Éternel marasme politicien à Montpellier : « que tout change pour que rien ne change »

Le Poing Publié le 12 avril 2024 à 19:58
Mairie de Montpellier. Photo de Mathieu Le Coz/Hans Lucas

Article initialement publié dans le numéro 39 spécial 10 ans du Poing, imprimé en janvier 2024.

Le marigot politique montpelliérain a connu bien des recompositions au cours de la dernière décennie. Jusqu’en 2011, la ville était tenue d’une main de fer par George Frêche et le PS local à sa botte, qui massacrait allègrement ses dissidents comme l’infortunée Hélène Mandroux. Frêche avait développé un modèle de gestion local bien particulier : dans une ville en croissance rapide, il gouverne en s’appuyant sur un clientélisme électoral forcené auprès de diverses communautés et groupes sociaux, monnayant impitoyablement ressources, subventions et logements contre un soutien électoral.

A cette gestion paternaliste s’adjoint un accent mis sur le sécuritaire : la ville de Montpellier est une des premières de France à armer sa police municipale bien avant le Béziers de Robert Ménard, de même qu’à prendre de violents arrêtés anti-mendicité, sans oublier de régulières saillies racistes.

Après la mort du « président » en 2010, s’est ouvert une guerre de succession entre les barons de la frêchie. Lors des élections municipales de 2014, deux équipes de « socialistes » se sont affrontées : le canal historique de Jean-Pierre Mourre et celle de Philippe Saurel, adjoint au maire dissident. Après une campagne remplie de coups bas, c’est Philippe Saurel qui l’emporte, avec le soutien décisif de la liste du Front de Gauche, qui monnaie son appui en échange d’une régie publique de l’eau.

Saurel le socialiste macron-compatible

Cette liste promet un renouveau citoyen et une nouvelle manière de faire de la politique, loin des vieux partis. En réalité, la politique de Saurel est avant tout un mélange d’immobilisme, de néo-libéralisme et de sécuritaire, le tout en s’appuyant sur des réseaux clientélistes qui valaient bien ceux d’avant. Rien de bien nouveau sous le soleil. D’ailleurs, le « renouveau » Saurel se rallie à Emmanuel Macron en 2017 et devient en quelque sorte le pendant local du parti présidentiel, sans pour autant s’engager totalement dans la République en Marche.

A part des gesticulations sécuritaires, Saurel, que certains commentateurs accusent d’avoir de sérieux problèmes de boisson, ne laisse pas de traces mémorables si ce n’est le fiasco de la gare TGV de Montpellier qui ne sera pas desservie par le Tramway, faisant les frais d’une querelle d’ego entre Saurel et la Présidente de région Carole Delga.



2020, folle campagne

C’est donc très affaibli que Saurel aborde la campagne électorale de 2020. Cette campagne lui semble défavorable, d’autant plus qu’une alliance entre écologistes et insoumis pouvait être ravageuse, au vu des importants scores de la France Insoumise aux élections présidentielles de 2017. C’est sans compter sur les dons incroyables des représentants locaux de la France Insoumise à transformer l’or électoral en caca : les différentes composantes de la FI se divisent dans une liste dissidente écologiste et une liste « citoyenne ». Finalement, ces municipales seront une grande foire où les crapules les plus aguerries du PS héritier de Frêche font leur grand retour. Au second tour, le PS de Delafosse fait une coalition avec Verts et Communistes qui lui a permet de rafler la mise face à un attelage improbable des listes insoumises, de Rémi Gaillard, et de Mohed Altrad, milliardaire du BTP néolibéral, autour d’une incongrue « lutte contre la bétonisation ». Face à tant d’incohérences, il n’est guère compliqué pour les frêchistes de remporter le second tour face à ce « renouveau » citoyen qui fleure bon les vieilles combines politicardes de la IV eme République.

Finalement, après tant de bouleversements, rien ne change. La Mairie de Delafosse met en place une écologie contre les classes populaires : une ZFE qui exclut les voitures de pauvres de la métropole, des pistes cyclables qui transforment la circulation automobile en cauchemar, pénalisant là aussi les classes populaires, chassées de Montpellier par les prix délirants de l’immobilier, et qui en conséquence sont obligées de venir travailler en voiture faute d’une infrastructure de transport appropriée.

Cette écologie anti-prolétaires s’accompagne sur un volet sécuritaire d’ampleur : mise en place d’une police des transports, augmentation des effectifs de la Police Municipale et création d’une brigade de vigiles de HLM dotés de pouvoirs élargis. Comme toute politique sécuritaire qui se respecte, elle fleure bon les relents racistes : rappels fébriles à la laïcité dès qu’il s’agit de populations maghrébines, expulsions de « délinquants » des logements sociaux de la Ville, petites phrases sur les « jeunes roms en claquette sur la Comédie », la Mairie renoue avec la Frêchie d’antan. La seule mesure réellement de gauche de la mairie, la gratuité des transports, si elle semble intéressante, interroge car rien ne semble garantir que la qualité des services soit à la hauteur des besoins de la population. Bref, les dix ans de recompositions locale n’ont fait que mener à au retour du même appareil semi-mafieux.

Un espoir : les luttes

Heureusement la politique locale, ce n’est pas que des appareils politiques de crapules clientélistes, c’est aussi des luttes pour l’émancipation. Et de ce côté-là la décennie passée a été plus riche et intéressante que cette succession de mesures sécuritaires, austéritaires et le bal des crapules que sont les élections : mouvement contre la loi travail en 2016 (retrouvez ici 266 pages d’archives sur cette lutte publiées dans Le Poing), Gilets Jaunes en 2018-2020 qui ont donné à Montpellier les couleurs du soulèvement, mais aussi les mouvements contre les réformes des retraites de 2020 et de 2023.

Si ces deux mouvements massifs ont principalement mobilisé pour des grèves d’opinions, certains secteurs plus radicaux (étudiants, cheminots, AGs de précaires, Gilets Jaunes…) ont tenté des pratiques plus offensives. A ces mobilisations d’ampleur se rajoutent les mouvements étudiants (fac bloquées en 2013, 2016, 2018 pour un mouvement majeur, 2020 et 2023), mais aussi le mouvement des squats avec de belles occupations tout au long des années 2010, avec comme point d’orgue le Royal OQP. D’autres importantes mobilisations ont marqué les dix dernières années, mais il faudrait un article spécifique pour leur faire honneur.

M.G

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