La CDI 34, une police gangrenée par des accessoires d’extrême-droite

Le Poing Publié le 22 novembre 2023 à 18:49
Photo prise par le Poing en 2018 lors de l'expulsion d'un squat.

Les articles de presse sur des symboles tendancieux voire d’extrême droite au sein des forces de police se multiplient, mais la hiérarchie semble faire l’autruche. Bien que l’on qualifie souvent ces cas de “cas isolés”, le terme “tendance” semble plus approprié, car de nombreux policiers continuent à exhiber une variété de symboles haineux, racistes, voire suprémacistes blancs. C’est notamment le cas de la Compagnie d’Intervention de Montpellier

La Compagnie Départementale d’intervention de l’Hérault est connue par les Montpelliérains les plus contestataires pour leur propension aux violences lors de manifestations. Mais au-delà des violences policières, c’est aussi la symbolique arborée par la compagnie qui interroge.

La neutralité à géométrie variable

L’Occitanie est-elle la région de dieux nordiques ? Le devoir de neutralité est-il respecté par la CDI3 4 ? Désormais, cette compagnie de police arbore à chaque intervention de police un écusson où on peut identifier le dieu Thor et le marteau Mjöllnir. L’image paraît être une copie du jeu Age of Mythology, ce qui peut laisser planer le doute sur les droits à l’image. Mais cet écusson à l’effigie d’un dieu nordique peut poser  des problèmes pour plusieurs raisons.

Photo prise dans une manifestation à Montpellier en 2022 – “Le Poing”

La première est l’ambiguïté de Thor. Si Thor était étudié et utilisé par des SS nazis comme symbole, aujourd’hui, il est surtout un personnage de la pop culture et des comics Marvel pour la majorité des gens. Néanmoins, dans le milieu politico-militant, le dieu Thor a été récupéré par l’extrême droite païenne et néonazie. S’il n’est pas possible de déterminer par un simple patch si la référence à Thor s’oriente plutôt vers les comics Marvel ou vers l’underground néonazi, l’orientation des votes de la profession policière vers l’extrême-droite peut laisser planer un malaisant doute.

Néanmoins, ce n’est pas uniquement la symbolique du Dieu Thor qui interroge. C’est aussi le rapport à la neutralité. Alors que les symboles religieux sont bannis par la loi au sein du service public, il est surprenant que des policiers arborent un patch aux couleurs d’un dieu nordique.

Thin Blue line : une réaction raciste à “Black lives Matters”

Ce n’est pas le seul symbole qui pose question. C’est aussi la Thin Blue Line (TBL) qui semble problématique. Bien que ce symbole ait été dénoncé par le journal Libération, et par  le chef de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale qui a “enjoint les officiers à relever les manquements des personnels affichant la ligne bleue, un symbole utilisé par l’extrême droite américaine”, l’usage du symbole semble persister au sein des forces de l’ordre de l’Hérault.

Photos prises lors d’une manifestation à Frontignan le 28 mars 2023 : MidiLibre

Il est essentiel de comprendre le contexte de l’utilisation de la TBL par les flics. Ce symbole n’est rien de plus qu’une réaction virulente au mouvement Black Lives Matter à partir de 2015, transformé parmi les policiers en Blue Lives Matter, où la Thin Blue Line et le Punisher sont devenus les symboles centraux de leur propagande raciste. Ce symbole est très rapidement repris par les suprémacistes blancs qui vont créer le mouvement “white lives matter”.

C’est aussi le Punisher, un impitoyable assassin hors-la-loi imaginé par Marvel, récupéré depuis 2010 par l’extrême droite américaine, qui finit par être utilisé non seulement par le mouvement TBL, mais aussi par certains policiers français. Il est relativement surprenant que le symbole d’un justicier- connu pour massacrer ses victimes – au mépris du droit et de la loi soit arboré par des policiers supposés défendre le droit et la loi « démocratique ». Une lecture libertaire de ce phénomène dirait que les policiers dévoilent le vrai visage de leur institution : exercer toute la violence nécessaire à la défense de l’ordre marchand capitaliste. 

Lors d’une intervention en centre-ville de Montpellier en mars dernier pendant la réforme des retraites, un policier de la CDI34 portait un cache-cou Punisher TBL.

Le modèle du cache-cou en question.
Le cache-cou porté par un policier lors de la réforme des retraites à Montpellier.

 Ce cache-cou n’est pas un cas isolé : des dizaines de cas où les policiers portent des écussons non réglementaires Punisher ont été répertoriés par le site Indextrême, qui documente les symboles utilisés par l’extrême droite et la police dans l’hexagone. À Montpellier, ce symbole a été repéré sur l’uniforme d’un policier en 2018  pour la première fois.

Photo prise par le Poing en 2018 lors de l’expulsion d’un squat.

Ce logo était accompagné d’une phrase terrifiante évoquant un appel au meurtre. “Le pardon est l’affaire de Dieu – notre rôle est d’organiser la rencontre.” Si là encore, il est possible d’interpréter ce slogan issu des croisades comme du second degré, le fait qu’il soit arboré par des policiers armés connus pour avoir la main lourde ne manque pas d’interroger.

Récemment, le journal CQFD, dans un article intitulé : “ACAB, et c’est eux qui le disent”, le journaliste indépendant Ricardo Parreira explique que le plus surprenant est que le slogan historique anti-flic “ACAB” (All cops are bastards, “Tous les flics sont des salauds”), créé par le mouvement des grévistes anglais dans les années 40, a été “repris à la sauce policière et transformé en All cops are brothers (“Tous les flics sont frères”)”. À l’appui, des dizaines de photos postées par des policiers montraient des produits TBL dessinés avec l’acronyme “ACAB”. Ironique, quand on sait que le 5 mai 2023, une personne s’est faite interpeller pour avoir accroché une banderole avec le même slogan “ACAB” sur un balcon devant la préfecture de l’Hérault, à Montpellier. 

Photos issues de la page Facebook de la TBL France, 2022.

Tous ces slogans ne manquent pas d’interroger – si les agents du service public sont tenus à une stricte neutralité politique et religieuse – le fait que les policiers puissent arborer des symboles douteux voire associées à l’extrême droite en dit long sur la composition de l’institution : si le rôle réel de la police est de protéger le capitalisme (elle s’acquitte très mal de sa mission de protéger les personnes) – le fait que ses membres puissent ouvertement arborer des symboles d’extrême droite en dit long sur son pourrissement.

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