Montarnaud : Macondo expulsé, Georges Frèche ressuscité, Delafosse égratigné

Elian Barascud Publié le 21 avril 2024 à 17:36 (mis à jour le 22 avril 2024 à 06:34)
Michel Milhet est le sosie officiel de Georges Frèche. ("Le Poing")

Ce samedi 20 avril avait lieu une conférence de presse exceptionnelle de “Saint-Georges Frèche”, ancien maire PS de Montpellier, au tiers-lieu écolo Macondo, menacé d’expulsion par le maire de Montarnaud, soutenu par Michaël Delafosse. “Le président” (du moins, son sosie officiel), a copieusement critiqué l’actuel occupant socialiste de la mairie de Montpellier

Il y a des moments comme ça, où l’espace-temps semble se fracturer. Le 19 avril, la rédactrice en chef du PoinT partageait sur X (ex-Tiwitter) un papier du PoinG sur un master en “quantique du leadership capacitant et vibratoire” à l’Université Paul Valéry, et le lendemain, voilà que l’ancien maire de Montpellier revient d’entre les morts pour dézinguer verbalement l’actuel.

Sa berline noire et son costard-cravate détonnaient au milieu des tiny houses, potagers en permacultures et autres toilettes sèches, ce samedi 20 avril, date choisie par les gestionnaires de la coopérative Macondo pour faire connaître leur histoire et leur menace d’expulsion par la mairie de Montarnaud.

https://twitter.com/lepoinginfo/status/1781994502783222210

Un lieu menacé

Il y a quarante ans, Georges Frèche (le vrai) militait pour construire une décharge sur cet espace de garrigue situé à vingt minutes de Montpellier, dans la commune de Montarnaud. Le projet avait échoué à la suite d’une mobilisation écologiste, qui avait arraché au groupe Vivendi , positionné sur le projet, 543 hectares de terres réparties entre Montarnaud, Saint-Georges d’Orques, Murviel-les-Montpellier et Saint-Paul. Des élus et des habitants avaient réussis à faire classer la zone Natura 2000, à y installer quelques activités agricoles et 16 000 m² de panneaux photovoltaïques.

Depuis 2018, la coopérative écolo Macondo, dont les créateurs se considèrent comme des “héritiers” de cette lutte, occupe un bout de ces terres pour y mener plusieurs activités : potagers en permacultures, fours solaires, toilettes sèches, expérimentations autour des “low-techs”. Le lieu accueille aussi école Etre, qui propose des formations gratuites aux métiers et savoir-faire écolos pour les jeunes en décrochage scolaire.

De l’argent public y est alors investit, et 27 emplois sont créés. Mais le changement de municipalité à Montarnaud a rabattu les cartes. Le maire actuel, Jean-Pierre Pujens, du parti radical de gauche, allié historique du PS, reproche à Macondo une absence de permis de construire et un risque incendie trop élevé, ce que les coopérateurs contestent. A partir du premier mai, ils risquent 500 euros d’amende par jour d’occupation.

Le média Reporterre racontait en février que l’élu s’était rendu sur place avec “son ami et président de la métropole montpelliéraine, Mickaël Delafosse – sans contacter les occupants.” Le même Delafosse, présent au vœux de la commune, a d’ailleurs décrit ce coin de garrigue , toujours selon Reporterre, comme « un endroit exceptionnel qui peut être un des grands écrins respectueux de l’environnement et du dialogue entre les hommes et la nature dont nous avons tant besoin ». Mais… sans Macondo, et ses « occupations illicites qui dégradent » le lieu. Aujourd’hui, il se susurre que le clan socialiste héraultais aurait d’autres projets pour cet espace, sans qu’on sache pour l’heure véritablement lesquels. Petit détail (n’oublions pas que le diable se cache toujours dans les détails) : c’est à Macondo que sont construits tous les composteurs de la Métropole de Montpellier.

Le mea culpa de Frèche

Une situation que “Saint-Georges Frèche” a fustigé dans son discours sur place : “Je suis revenu parce qu’on m’a dit que c’était le bordel ici”, a-t-il entamé ce 20 avril devant une assemblée mi bouche-bée mi hilare. “A l’époque je voulais construire une décharge ici, mais des islamo-gauchistes m’ont bien emmerdé, du coup je l’ai mise à Castries. Trente ans plus tard, je vois que Delafosse est toujours dans les déchets ! [Référence au projet d’unité de combustible solide de récupération pour brûler les déchets qui divise actuellement la Métropole, NDLR]. Depuis que je suis parti, c’est le bordel, il n’a aucune vision, il a mis trois pantins écolos dans son équipe pour faire croire qu’il était écolo, mais ils se sont barrés. Comme on dit, avec le parti socialiste, on est jamais déçu. Lui et ce Jean-Pierre Pujens, ils font fort quand même : vous récupérez les gamins déscolarisés et vous avez crée 27 emplois, mais eux, ils veulent vous dégager ! Battez-vous, et vive l’Occitanie !”

Un sosie presque parfait

L’homme qui jouait Georges Frèche ce soir-là s’appelle en réalité Michel Milhet, et vit dans le Lot-et-Garonne. Cet animateur de fêtes de villages, connu notamment dans le sud-ouest pour ses “courses de chiottes à roulettes” (des cuvettes de WC avec moteur et guidon, l’auteur de ces lignes a eu l’occasion de tester, c’est fun mais un peu dangereux), s’est rendu compte de sa ressemblance avec “le président” le jour où le voisin du vrai Frèche l’a confondu avec lui dans une fête votive. L’homme lui a alors conseiller d’écrire à l’ex-maire de Montpellier pour se présenter, photo à l’appui.

Un échange épistolaire suivra entre l’original et la copie, qu’une émission télé sur les sosies présentée par Christophe Dechavanne devaient réunir un mardi soir d’octobre 2010. Mais la mort de Frèche est survenue le dimanche, laissant périr avec elle une potentielle carrière de sosie officiel. C’était sans compter la facétie de l’association “Les Amis de Georges Frèche”, bien déterminée à faire durer la blague, et avec elle, la mémoire du turbulent baron socialiste. Ils organiseront deux faux meetings sur la place de la Comédie, en 2014 et 2015.

« Un pote m’a appelé bourré à trois grammes pour me proposer une intervention de Georges Frèche, je n’avais pas tout compris, mais j’avais trouvé ça drôle », expliquait de son côté Benjamin Clouet, président de Macondo, après l’intervention de Michel Milhet. Lequel était ravi : “On m’a appelé, on m’a envoyé le discours, j’ai dis oui. Je soutiens le projet.”

Des recours

Passée la blague, la mine du président de Macondo s’est assombrie quand il a fallu évoquer l’avenir. “L’intimidation a fonctionné, deux tiers des gens qui avaient une activité ici sont déjà partis. On n’a aucune solution de repli. Aujourd’hui, des recours juridiques sont en cours et le combat continue.” Il appelle d’ors et déjà “toutes les forces vives qui voudraient continuer de faire vivre le lieu” à se retrouver d’ici un mois pour une réunion de perspectives.

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