans tous les quartiers les niveaux de végétation observés dans les quartiers les plus verts de la métropole permettrait d’éviter près de 115 décès chaque année. Les bénéfices seraient majoritairement observés dans les zones urbaines moyennement denses et très denses.”

Mais dans le Clapas, ça ne semble pas gagné : au printemps dernier, la Chambre Régionale des Comptes jugeait plutôt irréalisable la stratégie de végétalisation de la Métropole via son opération “50 000 arbres” : si cette action a déjà permis d’en planter 13 000, la Chambre régionale des comptes affirmait que “le plan « 50 000 arbres » s’est déployé sans stratégie définie en amont, s’appuyant sur les opportunités disponibles connues, basées sur le déficit végétal de certains parcs et écoles. […] 11 sites géographiques ont été proposés. Les premières estimations effectuées par les services montrent qu’il serait possible de réaliser de l’ordre de 16 000 plantations sur ces sites hors régénération naturelle et parcelles privées. Hors abattages, remplacements et régénération naturelle15 000 arbres ont été déjà plantés entre 2020 et le premier trimestre 2023. Selon les conclusions de cette étude stratégique, l’éventualité de raccourcir l’objectif quantitatif de plantations à 2026 n’est pas réalisable et la collectivité doit plutôt prioriser une approche qualitative.” De plus, la Chambre s’interrogeait quant à la planification du budget alloué à l’entretien de ces arbres et reprochait à la Ville de Montpellier et a la Métropole de ne pas avoir une stratégie d’entretien des arbres après l’identification des coûts associés à cette démarche.

Fortes chaleurs : 35 décès par an

Et c’est bien connu, la végétation fait baisser la température des villes. Selon Santé publique France, entre 2015 et 2017, la chaleur estivale a été responsable d’environ 35 décès en moyenne chaque année dans la Métropole. Là encore, le rapport de la Chambre Régionale des Comptes a de quoi inquiéter concernant les réponses apportées par la collectivité. Elle écrivait :“La mise en place des documents stratégiques en matière de lutte contre le changement climatique est retardée voire inaboutie et leur suivi est incomplet.”

Toujours selon la Chambre, “les sites proposés [pour la plantation d’arbres évoquée ci-dessus] ne sont pas les zones les plus impactées par les îlots de chaleur urbains.Ils sont plutôt situés dans des zones agricoles ou naturelles (Thomassy, Grammont, Coteau,Agriparc des Bouisses, vallée du Lez et de la Mosson) ou sur des espaces de mobilités (Liberté,route de Ganges, Ligne 5 du tram) dans lesquels l’arbre occupe une place insuffisante. Ils ont ainsi plus vocation à créer un maillage d’espaces naturels et forestiers en périphérie qu’à s’adapter au changement climatique en centre urbain.”

Pour votre santé, marchez et pédalez, mais plus qu’à Montpellier

A propos des mobilités actives (marche et vélo), le rapport note que si chaque habitant âgé de 30 ans et plus de la Métropole marchait 10 minutes de plus par jour, 103 décès seraient évités chaque année. Faire 10 minutes de vélo en plus par jour permettrait d’éviter 175 décès par an en prévenant le risque de développer des maladies chroniques.

En 2013-2014, dans la Métropole, moins de deux trajets de 1 à 3 km sur dix étaient réalisés à pied. Si cinq trajets sur dix étaient réalisés à pied, près de 500 décès pourraient être évités chaque année selon Santé Publique France. De même, moins de trois trajets de 3 à 5 km sur cent étaient réalisés à vélo. Dans certaines villes européennes, jusqu’à 35 trajets sur 100 se font à vélo. Si ce niveau d’usage du vélo était observé dans la Métropole, plus de 640 décès seraient évités chaque année. Un scénario ambitieux, mais pas irréalisable, selon le rapport. A titre de comparaison, le plan de mobilités 2032 de la Métropole de Montpellier prévoit 23 trajets à vélo sur 100, ce qui permettrait d’éviter en moyenne 163 décès par an.

Bruit et pollution de l’air : écoutez comme ça sent bon

Sur la question du bruit et des nuisances sonores, les risques pour la santé d’une exposition quotidienne sont bien identifiés : perte de l’audition, acouphènes, stress réduction de la qualité du sommeil… Bref, une exposition quotidienne à un niveau de bruit trop élevé augmente le risque de mortalité et altère la santé, notamment cardiovasculaire. L’OMS recommande de ne pas dépasser 53 dB sur 24 heures et 45 dB la nuit pour le bruit routier, et 54 dB sur 24 heures et 44 dB la nuit pour le bruit ferroviaire.

