Il y a 150 ans naissait Vladimir Ilitch Oulianov, dont l’Histoire retiendra le pseudonyme : Lénine
Il y a cent cinquante ans et un jour, en 1870, naissait dans l’Empire russe un homme du nom de Vladimir Ilitch Oulianov, dont l’Histoire retiendra le pseudonyme : Lénine.
Venu d’une famille que l’on appellerait aujourd’hui de classe moyenne, ce n’est pas lui qui vient à la politique, mais la politique qui vient à lui. L’Empire russe est alors une autocratie particulièrement répressive, sous la coupe des tsars. La richesse du pouvoir contraste brutalement avec la misère noire de la Russie immense et rurale. Des groupes dits « populistes » commencent à se dresser contre le régime, alors que les écrits socialistes marxistes commencent à peine à être diffusés dans les centres urbains. Le frère de Vladimir Ilitch rejoint des révolutionnaires, est capturé, assume : il est exécuté. La famille entière en subit les conséquences. Vladimir Ilitch est exclu de l’université. Il s’engage progressivement en politique, lit, écrit, est arrêté en 1897, et condamné à trois ans d’exil en Sibérie.
Ainsi sera sa vie pendant les vingt prochaines années, dans des organisations clandestines du mouvement socialiste russe, minoritaire et fragmenté. Réunions, périodes d’exil, congrès, publications et luttes se succèdent, jusqu’au choc de la Première guerre mondiale. Celle-ci prouve l’incapacité des socialistes à empêcher la guerre. Lénine rejoint et organise une petite minorité hostile au découragement et proclame à Zimmerwald, en Suisse, que seule la voie révolutionnaire permettra d’arrêter la catastrophe guerrière et impérialiste qui engloutit alors 18 millions de personnes.
Mais la fin de la guerre accouche surtout d’une révolution longtemps espérée, et pourtant inattendue, alors que s’effondre définitivement le régime tsariste en 1917. Les conseils d’ouvriers, de paysans et de soldats, fleurissent dans toute l’Europe, de l’Alsace à la Russie ; la guerre révolutionnaire succède à la guerre des nations. Lénine est un homme d’action doublé d’un théoricien politique de premier plan. Il parvient à naviguer au milieu des évènements alors qu’à plusieurs reprises tout semble perdu – les pays occidentaux de l’Entente (France, Empire britannique, Italie) interviennent même militairement aux côtés des armées blanches du tsar pour écraser la jeune révolution. L’Union des Républiques Socialistes Soviétiques est fondée dans cette période de chaos et de violence, mais aussi d’espoir. Les révolutions allemande et hongroise sont écrasées dans le sang, alors qu’en Russie, les bolcheviques, faction du parti ouvrier social-démocrate russe, menés par Lénine, prennent peu à peu le pouvoir et le consolident, éliminant successivement et sans ménagement tout adversaire et tout concurrent. La suite est connue, de la construction du premier État socialiste de l’Histoire à la mort de Lénine en 1924, Staline lui succédant et régnant sans partage.
Un siècle plus tard, que retenir de cette Histoire ? Certains y verront le plus grand espoir révolutionnaire connu par les exploités de la Terre, d’autres le début d’une période répressive noyant dans le sang ces mêmes espoirs révolutionnaires. Existe-t-il seulement un bilan objectif d’un homme inséparable de l’histoire du mouvement communiste, qu’il a contribué à façonner, en affirmant la primauté de la lutte pour le pouvoir, et l’importance d’un outil à sa mesure, sous la forme d’un parti centralisé, militarisé, capable de renverser toute classe dominante ? Lénine laisse derrière lui une immense somme théorique, mais surtout une légende que ses successeurs se disputeront jusqu’à aujourd’hui. Le « Bloc de l’Est » le momifiera pour en faire une idole inoffensive et sanctifiée. Littéralement, en mettant son pauvre corps dans un mausolée sur la Place rouge de Moscou. Et symboliquement, pour en faire un père fondateur poussiéreux au lieu d’un rebelle dévoué tout entier à la cause révolutionnaire, n’épargnant ni les moyens ni les hommes pour mettre en place la société future.
Aujourd’hui ses statues sont pour beaucoup tombées dans les pays de l’Est, devenues symboles de régimes haïs, bien éloignés de la pensée initiale des fondateurs du marxisme. Mais on en dresse encore, comme devant le centre commercial d’Odysseum de Montpellier, entre autres « grandes figures du vingtième siècle ». À gauche comme à droite, on le range dans le folklorique musée du passé. Mais à l’heure où le système capitaliste, démesurément enflé, paraît plus proche de l’implosion que jamais, parions qu’il y a bien des hommes d’affaires, des politiciens, des banquiers et des éditorialistes qui doivent frissonner un peu le soir venu, en l’imaginant sortir de son mausolée de verre pour venir leur demander des comptes…
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