Montpellier : Delafosse à (l’extrême) droite toute dans l’affaire Tesson

Le Poing Publié le 24 janvier 2024 à 11:00

1 200 personnes du monde des lettres s’insurgent contre la consécration officielle de l’écrivain ultra-réactionnaire Sylvain Tesson, qu’on leur impose. Mais c’est eux que le maire PS de Montpellier choisit d’attaquer, en se rangeant aux côtés des politiciens de droite et polémistes d’extrême-droite

Chaque année depuis vingt-cinq ans se déroule en France Le printemps des poètes. Cette manifestation émane des ministères de la Culture et de l’Éducation nationale, ou encore le CNL, Centre national du Livre. Il s’agit d’encourager la découverte de la poésie contemporaine. “Le printemps des poètes” vise tout particulièrement le monde éducatif. Il se traduit par toutes sortes d’actions telles que des rencontres avec des écrivains, des ateliers d’écriture, des dédicaces, des conférences, la participation à des prix et concours, etc.

Une grosse polémique précède la prochaine édition, qui se déroulera du 9 au 25 mars 2024. En effet, un parrain en a été désigné, en la personne de l’écrivain Sylvain Tesson. Dès que connue cette nomination, une tribune protestataire a été rendue publique dans l’édition du quotidien Libération du 19 janvier dernier. Elle a été signée par mille deux cents écrivain.es, éditeur.ices, libraires, bibliothécaires et acteur.ices divers.es de la scène culturelle de l’Hexagone. Pour elleux, cette consécration officielle de Sylvain Tesson est un signe de plus de « la banalisation et la normalisation de l’extrême-droite dans les sphères politiques, culturelles, et dans l’ensemble de la société ».

Sylvain Tesson est un grand écrivain du nomadisme, qu’il pratique en parcourant des lointains extrêmes de la planète, nourrissant toute une méditation sur les destinées humaines. Reste qu’il compte dans le cercle des auteurs penchant à l’extrême-droite, aux côtés des Renaud Camus, Yann Moix ou Michel Houellebeq. A été, entre autres, remarquée son insistance à préfacer des ouvrages du romancier Jean Raspail, écrivain monarchiste et catholique traditionaliste, qu’adulent les identitaires. Près de chez nous, on a vu Sylvain Tesson accourir à l’invitation de la communauté religieuse ultra de l’abbaye de Lagrasse, dans l’Aude, pour une session de “littérature-washing”.

Lagrasse ? Le thème assez fumeux du 25e “Printemps des poètes” est justement “La grâce”. Relevons cette consonance juste pour l’humour. Quoique (le quotidien Le Monde avait consacré toute une enquête à la prise en main imposée par cette “communauté”, pourrissant la vie de la population). Les signataires de la tribune de Libération s’émeuvent donc qu’un événement « créé afin de contrer les idées reçues, et de rendre manifeste l’extrême vitalité de la poésie actuelle, soit incarné par un écrivain érigé en icône réactionnaire ».

Il n’a jamais été question d’entamer en quoi que ce soit la liberté d’expression et de création de Sylvain Tesson auteur ; en revanche de questionner l’acte politique que signifie sa consécration officielle en l’imposant à un monde artistique et professionnel attaché à des valeurs diamétralement opposées à celles pour lesquelles lui milite, mais serait pourtant censé les “parrainer”. Passant outre ce distinguo capital, toute une vague de polémistes d’extrême-droite et politiciens réactionnaires s’est soulevée, en semant la confusion pour agiter les menaces fantasmatiques du wokisme et de la cancel culture.

Selon un schéma idéologique désormais rodé, l’extrême-droite parvient à retourner le stigmate de l’atteinte aux libertés, contre les acteurs de la société civile et/ou du mouvement social les plus impliqués dans les démarches émancipatrices. Dans cette cohorte, on a tout de suite retrouvé les voix délétères de C.News, les Pascal Praud et Eric Nauleau. Et politiquement, ces grands spécialistes de la vie littéraire, et inspirateurs de l’émancipation, que sont les Bruno Le Maire, Valérie Pécresse, Eric Ciotti. Mais encore… Mickaël Delafosse.

Dans un tweet daté du 20 janvier, lendemain de la parution de la tribune, le maire de Montpellier reprend la phraséologie typique du camp d’extrême-droite dans la guerre culturelle en cours, en agitant les dangers, selon lui, d’une supposée « cancel culture », pour y opposer un fleuron de “culture-washing” d’idées creuses, à propos d’une « diversité du génie humain », et d’une France « pays de libertés. Celles des artistes, des écrivains, des programmateurs et des poètes sont donc nos libertés. Nous devons les chérir. Respect à Sylvain Tesson ». Et dire que Montpellier aurait pu être capitale culturelle de l’Europe, éclairée par un tel phare…

Décidément, l’hebdomadaire d’extrême-droite Valeurs actuelles ne s’était pas trompé, lorsque tôt dans son mandat, il fut le premier organe de presse d’influence nationale, à repérer et applaudir le maire (supposé de gauche) de Montpellier, tellement « atypique ». Il serait imprudent d’attendre le moment où l’extrême-droite sera directement installée au cœur du pouvoir, pour lui demander des comptes sur l’exacte nature du combat pour les libertés, dont il se réclame. Pour l’heure, Mickaël Delafosse multiplie les actes et prises de position sécuritaires, islamophobes, ségrégationnistes, qui attestent, juste, de son positionnement dans le glissement accéléré du pays vers la catastrophe fasciste. Il paraît que des élus “de gauche”, écologistes, communistes, anciens trotskistes, constituent sa majorité – on y entend les mouches voler.

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