Loi sécurité globale : après la censure, que reste-t-il du texte liberticide (et du Conseil Constitutionnel) ?
Si l’article 24 prévoyant de restreindre la prise et la diffusion d’images de policiers en fonction a été censuré par le Conseil Constitutionnel, de nombreux pans de la loi restent d’actualité. Par ailleurs, le collectif Danger Loi Sécurité Globale Montpellier s’inquiète de la décision du Conseil d’ignorer les demandes d’examen d’une violation de la séparation des pouvoirs pendant le processus législatif.
C’est une victoire en demi-teinte pour les opposants à la loi sécurité globale. Saisi à la fois par des membres de l’opposition parlementaire et par les collectifs à l’initiative du mouvement social de ces derniers mois, le Conseil Constitutionnel a rendu ce jeudi 20 mai sa décision concernant la loi sécurité globale.
Commençons par les points retoqués par le Conseil. L’article 24, qui prévoyait de restreindre la diffusion, et de facto la prise, d’images de policiers en fonction, saute. Notons toutefois qu’il existe un article dans la loi censée conforter les principes républicains qui, pour peu que l’on en ai une interprétation large, reprend les mesures annulées au Conseil, étendues à tous les fonctionnaires de l’Etat. Les autorisations quant à l’usage des drones sont partiellement mises de côté, pour absence de garanties suffisantes quant à la préservation de la vie et des espaces privés. L’extension de certaines des compétences de la police nationale à la police municipale n’est plus d’actualité. Passent également à la trappe l’aggravation des peines pour les violations de domicile et la possibilité de filmer les détenus.
Il reste donc un bon morceau de la loi sécurité globale. La police municipale profitera tout de même d’une extension de compétence lui permettant de visionner les images de vidéo-surveillance. L’usage des caméras-piétons se généralise aux municipaux, aux gardes-champêtres, aux sociétés de sécurité dans les transports. La possibilité de surveiller la voie publique et d’y réaliser des fouilles de palpation est validée pour les agents de sécurité privée, ce qui était jusqu’ici réservé à la police. Ces derniers auront la possibilité de porter des armes en dehors de leur service, sans restrictions.
Par ailleurs, un des ressorts de la saisine citoyenne du Conseil Constitutionnel par les collectifs d’opposants à la loi sécurité globale reposait sur une critique du processus d’adoption de la loi. Ils dénonçaient une violation de la séparation des pouvoirs entre le gouvernement et les parlementaires, et donc un détournement des principes constitutionnels de la République.
Le 29 mars, sur demande du gouvernement, se réunissait une commission paritaire entre membres du Sénat et du Parlement. L’idée étant d’accélérer l’adoption de la loi, au mépris du travail de navette et de libre débat des deux assemblées. Les parlementaires ont été sommés par le gouvernement de sortir de cette séance avec un texte abouti, là où normalement les navettes permettent de déposer des amendements modifiant la loi, et se poursuivent jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé. Un terrible écho à l’extension de l’utilisation des ordonnances par le pouvoir depuis le début du quinquennat Macron : elles permettent au Conseil des Ministres de pondre un texte qui, présenté devant l’assemblée nationale, ne peut être modifié, seulement adopté ou refusé, en bloc. Le relatif silence autour de ces libertés prises avec le processus législatif semble démontrer que les institutions de la démocratie bourgeoise s’inquiètent assez peu de démocratie en temps de crise.
Dans un communiqué le collectif Danger Loi Sécurité Globale Montpellier déplore le refus du Conseil Constitutionnel de se positionner sur ces pratiques : «Le Conseil Constitutionnel prive les citoyens de toute possibilité d’obtenir le respect de la Constitution, par le pouvoir exécutif ou le pouvoir législatif. Dès lors la question se pose de savoir quelle est la légitimité de nos institutions si la plus haute juridiction ne respecte pas elle non plus le contrat social. »
Le collectif craint une forme de jurisprudence qui verraient ce type de recours sur des soupçons de violation de la séparation des pouvoirs exclus des Questions Prioritaires de Constitutionnalité par lesquelles le Conseil peut être saisi.
A l’heure où de nombreux syndicats saisissent le Conseil d’Etat concernant la réforme de l’assurance chômage, ne nous leurrons pas. Si toute victoire est bonne à prendre y compris par des voies de recours légaux, cette péripétie autour de la loi sécurité démontre que les institutions ne sont pas garante des processus démocratiques et des intérêts du peuple. Et c’est dans la rue et sur les lieux de travail qu’il faudra savoir les imposer.
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