Les Chiliens, les Libanais et les Kurdes de Montpellier se mobilisent contre la guerre et la répression

Le Poing Publié le 22 octobre 2019 à 18:48
Mobilisation des Kurdes et des Chiliens de Montpellier, le 21 octobre 2019 sur la place de la Comédie.
De Hong-Kong à la Catalogne en passant par les Libanais et les Chiliens, les peuples se révoltent contre leurs gouvernants. Au Kurdistan, la situation est dramatique : l’ennemi historique des Kurdes, l’État turc, part en guerre. Des milliers de vies sont en jeu. Hier soir, les Kurdes, les Chiliens et les Libanais de Montpellier sont sortis dans les rues pour alerter la population sur les répressions policières et militaires subies par leurs familles.

« Les Kurdes n’ont pas d’autres amis que les montagnes »

Ce proverbe kurde est tristement d’actualité. Les Kurdes, peuple éclaté entre la Turquie, l’Iran, la région du Kurdistan irakien et la Syrie, se retrouvent encore sous les feux des projecteurs et des fusils. Les milices kurdes contrôlant le Rojava, cette région du nord de la Syrie expérimentant le confédéralisme démocratique, ont défait l’État islamique, avec le soutien aérien de l’armée étasunienne. Mais l’ennemi historique des Kurdes est l’État turc, qui a toujours perçu le projet d’indépendance kurde comme une menace, les Kurdes étant nombreux dans le sud-est de la Turquie. Il y a deux semaines, Donald Trump annonce le retrait de l’armée étasunienne en Syrie. Les soldats turcs et leurs alliés islamistes en profitent pour lancer une offensive contre les Kurdes syriens, qui passent un accord avec les troupes du président syrien contesté Bachar el-Assad. Un cessez-le-feu, négocié par les autorités turques et étasuniennes, censé être en vigueur jusqu’à ce soir, souhaiterait imposer le retrait des forces démocratiques syriennes, une alliance kurdo-arabe, le long de la frontière turque. Selon le New York Times, Washington garderait finalement 200 militaires au sol. La situation est explosive et nous rappelle que les forces impérialistes de l’OTAN – dont la France, les États-Unis et la Turquie –, bien que divisées, n’ont jamais été des alliés sincères des Kurdes : ils préféreront toujours une guerre menée par les islamistes et les nationalistes plutôt qu’une paix favorable à des milices se revendiquant comme révolutionnaires. Mais face à l’urgence, le centre démocratique kurde de France implore Emmanuel Macron « d’intervenir diplomatiquement auprès du gouvernement turc et à l’ONU pour exiger l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne, afin d’empêcher le massacre qui se profile ».

Une centaine de Kurdes ont manifesté la semaine dernière et hier soir à Montpellier. Ce matin, le centre démocratique kurde de Montpellier a tenu une conférence de presse. Seul le Poing était présent. Un représentant du collectif a évoqué les « armes chimiques » de la Turquie et les « 218 civils tués et 653 blessés » depuis le début de l’offensive. Une militante a insisté sur les liens entre la Turquie et l’État islamique, avant de réclamer un soutien de l’État français « pour qu’il n’y ait plus de familles endeuillées à Nice ou à Paris ». Les Kurdes de Montpellier seront dans la rue, vendredi à 18h30 au Peyrou.

Mobilisation du centre démocratique kurde de Montpellier, le 21 octobre 2019 sur la place de la Comédie

Au Liban, « ce soulèvement qu’on attendait plus contre un édifice vermoulu »

L’expression nous vient d’un article publié sur l’excellent site OrientXXI. Depuis un peu moins d’une semaine, des centaines de milliers de Libanais sont dans les rues. La contestation a explosé suite à l’annonce d’une nouvelle taxe sur WhatsApps, l’application permettant de téléphoner sans abonnement. Pour Doha Chams, le journaliste libanais d’OrientXXI, c’est « comme si la bombe à retardement des frustrations économiques et sociales qui avaient gagné les Libanais de toutes les confessions sans distinction aucune avait fini par exploser ». Il explique le soulèvement par plusieurs raisons : la décision de la banque centrale de retirer les liquidités en dollars, les banques ayant alors commencé à refuser les retraits d’argent ; la corruption et l’incompétence du gouvernement, incapable de maîtriser les incendies dans les forêts ; et ces nouvelles taxes sur le tabac, l’essence et WhatsApp. En réaction, le premier ministre libanais Saad Hariri a promis des millions pour les pauvres, de nouvelles centrales électriques, la création d’une autorité nationale de lutte contre la corruption, et des élections anticipées. Selon le journaliste, la base du Hezbollah est dans le mouvement et les Libanais se mobilisent en dehors « des clivages confessionnels ou partisans ». Ce phénomène en dit long sur l’ampleur du mouvement, le dernier tiers du XXIe siècle étant marqué par des guerres civiles inter et intra-confessionnelles : phalanges chrétiennes parfois alliées à l’armée israélienne pour massacrer des milices palestiniennes, occupations sanglantes de l’armée syrienne, complots politiques des puissances régionales et des impérialistes occidentaux, divisions meurtrières des milices arabes, résistances et offensives face à l’État israélien – liste non exhaustive. Les morts se comptent par dizaines de milliers. Dans les années 2000, le Hezbollah, le « parti de Dieu », chiite, se fait connaître du monde entier pour sa ténacité face à l’État israélien. L’équilibre institutionnel libanais, notamment dicté par les accords contestés de Taëf, signés en 1989, est avant tout confessionnel.

A la lumière de ces éléments, les propos du journaliste d’OrientXXI prennent une tout autre ampleur : « De nombreuses voix disaient vouloir continuer à investir les rues jusqu’à la chute du gouvernement, et l’organisation d’un scrutin selon une loi électorale nouvelle libérée du corset confessionnel, conformément aux accords de Taëf. Ce qui équivaut à une volonté de renverser le régime et s’apparente à une bataille existentielle. Ceux qui la réclament savent qu’elle n’est pas facile à mener, mais semblent déterminés à le faire. De même que les dirigeants sont déterminés à prolonger la vie du régime, fût-ce au prix de la vie des citoyens, dont le quart vit désormais misérablement, en deçà du seuil de pauvreté. »

Une centaine de Libanais de Montpellier ont investi la place de la Comédie hier soir en déployant le drapeau libanais. La photo de couverture du groupe facebook « Les Libanais à Montpellier » a été remplacée par une photo du rassemblement.

Au Chili, déjà 15 morts

Au Chili, une contestation populaire a explosé suite à l’augmentation, désormais suspendue, du prix du ticket de métro. Un nouveau bilan gouvernemental parle de 15 morts. Le président milliardaire Sebastien Pinéra parle d’un pays « en guerre ». Il a effectivement décrété l’état d’urgence et déployé l’armée dans la rue, une première depuis la fin de la dictature anticommuniste du général Pinochet, au cours de laquelle le néolibéralisme débridé s’est imposé par la torture et les assassinats ciblés. Près de 1 500 personnes auraient déjà été arrêtées. On compterait de nombreux incendies d’édifices publics.

Un peu moins d’une centaine de Chiliens de Montpellier se sont aussi mobilisés hier soir sur la place de la Comédie, aux côtés des Libanais. Ils ont notamment déployé ce message sur une banderole : « Pacifiques et violents, notre ennemi, c’est le gouvernement. Ensemble, nous sommes puissants ».

Mobilisation des Libanais et des Chiliens de Montpellier, le 21 octobre 2019 sur la place de la Comédie.

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