La Paillade : l’opacité d’ACM quant aux rénovations dans les bâtiments insalubres de la résidence Mercure

Le Poing Publié le 8 janvier 2021 à 15:59 (mis à jour le 8 janvier 2021 à 16:03)

Keltoum est une des habitantes de la résidence Mercure de La Paillade. Depuis des années maintenant, elle habite dans ces immeubles insalubres. Les dégâts des eaux y sont fréquents, l’humidité pourrit les murs de la plupart des appartements…

« On a de nombreux problèmes dans ces immeubles. L’isolation thermique par exemple, c’est une catastrophe ! Je chauffe toute la journée, et je suis obligée d’attendre le début de soirée pour être à peu près à l’aise chez moi ! », témoigne Keltoum. « Au niveau de la facture d’électricité, surtout pendant un hiver froid comme cette année, c’est à peine gérable… » Rappelons que le parc locatif des bailleurs sociaux est destiné à un public aux faibles revenus, et qu’il est censé lui permettre de réduire ses charges en lien avec l’habitat…

Alors, comme dans la résidence Aigoual-Dourbie, les habitants ont monté un collectif, pour mettre en branle des travaux de rénovation conséquents.

« Quand on a eu des rencontres avec ACM, on a rien réussi à obtenir d’autre que des travaux de façade, on vient vous repasser une couche de peinture, sans pouvoir isolant particulier, dans les parties communes », raconte Keltoum. A cette époque, ACM promet des travaux d’ampleur dans les bâtiments, mais argue de la nécessité de faire détruire d’autres immeubles de la même résidence avant. Horizon fixé pour les rénovations dans l’immeuble de Keltoum : 2024-2025.

 Même son de cloche qui sonne dans le vide quand les membres du collectif rencontrent les équipes d’élus municipaux : « On avait rencontré le maire il y a quelques années, c’était encore Saurel à l’époque. Il était même venu nous rendre visite dans l’immeuble, compatissant devant le constat d’insalubrité totale. Il nous avait promis des actions publiques rapides et efficaces : on a rien vu passer ! », s’indigne l’habitante.

Reste l’option de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU). Pour les habitants de la résidence Mercure, le flou est resté intégral pendant bien longtemps, alors même que la mairie indiquait sur son site internet une clôture du périmètre des projets de l’ANRU à Montpellier pour l’hiver 2020-2021. « On a eu des rumeurs contradictoires, certains proches de personnes travaillant à ACM nous disaient qu’on ne serait pas inclus dans le plan de rénovation, d’autres affirmaient l’inverse… »

Alors Le Poing a cherché à contacter ACM Habitat et l’ANRU, pour éclaircir la situation. ACM n’a pas souhaité nous répondre, et l’ANRU nous a confirmé la présence de la résidence dans le périmètre de rénovation.

Entre temps, les membres du collectif d’habitants réussissent à avoir eux aussi des informations. Keltoum reprend : « On a pu enfin en parler un peu plus concrètement avec un responsable d’ACM, qui nous a montré le dossier de l’ANRU, avec la liste des travaux qu’ACM planifie dans ce cadre. Déjà, on a une réponse, mais ça s’est fait d’une drôle de manière, entre deux couloirs, d’une manière quasi-officieuse. On n’a même pas été convoqués dans les bureaux d’ACM. » Pourtant l’ANRU et les bailleurs sociaux se targuent très régulièrement de leur intense communication avec les locataires concernés par la rénovation urbaine…

D’autant qu’il reste un gros bémol à cette nouvelle : ACM maintient devant les locataires qu’il est nécessaire de détruire certains immeubles avant d’entamer la rénovation. Et l’échéance s’en voit donc encore repoussée, par rapport à l’objectif 2024-2025. Sans précisions. Alors même que les propositions de relogement pour les personnes habitant les immeubles en instance de destruction ne convainquent pas.

« ACM propose aux gens des solutions de relogement complètement excentrée de la ville, pour lesquelles il faudrait avoir un vrai budget essence, que beaucoup n’ont pas vraiment. Et ici on trouve tout un tissu de petits commerces de proximité, on est près de tout ce dont on a besoin. Du coup seul quelques familles ont accepté pour le moment. Vu que nous on dépend pour la rénovation de l’avancement des relogements pour que les tours puissent être détruites, je sais pas quand est-ce qu’on verra nos immeubles remis aux normes. On va quand même pas attendre dix ans ! En vérité, on attendra peut-être plus ! Je vois avec la Tour d’Assas, depuis 1991 que j’habite Montpellier on parle de sa destruction, et c’est seulement maintenant que ça devient concret. », s’impatiente Keltoum.

ACM n’a pas non plus voulu répondre au Poing, sur le pourquoi de la nécessité d’attendre les destructions pour rénover d’autres immeubles par ailleurs.

Le collectif des habitants de la résidence Mercure compte donc poursuivre sa mobilisation dans les semaines et mois à venir. Des modalités d’action sont à l’étude. Aux dire des membres du collectif, une manifestation montpelliéraine serait envisagée pour regrouper les locataires victimes de l’insalubrité.

Reste que Keltoum et ses amis ont une hydre à affronter dans ce projet, celle du sentiment d’impuissance. Après des années et des années de tractations autour du logement insalubre à Montpellier, et des promesses politiciennes dans tous les sens, beaucoup d’habitants semblent sceptiques quant à l’issue d’une mobilisation franche. Keltoum s’en rend compte en essayant de propager l’idée autour d’elle : « C’est un bémol à l’organisation de cette manifestation, quand on évoque cette possibilité, certains sont motivés, d’autres disent qu’on aura rien, qu’ils ne peuvent pas perdre leur temps avec des manifs dans tous les sens… »

Comment rendre l’espoir aux montpelliérains locataires de logements insalubres ? Le collectif de la résidence Mercure -avec celui de la résidence Aigoual-Dourbie, l’inter-collectif La Paillade, et éventuellement d’autres groupes de locataires de la région, comme le tout-récent Collectif de Locataires de Sète– parviendra-t-il à renverser la vapeur ?

Réponse dans les mois à venir !

A lire également : Le fonctionnement opaque de l’attribution des logements chez ACM

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