Et selon le rapport, la majorité de la population de la Métropole de Montpellier, (76,5 %) est exposée à plus de 55 dB sur 24 heures pour le bruit routier. En respectant les recommandations de l’OMS pour le bruit routier, on pourrait éviter, d’après Santé Publique France, 40 hospitalisations pour maladies cardiovasculaires chaque année et améliorer le sommeil de plus de 2 700 personnes.

Concernant la pollution de l’air, selon l’OMS, l’exposition quotidienne à celle-ci, y compris à des niveaux faibles, a de nombreux effets négatifs sur la santé. Par exemple, elle augmente la mortalité et contribue au développement de maladies chroniques respiratoires et cardiovasculaires, du diabète , de cancers, ou encore de certaines maladies neurodégénératives. Elle affecte également la santé reproductive, périnatale, et le développement de l’enfant.

Et, mauvaise nouvelle, sur la période 2017-2019, Toutes les communes de la Métropole ont des expositions annuelles de particules fines équivalentes à 10,3 microgrammes par mètre cube, là ou l’OMS recommande de ne pas dépasser les 5 microgrammes. En s’en tenant à ces recommandations, ce sont 260 décès par an, ainsi que 42 accidents vasculaires cérébraux, qui pourraient être évités chaque année. De même, les habitants de Métropole étaient exposés en moyenne à 11,7 μg/m³ de dioxyde d’azote. Si ce niveau était réduit à 10 μg/m³ (la recommandation de l’OMS), on pourrait éviter près de 60 décès par an et plus de 200 nouveaux cas d’asthme chez les enfants.

Leur politique, notre santé

Mais encore une fois, les actions politiques de la collectivité interrogent sur la prise en compte de la santé de ses habitants. Il n’y a qu”à consulter le récent rapport de l’Autorité environnementale (Ae) sur le chantier du quartier Cambacères, qui dénonçait le fait que l’étude d’impact fournie par la Métropole ne tenait pas compte de ces critères, pour s’en rendre compte : Le document note que contrairement à l’étude d’impact de 2013, sa mise à jour n’évoque pas le plan d’exposition au bruit de l’aéroport de Montpellier-Méditerranée. L’Ae demande donc de le rajouter en réalisant de nouvelles mesures acoustiques. Mais surtout, le document constate que le dossier présenté par la Métropole de Montpellier ne présente aucun dispositif de de suivi des mesures ERC (évitement, réduction et compensation) pour contrôler les effets négatifs de cette urbanisation.

Sur l’étude de la qualité de l’air (pages 23 et 24 du rapport de l’Ae), le diagnostic est là encore sévère : “Concernant les concentrations en polluants dans l’aire d’étude, les valeurs modélisées pour la situation actuelle ne sont pas rapprochées des valeurs effectivement mesurées. L’étude fait l’hypothèse d’une pollution de fond constante aux horizons 2038 et 2058. Ces choix ne sont pas justifiés et la part de cette pollution de fond dans les concentrations locales n’est pas non plus précisée. […] Par ailleurs, les décisions et avis de l’Ae relatifs aux projets sur cette zone pointaient tous l’enjeu sanitaire lié au développement prévu de populations fortement exposées à la pollution de l’air. À titre d’exemple, l’avis de l’Ae sur l’extension de la ligne 1 du tramway jugeait l’évaluation des risques sanitaires insuffisamment détaillée et recommandait de procéder à une nouvelle évaluation, en quantifiant notamment les mesures ERC des risques sanitaires, notamment cancérigènes.”

Et la construction du Contournement Ouest de Montpellier (une deux fois deux voies entre Saint-Jean de Védas et Juvignac), dont les tenants et aboutissants seront débattus au Conseil de Métropole de ce mardi 10 décembre, ne risque pas d’arranger la donne. Quant à la mesure de “Zone à faible émission” (exclure les véhicules les plus polluants d’un certain périmètre), que Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de la Métropole, s’entête à vouloir imposer malgré un recul de l’État sur la question, difficile de ne pas y voir une mesure anti-pauvre plutôt qu’une réelle avancée écolo…

Comme nous l’écrivions déjà lors du précédent Conseil de Métropole, “cette politique de croissance, quasi unanimement approuvée, est celle de la compétition des Métropoles, dans laquelle Montpellier est engagé, à droite, à gauche : c’est-à-dire la politique néo-libérale aveugle de la course aux profits, de la bride lâchée au capitalisme technologique, à la marchandisation généralisée des existences, et la destruction écocidaire du vivant. Nos espaces sont avant tout destinés à se faire plateforme de ce modèle économique exploiteur et destructeur.” Y a-t-il une raison pour que le Conseil de Métropole de demain soit différent du précédent à la lumière de ces enjeux ? On ne peut, pour l’instant, que répondre par la négative…

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