Les Psychologues : une mobilisation historique qui fera date et qui n’est pas prête de s’arrêter

Le Poing Publié le 14 juin 2021 à 00:22
Manifestation des psychologues à Montpellier le 10 juin 2021

Alors que les psychologues ont fait le 10 juin une entrée remarquée sur la scène du mouvement social, et qu’une autre journée de manifestations se profile pour le 15, Le Poing s’est entretenu avec une psy syndiquée pour mieux cerner les tenants et aboutissants de la mobilisation.

Quarante rassemblements pour l’ensemble de la profession, en métropole et dans les DOM-TOM. Environ 1500 psychologues à Paris, 1000 à Lyon, 500 à Toulouse, Bordeaux, Marseille, Rennes, et Montpellier où les professionnel.les étaient hésitant.e.s au départ avec la crainte de ne se retrouver au mieux qu’une centaine !

C’est d’autant plus remarquable que ce type d’action collective publique ne correspond pas vraiment à la pratique et l’éthique du métier de psychologue qui est le plus souvent dans la relation individuelle mais aussi dans des pratiques groupales et institutionnelles

Nous avons rencontré une psychologue de la fonction publique hospitalière pour un entretien plus approfondi sur les raisons, les causes de leur colère et l’avenir possible de cette mobilisation.

Lors de la journée du 10 Juin ce sont quatre syndicats qui ont appelé conjointement à l’action : le Syndicat National des Psychologues, la Fédération française des Psychologues et de Psychologie, la CGT branche santé et action sociale et le Séminaire Interuniversitaire Européen de Recherche en Psychopathologie et Psychanalyse. A Paris ce jour-là une délégation des 4 organisations a été reçue par les conseillers Bénédicte Roquette du cabinet d’Olivier Véran, et Philippe Romac du cabinet d’Adrien Taquet. Extrait ci-dessous du communiqué de presse envoyé à la suite de la rencontre :

« Nous avons réaffirmé les revendications que nous portons depuis quatre ans :

– L’accès direct aux psychologues sans prescription médicale ;

– Une prise en charge par l’Assurance Maladie à des tarifs décents ;

– La reconnaissance de la haute qualification des psychologues ;

– Notre appartenance aux sciences humaines et notre refus de l’assujettissement au tout médical ;

– La création massive de postes de psychologues (ETP) dans les services publics et le médico-social ;

– Le respect de la diversité des approches. 

Nous avons dénoncé l’empilement sans cohérence de dispositifs sectoriels, inadaptés aux besoins de la population et aux pratiques des psychologues : chèque étudiant, remboursement enfants-ados, expérimentation Cnam, Ecout’Émoi, Psycog …

Les conseillers du Ministère se sont engagés à reprendre rapidement les travaux avec nos quatre organisations. La mobilisation doit se poursuivre pour que les engagements soient tenus”

Or à Montpellier suite à cette mobilisation, quelle ne fut pas l’étonnement, la colère devant l’irrespect énoncé par « un grand professeur » de psychiatrie du CHU de Montpellier, Phillipe Courtet, dans un tweet rageur.

Cela confirme d’ailleurs la tendance que l’on sent depuis un moment au CHU de Montpellier à savoir la disparition des psychologues clinicien.ne.s,  dont la pratique est dans la relation de suivi psychologique à base d’entretiens,  au profit du tout neurologique associé à des thérapies du comportement et du développement au mépris de toute relation clinique.

L’arrêté du 10 Mars 2021 est celui qui a mis le feu aux poudres en développant un processus qui vient de loin et dont les références théoriques sont dangereuses mettant en place des plateformes diagnostiques.

« C’est une logique  philosophique et politique particulière qui nous vient du monde anglo-saxon et dont les fondements sont de considérer que l’humain n’est qu’un cerveau et que ce cerveau est une machine que l’on peut rééduquer, réparer …. c’est un changement de paradigme fondamental , exit l’inconscient, il n’existe pas…. », commente notre psychologue.

 Cette conception est défendue par Stanislas Dehaene, neuroscientifique qui préside actuellement le conseil scientifique de l’éducation nationale travaillant de concert et mis en avant par notre ministre de l’ Education Nationale JM Blanquer…..Cette mise en danger du lien entre la parole et la pensée que ce soit dans le soin ou dans l’éducation est très dangereuse car elle oblitère tout le champ de la pensée, supprime le pouvoir de la parole et engendre des conséquences éducatives et psychologiques dont la visée est à court terme  nourrissant une logique politique en lien , avec l’ultralibéralisme. C’est une déflagration qui va très loin car ce qui est attaqué, c’est la parole, le propre de l’humain !

Au-delà des références théoriques ce qui en découle concrètement pour la profession de psychologue ce sont des obligations législatives mettant en danger leur autonomie professionnelle et le libre choix de leurs référentiels théoriques, de leurs outils, leurs pratiques et leurs méthodes. Bref le titre de psychologue qui était protégé depuis 1985 est en passe de devenir une profession paramédicale à qui l’on appliquerait des obligations sur ce qu’ils.elles doivent faire dans leur métier. Tout cela est très réducteur sur l’ originalité de chaque personnalité humaine, sur la façon de penser le soin à court terme sur un mode «  d’ubérisation de la fonction psychologique » et sur la reconnaissance du statut de psychologue. Sachant par ailleurs qu’il n’y a pas de création de postes dans l’hôpital public ainsi que dans les Centre Médico Psycho Pédagogiques ce qui produit une  inflation du libéral. Tout était déjà tendu sinon saturé avant le Covid, toutes les structures manquent cruellement de postes et ce sont des mesures partielles et ponctuelles qui pleuvent : le chèque psy, le forfait psy- enfant- ados et pour survivre avec son métier c’est un travail à la chaîne avec des tarifs dérisoires et surtout, surtout plus de temps de parole ! L’Acte ! Sachant que les psychologues n’ont pas été intégrés dans le Ségur de la santé en ce qui concerne leur rémunération et le déroulement de carrière.

Par ailleurs tous les psychologues ne travaillent pas dans le champ de la santé et c’est bien un titre unique, non paramédical qu’ils.elles revendiquent et défendent.

La mobilisation ne va pas s’arrêter en chemin , un nouveau rendez-vous est pris à Montpellier le 15 juin, jour de mobilisation des trois fonctions publiques (Etat, territoriaux et hospitaliers ) avec un rendez-vous à 14H 30 après la manifestation devant la préfecture qui s’est engagée à recevoir la délégation. Cette fois ci les psychologues aussi vont se mettre en réseau collectivement !

Une pétition est disponible à la signature ici.

Pour aller plus loin, lisez cet article de l’Humanité, ou regardez le blog et la vidéo Youtube ci-dessous :

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