Le personnel des urgences montpelliéraines au premier jour d’une grève illimitée

Le Poing Publié le 4 juillet 2022 à 18:29 (mis à jour le 4 juillet 2022 à 18:42)

Alors que les grèves dans les services d’urgence des hôpitaux se poursuivent dans tout le pays, c’est au tour des services d’urgences adultes et pédiatriques de Lapeyronie et des UTEC de Guy de Chauliac à Montpellier de rentrer dans la danse. Ce lundi 4 juillet marque le début d’un mouvement de grève illimité pour les agents de ces services, couverts par un préavis déposé par la CGT et FO.

Une grosse soixantaine de grévistes des services d’urgences adultes et pédiatriques de Lapeyronie et des UTEC de Guy de Chauliac à Montpellier étaient rassemblés ce lundi 4 juillet à midi devant l’entrée du centre André Benech, sur le site de Lapeyronie. Le rassemblement, appuyé par certains élus locaux Nous Sommes et par une poignée de députés de la coalition de gauche NUPES, marque le début d’une grève illimité à l’appel des syndicats CGT et FO.

Comme partout dans le pays, avec d’autres mouvements de grèves dans d’autres services sur le territoire, la situation dans les services d’urgence de Montpellier est devenue intenable. En témoignent ces extraits d’un communiqué de presse publié sur le site de la CGT CHU Montpellier : « A ce jour, les agents sont épuisés. Les équipes sont à bout de souffle. Les heures supplémentaires ne trouvent plus de public et régulièrement certains secteurs sont sans agents. L’attente et les pertes de chance sont nombreuses pour les patients. Les arrêts maladie pour épuisement professionnel se multiplient, les demandes de mutation, disponibilités, démissions également. Il n’est plus acceptable, tenable de croiser des collègues en pleurs ou sidérés lors des prises ou fin de garde. […] Que ce soit aux urgences adultes, pédiatriques de Lapeyronie ou tête et cou de Guy De Chauliac la situation est désormais critique et ce, aux portes de l’été. Les personnels de ces unités redoutent des situations de perte de chance pour les patients y compris au niveau de la pédiatrie où même la gestion de la douleur s’avère précaire »

Une situation d’autant plus préoccupante pour les usagers et les travailleurs qu’une nouvelle vague de Covid-19 se profile. Santé publique France faisait état, mardi 28 juin, d’un fort rebond des nouveaux cas de Covid-19. Les nouvelles contaminations ont atteint 147 248, soit 54 % de plus que durant la semaine précédente. La région Occitanie est particulièrement touchée, avec une hausse de 64% des contaminations sur la même période, et le département de l’Hérault affiche un des taux de progression de la nouvelle vague les plus élevé de France.

Face à cette vague de grèves, Élisabeth Borne s’est déplacée dans un hôpital de Pontoise dans le Val-d’Oise ce vendredi 1er juillet. Son intervention, et la liste d’annonces qu’elle y a faite pour endiguer la crise, immédiatement relayée par l’ARS Occitanie, repose sur deux versants.

D’une main, satisfaire temporairement une toute petite partie des revendications des soignants grévistes, via une revalorisation du point d’indice, la titularisation de certains personnels en contrats précaires. Et une majoration des heures de nuit et des heures supplémentaires, entérinées pour trois mois seulement.

De l’autre, expliquer que la crise des urgences est avant tout liée aux mauvaise habitudes des français. « Les urgences ne peuvent pas faire face à tous les besoins de soins des Français », a-t-elle doctement expliqué face caméra. Trois jours plus tard, ce lundi 4 juillet, le nouveau ministre de la Santé François Braun déclare dans un style tout à fait macronien que le système de santé « n’est plus compris par nos concitoyens ni par nos soignants ». On est priés de croire que la responsabilité des dégâts de l’épidémie de Covid repose principalement sur les citoyens rétifs à la vaccination, ou qui voudraient attendre d’y voir plus clair, et certainement pas sur le détricotage méthodique et radical du service public hospitalier, dans la foulée d’une crise sanitaire parmi les plus graves de l’histoire. On est priés de croire que la responsabilité de la crise majeure des services d’urgences repose principalement sur le mésusage que les français en font, et sur les défauts de compréhension des soignants grévistes, certainement pas sur les politiques libérales menées depuis des décennies contre l’hôpital public, et qui s’accéllèrent.

De ce versant du positionnement gouvernemental résulte tout un panel d’autres mesures annoncées par Elisabeth Borne, elles aussi valides trois mois pour le moment : tri renforcé entre les urgences vitales et les autres cas pour les appels au 15, mobilisation de médecins généralistes retraités et de pharmaciens, augmentation du recours aux services de télémédecine (par téléphone donc), ouverture des maisons de garde le samedi matin. Et sur du plus long terme une hausse du prix des consultations chez les généralistes de 15 euros, pour favoriser leur installation.

Pourtant la CGT dresse un constat tout autre quant aux raisons de la saturation des urgences. En tout premier lieu, les coupes budgétaires, le manque de personnel, les conditions de travail précaires et déplorables qui entraînent de grande difficulté dans la stabilisation et le recrutement du personnel, surtout après ces dernières années d’une dureté inouïe, insolemment récompensées après grèves et manifs par une petite prime de 183 euros acquise sous la menace du mouvement social. A titre d’exemple, le CHU de Montpellier ouvrait mi-juin 130 nouveaux CDI d’infirmiers et d’aides soigants après un accord signé avec les syndicats, lequel prévoyait notamment des hausses de salaires. Encore faut-il que les améliorations apportées soit suffisantes pour que ces métiers continuent à susciter des vocations heureuses.

Les syndicats pointent également du doigt les effets des politiques libérales sur la fréquentation des urgences. D’après eux, les déserts médicaux et le manque de médecins libéraux aux heures de nuits et pendant les week-ends, la politique du « toujours plus » de médecine et de chirurgie ambulatoire avec la réduction toujours plus poussée des durées moyennes de séjours obligent nombres de patients à se rendre ou à revenir aux services d’urgences. Pendant que les fermetures de lits entrainent redéploiements, épuisement des personnels et diminution du nombre de lits mis à disposition pour désengorger les services d’urgence.

Face à ce constat, les grévistes montpelliérains avaient leurs revendications toutes prêtes pour un rendez-vous en préfecture dans la foulée du rassemblement, à 15h. Pour les services d’urgences : une forte réactivité pour rendre participatifs tous les acteurs du soin dans la régulation des flux d’amont, des mesures permettant des parcours de soins sécuritaires pour les usagers et les soignants, une régulation des flux d’aval qui permette d’hospitaliser les patients qui en ont besoin, une refondation de la prise en charge des urgences et des soins non programmés. Et pour l’ensemble des personnels hospitaliers paramédicaux et médicaux : une revalorisation plus conséquente du point d’indice, des salaires et des indemnités pour contraintes et pénibilités horaires (la nuit, les dimanches, les jours fériés), un plan de formation du personnel soignant qui permette réellement des embauches massives, lesquelles devraient permettre à chacun de se consacrer pleinement aux tâches que sont censées recouvrir son métier, un renforcement des moyens budgétaires pour les établissements, un ratio de personnels adaptés à la charge en soins et des mesures salariales pour fidéliser les médecins et prioriser leur affectation à l’hôpital.

Si le rassemblement de ce lundi midi n’a compté que quelques dizaines personnes, le même type de mobilisations avait fini par mener au printemps 2020, au moment des mardis de la colère et du mouvement pour les primes Ségur, à de beaux coups d’éclats après quelques semaines d’efforts. Et le mouvement va se poursuivre, comme dans de nombreux autres hôpitaux.

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