Grabels : la mairie dénonce l’expulsion annoncée d’un squat sans solution de relogement

Le Poing Publié le 17 juin 2021 à 19:52

Ce vendredi 11 juin, les habitant·e·s du squat de la Valsière à Grabels (au nord-ouest de Montpellier) ont reçu une surprise malheureusement de plus en plus courante : un avis d’expulsion, avec un délai d’une semaine pour quitter les lieux. Cependant, rien ne justifie l’expulsion, ni la quasi-immédiateté de l’application.

Comme chaque année, à la fin de la trêve hivernale (qui cette année s’est terminée exceptionnellement tard – le 31 mai –, confinement oblige), les expulsions tombent en grappe. Comme chaque année, la plupart ne seront pas accompagnées d’une proposition alternative, pourtant obligatoire dans le protocole d’expulsion. À la Valsière, occupée depuis octobre dernier par environ 25 personnes dont trois mineures, cela signifie principalement un approfondissement de la précarité de ses habitants actuels. Sept d’entre eux ont obtenu des chambres d’hôtel à mi-temps, mais pour les autres, la date buttoir de ce 18 juin s’annonce comme un vendredi noir. On prépare déjà les tentes. Comme l’on pouvait s’y attendre, la préfecture de l’Hérault a oublié malencontreusement d’expliquer les motifs de cette expulsion, alors que la réalité des faits contredit totalement tous les motifs bateau utilisés habituellement. La cohabitation avec le voisinage n’est pas conflictuelle, bien au contraire. Aucun cas de plainte n’a été porté à notre connaissance par la mairie ou les habitants, et la mairie a même précisé que cet espace était particulièrement calme, accueillant et ordonné. Étant un centre d’accueil de personne en situation de précarité extrême, la préfecture ne peut pas brandir une supposée alternative supposée.

Répondant à nos questions ‘‘Ana’’ nous a notamment raconté que ses appels quotidiens depuis deux ans et demi au 115 de Montpellier aboutissaient toujours sur un bref ‘‘Il n’y a pas de place. Rappelez demain’’. « Au final, j’appelle l’après-midi, pour éviter qu’ils ne disent de rappeler plus tard dans la journée » nous confie-t-elle, désespérée. Depuis plusieurs semaines, sinon des mois, le logement est pour elle comme pour ses colocataire une question centrale, qui guide leur conduite et leurs préoccupation tous les jours. « Vous croyez qu’ils vont m’embarquer vendredi si je suis encore là ? On n’a rien fait nous, et on ne veut pas de problèmes. Il y en a qui voudraient avoir un travail, un logement, … Mais ils ne peuvent pas en avoir » ajoute-t-elle. Peu renseignés sur leurs droits par les différentes institutions, notamment à cause d’un manque de suivi et de fonds de l’assistance sociale, leur anxiété est palpable à chaque instant.

Une absence de diagnostic social et médical

Ce centre est vital pour ses habitants et ses bénéficiaires. Une des raisons de la bienveillance de la mairie de Grabels, expliquée de la bouche même du maire René Revol (France insoumise), est justement que cet espace occupé est le dernier recours pour ses habitants, pour la plupart venant d’un autre squat au sud de Montpellier expulsé plus tôt en 2020, n’ayant accès qu’à une couverture maladie partielle (une habitante nous racontait que sa facture santé s’élevait à plus de 160€ le mois dernier), aucun accès à un travail déclaré ou à un suivi institutionnel de leur situation (assistance sociale, sécurité sociale, …) pour des raisons administratives.

Certains militants des abords de Montpellier (notamment les opposants au projet du LIEN) participaient à des dons de nourriture, et l’espace sert de tremplin aux associations d’attention et de soutien dans leur travail d’accompagnement et surtout de soutien. Yann, de Médecins du Monde, une des ONGs présente depuis des mois sur le site, nous explique que l’association y promeut un accès à l’information sur les soins et les droits médicaux des personnes sur le site. Ce sont eux et non pas les services publics compétents qui, durant cette année, ont démarché et sensibilisé les habitants sur les actions à entreprendre pour éviter d’attraper le covid-19, en collaborant à élaborer le protocole de l’espace, etc. « On fait de notre mieux. Notre idée, c’est de les orienter vers des organismes institutionnels au maximum pour régulariser leur situation. Le problème, c’est qu’ici, il y a des gens qu’on n’aperçoit qu’une fois, et qui ensuite disparaissent. » Le délogement signifie l’arrêt de cet appui associatif et de l’expertise sanitaire et  légale des ONGs et associations de soutien. Ce soutien ne bénéficiait pas qu’aux résidents fixes : le centre permet aux personnes dans le besoin (principalement logées par le 115 à l’hôtel ou en logement précaire, voire sans logement) d’effectuer un certain nombre de tâches domestiques (cuisine, laverie, …). Autant de personnes qui perdent un point d’ancrage et d’information primordial pour l’amélioration de leur situation.

Une expulsion qui cache des motifs économiques

Ce qui nous amène au point le plus important : cette expulsion ne va pas mettre en lumière des situations précaires, mais les invisibiliser, faire passer plusieurs dizaines de personnes sous les radars des associations qui leur viennent en aide au mépris et (rappelons-le) à la place des autorités publiques compétente. La Ligue des Droits de l’Homme (LDH) de Montpellier, tout comme la mairie de Grabels, sont claires sur leur position : « nous nous opposons à une expulsion sans proposition d’alternative, car c’est indécent » insiste le maire René Revol, aussi vice-président de la Métropole de Montpellier. « C’est surtout illégal ! », rappelle une militante de la LDH présente au rassemblement médiatique qui s’est tenu ce mercredi 16 juin. Elle ajoute, de concert avec Yann de Médecins du Monde, que les préconisations de la loi du 26 août 2012, à savoir la réalisation d’un diagnostic social en amont de l’avis d’expulsion, afin notamment de déterminer la situation des personnes touchées et les principaux débouchés envisagé.

On ne s’étonnera pas de savoir que la préfecture n’en a pas esquissé ni l’ébauche.  La véritable raison de cette expulsion n’est donc ni sociale, ni politique (du moins au niveau de la commune), mais bel et bien économique. Un panneau de chantier à l’entrée annonce la construction prochaine de nouveaux locaux, destinés à la spéculation immobilière. Situation similaire à des centaines d’expulsions en France et dans le monde, le motif caché est économique, et ne profitera qu’aux grandes compagnies qui achètent le terrain et attendent l’augmentation du prix au mètre carré. Seulement deux semaines après la fin de la trêve hivernale, les priorités du gouvernement se font ressentir sur le dernier secteur qui ne pouvait être touché durant le confinement. Ce qui laisse un été de lutte en perspective…

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