Sète : une mobilisation contre le mal logement tisse du lien en s’attaquant aux racines de la précarité

Le Poing Publié le 13 juin 2021 à 11:07 (mis à jour le 13 juin 2021 à 11:57)
Banderole du collectif Sètois contre le mal-logement

Dans la jolie petite ville portuaire de Sète administrée depuis 2001 par le maire divers droite F. Commeinhes le processus de gentrification des quartiers de la ville appelé en langue de bois « Rénovation urbaine » ne fait pas exception, il est même fulgurant !

Rénovation urbaine : une priorité pour la ville

A Sète, la rénovation urbaine passe par l’accès au logement. C’est un des axes essentiels du projet municipal mis en place par François Commeinhes depuis son élection en 2001. Au début des années 2000, 44 % de l’habitat en centre-ville ancien était considéré comme indécent. Aujourd’hui, grâce à la mise en œuvre du PRQAD, le Programme de requalification des quartiers anciens dégradés, ce taux a chuté à 12,4 %. Rue Honoré Euzet, Pierre Sémard, Maurice Clavel, Garenne, Grand-rue Haute… les vieux immeubles sont restaurés un à un et les quartiers renaissent. Autre cas concret de rénovation urbaine menée à Sète : la requalification de la rue Caraussane. Attendue depuis des années par les riverains, l’opération a permis de refaire à neuf la voie de circulation et se double d’une rénovation de l’habitat.

Extrait du document de communication de la mairie de Sète.

Mais la réalité est toute autre…et c’est dans le quartier des quatre ponts en plein centre que le collectif logement de Sète créé en décembre 2020 a eu l’occasion de le (re)-découvrir.

La rue de Tunis

« C’est une rue symbolique à Sète, les touristes viennent la photographier, les artistes y ont été subventionnés pour faire des graff, des fresques et dans cette rue co-habitent des « bobos » , des Airbnb  et des gens à la rue soumis à des vendeurs de sommeil dans des taudis.  Le projet c’est d’ailleurs de rendre cette rue piétonne, on est dans un décalage complet entre la gentrification boboland et la guerre faite aux pauvres : entre deux mondes ! » ce sont les propos de trois personnes du collectif logement , Jonathan Farida et Aline lors de notre rencontre dans un café au coin de la rue de Tunis où tout a commencé même s’il y avait eu une première alerte avant.

La prétendue rénovation urbaine ou la meilleure façon de changer la sociologie d’une ville ! Et faire de Sète un « Saint trop pèze » !

Pour réhabiliter un quartier, pour rénover des logements les propriétaires privés touchent des subventions d’organismes publics dans le cadre « d’opérations programmées d’amélioration de l’habitat ». De là à regarder ou chercher dans la ville quel logement on pourrait retaper pour bénéficier des subventions, puis les acheter pour les revendre au prix fort donc à une autre population, il n’y a qu’un pas souvent franchi ! Et quand on est propriétaire c’est encore plus facile de fixer de nouvelles conditions à ses locataires pour en profiter ! C’est justement à l’occasion d’une rénovation dont le propriétaire possède tout l’immeuble rue de la Révolution, que l’histoire du collectif a commencé. Une locataire n’a pas voulu accepter, à juste titre, les nouvelles conditions fixées par le propriétaire, il est allé jusqu’à lui couper l’eau ! Tout l’immeuble est rénové sauf son appartement. Et quand on commence à s’y intéresser on se rend compte dans cette histoire que les liens sont parfois troubles sinon évidents entre les différents organismes, bailleurs sociaux, offices des HLM et administrations publiques que sont la Mairie et le département. Le système de petits arrangements y est la règle les adresses de certains bailleurs ou organismes ne sont pas fois fictives et la chambre de commerce et d’industrie dont les membres sont dans les affaires est parfois derrière certains organismes comme « Un toit pour tous » …. Une forme de mafia ? On peut se le demander.

