Montpellier : en comparution immédiate, de la prison avec sursis pour des inculpés du 10 septembre
Trois personnes étaient jugées en comparution immédiate ce vendredi 12 septembre au tribunal d’instance de Montpellier pour des faits relatifs à leur participation à la manifestation du 10 septembre. L’un a demandé un délai pour préparer leur défense, les autres ont reconnu la majorité de ce qui leur était reproché
Sur les dix personnes toujours enfermées depuis la manifestation du 10 septembre à Montpellier, ils sont trois à se succéder à la barre, ce vendredi, au tribunal d’instance de Montpellier, dans une salle pleine de soutiens. Trois autres personnes ont été libérées dans la journée. “Les autres ont dû passer devant un Juge des libertés et de la détention en vue d’un procès ultérieur, ou dormiront en prison jusqu’à lundi”, déduit Jop*, (prénom modifié) membre de l’Assemblée générale contre les violences d’État et pour les libertés, qui apporte son soutien aux personnes victimes de répression lors des mouvements sociaux.
Sur les trois présents à l’audience, un seul, accusé de jet de projectile, demande un délai pour préparer sa défense (il demeurera sous contrôle judiciaire avec interdiction de manifester à Montpellier jusqu’au procès, prévu le 14 novembre prochain à 13 h 30). Les deux autres acceptent de se faire juger immédiatement.
Audience “pédagogique”
Le premier des deux, un étudiant de 19 ans au casier judiciaire vierge, est accusé de jet de projectiles sur des policiers, d’avoir tenté de mettre le feu à une poubelle, et de s’être rebellé pendant son interpellation en mettant des coups de pieds aux agents qui tentaient de le maîtriser. S’il reconnait les jets de projectiles et la tentative de feu de poubelle, il nie la rébellion. “Je me suis laissé entraîner”, souffle-t-il depuis le box des accusés.
“Monsieur a fait le choix de rester au milieu d’individus dangereux alors que la manifestation était calme et pacifique. Quand on est encore là à 17 h 30, c’est qu’on a décidé de mettre le bordel”, assène la procureure, avant d’ajouter :“Cette audience a une vocation pédagogique. Ce n’est pas parce qu’il y a des troubles à l’ordre public que cela signifie une répression maximale.” Elle requiert quatre mois de sursis simple, un stage de citoyenneté et l’interdiction de porter une arme. Son avocate, Me Leroy-Szwed, s’interroge : “Quand j’ai eu le dossier en mai, je me suis demandé ce qu’il foutait là. C’est un étudiant, certes précaire, mais inséré, qui n’était pas là pour casser du flic.” En l’absence de vidéo de l’interpellation du jeune homme, elle demande la relaxe pour l’accusation de rébellion.
Les réquisitions de la procureure ont été suivies : condamné pour violences et tentative de dégradations, il écope de quatre mois avec sursis simple, un stage de citoyenneté, une interdiction de porter une arme pendant cinq ans, et doit 800 euros de dommage et intérêts au policier qui l’accusait, plus 500 euros au titre des frais de procédure.
“Je n’ai pas fait les bons choix”
Le second est un quarantenaire, accusé de violences, violences avec arme (jet de projectiles et d’une poubelle enflammée) et de rébellion. “Il avait bu, et a avoué avoir jeté des canettes et des peaux de banane sur les forces de l’ordre”, énumère la juge. L’homme, qui reconnait avoir un problème avec l’alcool, admet avoir “fait les mauvais choix” sous l’emprise de “l’effet de meute”. “Je suis venu pour manifester une émotion, mais j’étais pacifique”, explique-t-il. Les policiers l’ayant interpellé l’accusent d’avoir fait une balayette à l’un d’eux, ce que le prévenu dément. “Ils sont arrivés par derrière, j’ai pris un coup de matraque sur la tête.”
En tout, cinq policiers se sont constitués parties civiles. Un de leurs avocats se lance dans un exposé sur la “résistance à l’oppression” : “Quand j’ai passé l’examen pour devenir avocat, j’ai du disserter sur ce sujet. Je n’ai jamais vu Rosa Parks ou Martin Luther King résister à l’oppression en jetant des poubelles enflammées sur la police.”
“Il y a de la colère et une addiction à l’alcool, mais monsieur ne trouve pas mieux que de consommer de l’alcool”, souffle la procureure, qui requiert douze mois de prison avec sursis probatoire, assorti d’obligation de soins en addictologie et d’un stage de citoyenneté. “Ce n’est pas un dangereux anarchiste”, rétorque Me Bertrand, son avocat, en demandant la requalification du sursis en sursis simple et la relaxe partielle pour une partie des violences (la balayette).
Il écopera finalement de douze mois de sursis simple, d’un stage de citoyenneté et d’une interdiction de port d’arme pendant cinq ans. De plus, il devra payer 500 euros à titre de dommage et intérêts plus 200 euros au titre des frais de procédure pour chacun des cinq policiers parties civiles.
En sortant de l’audience, un fin observateur des comparutions immédiates à Montpellier commente : “Les peines sont largement inférieures à ce que l’on a pu voir pendant les gilets jaunes pour des chefs d’inculpations similaires. C’est vrai qu’on a affaire à des profils plus inséré, mais peut-être que les coupes budgétaires dans la justice créent une relative sympathie pour le mouvement chez les juges. En tout cas, il y a un décalage entre la répression policière de jeudi et la répression judiciaire de cet après-midi…”
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