La Cour des comptes critique la stratégie du département de L’Hérault sur sa gestion du littoral

Elian Barascud Publié le 8 mai 2024 à 16:30
Le lido de Thau avec vue sur l'étang de Thau. (Photo d'illustration Chistian Ferrer/Wikipedia commons)

Dans un rapport publié le 2 mai, La chambre régionale des comptes évoque de “nombreuses lacunes” dans la stratégie du Département de l’Hérault en ce qui concerne l’aménagement du littoral face aux défis environnementaux. Elle souligne “l’absence de définition d’indicateurs de résultats pour l’ensemble de ses plans”, et l’absence de “bilan systématique des actions menées, ce qui ne permet pas d’en évaluer l’efficacité”

Décidément, la chambre régionale des comptes multiplie les alertes sur la gestion des risques environnementaux dans l’Hérault. Fin mars, elle alertait sur les risques de submersion par les eaux du front de mer au sud de Montpellier à l’horizon 2050. Le 24 avril, c’est la stratégie de lutte de la Métropole de Montpellier contre le changement climatique qui était sévèrement critiquée par le gendarme administratif et financier. Et ce 2 mai, l’institution en remettait une couche avec un rapport de 53 pages sur la gestion du littoral héraultais.

Les dangers de l’urbanisation

Dans un premier temps, le rapport dresse un portrait de l’aménagement du littoral héraultais, avec les risques associés à l’urbanisation et l’artificialisation des sols liés notamment à l’économie du tourisme. “La constitution d’une armature urbaine autour d’un réseau de villes dense tout le long du littoral héraultais est source de plusieurs effets négatifs. L’artificialisation des sols constitue le premier d’entre eux. Bien que le phénomène se soit ralenti par rapport à la période 2000-2006, les sols artificialisés représentaient 10,4 % du territoire héraultais en 2018, soit au-dessus de la moyenne de 9 % recensée en France métropolitaine”, écrit la chambre régionale des comptes.

Le Département de l’Hérault, selon le rapport, est particulièrement sujet à des risques d’inondations et de submersion marine. “De par sa façade littorale, le département de l’Hérault est particulièrement exposé au risque inondation, également présent au niveau des étangs et des cours d’eau qu’il abrite. Ainsi, près de 129 000 personnes résident en zone inondable,soit près de 10 % de la population du département. La commune de Frontignan a fait l’objet de14 déclarations d’état de catastrophe naturelle sur la période de 1999 à 2019 du fait des phénomènes d’inondation et de coulées de boues. Les communes de Mèze et de Sète l’ont été pour leur part à dix reprises sur cette même période.”

Les autres risques mentionnés par la chambre régionales des comptes sont l’érosion du trait de côte sur le littoral et la salinisation des nappes phréatiques.

Des “carences dans le pilotage opérationnel”

Si, selon la chambre régionale des comptes, le Département a historiquement mis en place des mesures pour protéger son littoral (installation d’infrastructures de protection, recul de routes pour protéger le lido…), le rapport note que le pilotage des récents plans d’action de la collectivités est imparfait. A noter que les compétences du Département ont été limitées au profit des intercommunalités et de la Région par les lois NOTRe et NAPTAM, qui redéfinissent les champs d’interventions des différentes collectivités, notamment sur la gestion des milieux naturels et des espaces naturels sensibles, ce qui rend le pilotage de ces actions plus complexe.

En 2019, le Département s’est doté d’un plan, la stratégie Hérault Littoral, qui vise à “concilier et mettre en cohérence l’ensemble des politiques départementales pour permettre notamment une adaptation du littoral héraultais au changement climatique et aux risques littoraux”, avec 36 actions envisagées sur la temporalité 2019-2030.

Mais pour la chambre régionale des comptes, le Département manque d’études ou d’audits pour mesurer son action sur sa capacité à concilier l’attractivité du littoral et la préservation des enjeux environnementaux, et certains détails de cette stratégie demeurent flous : “La prévision budgétaire exposée dans la stratégie Hérault littoral souffre d’imprécisions. Si le montant total des actions prévues pour les six engagements a pu être évalué à 85,05 M€, le département de l’Hérault n’est pas en mesure d’expliciter la nature des 15 M€ restants sur les 100 millions d’euros prévus sur la période 2019-2021. Aucune information précise et détaillée sur l’exécution des dépenses correspondantes n’a été produite.”

L’institution financière et administrative note néanmoins un point positif : les ressources fiscales du Département ont augmenté en 2021, et sa gestion de la dette apparaît comme “sécurisée et maitrisée” aux yeux de la chambre régionale des comptes. Cependant, le rapport note que la collectivité peine à évaluer précisément l’argent injecté chaque année dans l’aménagement du littoral : “Le département de l’Hérault ne dispose pas de budget spécifique regroupant l’ensemble des dépenses de fonctionnement et d’investissement engagées chaque année en matière d’aménagement du littoral. […] Faute d’une comptabilité analytique suffisamment performante, le département n’est pas en mesure de déterminer avec exactitude les dépenses spécifiquement engagées pour l’aménagement du littoral. Si le déploiement d’une telle comptabilité analytique soulève des difficultés techniques, le département doit se doter d’outils pour mieux évaluer l’efficacité et l’efficience des politiques mises en œuvre pour le littoral.”

Et si le Département s’est doté d’actions de sensibilisation aux thématiques de l’érosion du trait de côte et de vulnérabilité du littoral aux risques naturels, le rapport note que “après avoir précisé que ces actions, portées par les élus et les agents du Département, relèvent essentiellement de dépenses de fonctionnement (salaires), le département a admis qu’aucune évaluation précise de leurs effets n’avait été effectuée pour l’heure.”

Des changements “à poursuivre”

La chambre régionale des comptes souligne également que la collectivité fait des efforts pour concilier attractivité du territoire et protection du littoral : évaluation de la durabilité des hébergements touristiques, développement des mobilités douces, et notamment du vélo, actions de sensibilisation auprès du public… Cependant, certaines de ces actions ont un bilan mitigé pour la Chambre. C’est par exemple le cas de l’opération “poisson-glouton” (de grandes poubelles en forme de poisson disposées sur les plages afin de récupérer les bouteilles en plastique), initiée durant l’été 2020 : “Si le département del’Hérault a enregistré plusieurs manifestations d’intérêt pour le dispositif, celui-ci pâtit lui aussi d’une absence d’indicateurs permettant d’en évaluer précisément les effets, notamment en termes de sensibilisation du public. En revanche, cette expérience démontre la persistance de comportements individuels des usagers des plages contraires à la finalité environnementale de l’opération. En effet, les retours d’expérience des communes participantes ont fait état d’un non-respect fréquent des règles de collecte exclusive de déchets plastiques, engendrant des difficultés de collecte voire un amoncèlement de déchets divers autour des poissons collecteurs”, peut-on lire dans le rapport.

Dans sa réponse adressée à la Chambre, Kleber Mesquida, président du Département de l’Hérault, a précisé que “la Chambre n’a pas défini en préambule de son enquête ce qu’elle considérait comme relever de l’aménagement du littoral. Le Département, de son côté, tient une comptabilité détaillée des dépenses relatives au littoral. Le rattachement de telle ou telle dépense peut être facilement réalisé dès lors qu’on définit ce qu’on appelle l’aménagement du littoral.”

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