La mobilisation du collectif logement


A partir de la première alerte rue de la révolution le collectif s’est constitué avec une quinzaine de personnes en décembre 2020. Il a été question de soutenir, d’accompagner et de défendre trois personnes« des chibanis » travailleurs immigrés qui vivaient dans des taudis au 8 rue de Tunis et dont les petits enfants de la propriétaire, qui n’avait jamais entretenu les logements, ne faisaient rien eux non plus. La première bataille du collectif a été d’obtenir un arrêté d’insalubrité pris par l’ARS et la préfecture sur les logements afin qu’enfin les propriétaires prennent leur responsabilité car oui ils en ont ! Une obligation de travaux, de relogement pendant ces travaux, de suspension du bail qui reste valable et d’un arrêt de paiement des loyers jusqu’au rétablissement de conditions dignes d’hébergement. Mais ces propriétaires n’ont rempli aucun de leurs devoirs et le collectif a dû se mobiliser contre eux, auprès des organismes publics avec vigilance en accompagnement de ces trois personnes. Car lorsque les propriétaires sont défaillants c’est l’autorité publique qui prend le relais et dans la suite de cette mobilisation il y a eu plusieurs épisodes avant d’obtenir une solution convenable pour chacun des messieurs. C’est à cette occasion que l’on se rend compte de deux réalités, la guerre aux pauvres, car même dans les logements sociaux il y a plusieurs catégories excluantes et la guerre à la culpabilisation qui consiste à obliger les personnes à accepter parfois ce qui n’est pas acceptable : à savoir un 5ième étage quand on est âgé ou bien un quartier excentré sans commerces ou encore un logement inapproprié. D’actions de mobilisation en médiatisations appuyé par la présence de deux avocats dans l’accompagnement juridique et après avoir déjoué plusieurs fausses solutions le collectif a obtenu le relogement de deux des messieurs dans un HLM du département et du dernier dans un HLM de la ville, alors qu’au début il n’y avait aucune place d’HLM ! Et maintenant il n’est pas question de lâcher les propriétaires véreux il faut continuer à les suivre.

Par la suite, à côté de cette mobilisation une antenne du Droit Au Logement s’est créée avec des militants associatifs et politiques de la ville « pour mettre de la cohérence dans la lutte du logement à Sète ». Personne n’a cherché à vraiment travailler ensemble le DAL se spécialisant dans le juridique à partir de la mise en place de permanences sur Sète.

L’expérience du collectif logement est allée beaucoup plus loin en s’attaquant au piétinement social de la vie des personnes et au respect de leurs droits, par exemple  la CARSAT – caisse de retraite- qui a coupé à un moment donné la retraite ou le minimum vieillesse de certaines des personnes sur des motifs liés au retour dans leur pays considéré comme trop long. En fait c’est un véritable travail de soutien, d’accompagnement et de mobilisation vitale qui a permis le recul des administrations formatées. Et c’est sans doute cette piste qui est l’avenir du collectif, considérer que le problème du logement à Sète reste entier et qu’il recoupe celui de l’avenir de la ville et du respect de toute forme de vie sociale. Aller au Conseil municipal, au tribunal le jour où des dossiers d’expulsion sont jugés, faire en sorte que les personnes concernées par des problèmes de logement s’organisent. Même si l’affaire de la rue de Tunis a été une aventure où l’émotion avait une place importante liée à la personnalité des acteurs concernés mais c’est peut -être ça aussi l’avenir lutter avec émotion ?

La majorité municipale a d’ailleurs répondu dans un communiqué au collectif, ci-joint la réponse :

Réponse de la majorité municipale (DR)

EDIT :” Dernière minute, De l’eau pour la potière de la rue de la Révolution qui passe en conciliation avec son propriétaire coupeur d’eau demain, 14 juin au tribunal de Sète, toutes et tous à 9H30 pour la soutenir!



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