Les Gilets jaunes à nouveau interdits de manifestation pour leur 2e anniversaire

Le Poing Publié le 20 novembre 2020 à 16:53 (mis à jour le 20 novembre 2020 à 18:19)
Des gilets jaunes sur la Comédie à Montpellier. Image de l'évènement Facebook annonçant la manifestation du 21 novembre à 14h sur la Comédie.

La préfecture de l’Hérault prononce une interdiction directement politique du rassemblement de ce samedi à 14h. Celui de 11h, spécifique à la Loi de Sécurité, demeure autorisé.

Sans surprise, la Préfecture a fait connaître, ce vendredi, sa décision d’interdire le rassemblement annoncé ce samedi à 14 heures sur la place de la Comédie. Se présentant comme un appel national diffusé sur les réseaux sociaux (et relayé par certains groupes locaux, notamment Gilets jaunes) ce rassemblement doit marquer le deuxième anniversaire du soulèvement du 17 novembre 2018, déclencheur d’une mobilisation formidablement tenace. Outre certaines dénonciations des conditions actuelles du confinement, cet appel mentionne aussi le rejet du projet de loi dite de sécurité globale, dont le débat à l’Assemblée s’accompagne d’une contestation très vive.

Il est à noter que ce même samedi, une autre manifestation est appelée, contre cette même loi. Cet autre cortège a été déclaré en Préfecture, et autorisé. Il se formera à 11 heures devant le commissariat central de police, rue du Compte de Melgueil, au bout du boulevard de Strasbourg, côté square Jean Monnet. Ce site semblerait suggérer un certaine combattivité, mais plutôt symbolique, puisque le parcours annoncé doit s’éloigner aussitôt de cette adresse douloureuse à la mémoire de trop nombreux militants, pour regagner le centre ville en passant par la gare et finir par des allocutions devant la Préfecture. Cet appel est porté par un large collectif d’entités allant de la Ligue des Droits de l’Homme ou Syndicat des Avocats de France, jusqu’au NPA, L’UCL ou la CNT, en passant par Droit au Logement, la Cimade, Solidaires 34, certains Gilets jaunes (Prés d’Arènes) et activistes du climat, etc, etc.

Il ne manque pas de vraies ardeurs militantes, tout à fait éprouvées, dans cet arc organisationnel. Mais combien auront envie de redescendre les deux cents mètres de la rue de la Loge pour enchaîner sur le second rassemblement ? Ce vendredi aux abords de la Comédie, on remarquait comment certains responsables d’agences bancaires renouaient avec leur réflexe de protéger leurs établissements, vitrines et distributeurs, par des panneaux de bois. C’était comme un signe annonciateur du pire possible, comme cela se faisait tous les vendredis de l’année 2019.

Ces scènes sont assez drôles, comme s’il s’agissait de cacher des activités honteuses – mais au fait, l’immense majorité des banques ne détournent-elles pas nos dépôts (dont nous payons néanmoins les frais de gestion) pour spéculer dans les places semi-maffieuses internationales de l’évasion fiscale et du blanchiment… ? Tout bris de vitre ne sera jamais que l’epsilone des masses financières extraites du régime d’exploitation des travailleurs, pour être ainsi brassées et détournées.

Il est à craindre que, s’il parvient même à se rassembler, le cortège des deux ans des Gilets jaunes soit soumis à la répression la plus lourde. Il était très intéressant de consulter, ce vendredi, l’arrêté préfectoral d’interdiction. En effet, celui-ci commence par poser sur un niveau d’équivalence aussi bien le Code de Sécurité Intérieure et le Plan Vigipirate d’Urgence Attentats, que le Code de Santé publique et l’État d’urgence sanitaire. C’est dire l’enchaînement intime des deux logiques – répression anti-sociale sécuritaire d’une part, sécurité sanitaire dans le cadre pandémique d’autre part – mêlées de manière totalement décompléxée, pour justifier la surenchère autoritaire du Pouvoir.

Si bien que dans ses attendus plus détaillés, le Préfet établit qu’une manifestation non déclarée, par des organisateurs inconnus, ne saurait offrir de garantie de respect des gestes barrières et la distanciation sociale. Mais que cela posé, il consacre des développements plus longs à l’analyse du mouvement des Gilets jaunes, en tant que tel, depuis le point de vue exclusif du Pouvoir, non sans une vision dantesque des troubles à l’ordre public. C’en est cinématographique. Il y a bel et bien une bataille d’images, comme le pointe l’article 24 de la loi à combattre.

Tout cela pour conclure finalement, globalement, et généralement, que « les agissements illégaux et violents survenus dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes excèdent le cadre de la liberté de manifestation ». Il faut méditer la violence radicale et la portée de cette interdiction historique – en tant que tels, les Gilets jaunes sont exclus de la liberté de manifestation ! – et alors éviter l’erreur de penser que la Loi de Sécurité globale pourrait se percevoir en des termes seulement relatifs à des principes de droit formels, plus ou moins abstraits.

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