Montpellier : le “manifestival”, l’opération de communication de la France Insoumise auprès de la jeunesse

Le Poing Publié le 5 juin 2024 à 14:28 (mis à jour le 5 juin 2024 à 14:38)
La France Insoumise a organisé un "manifestival" sur la place Salengro, à Montpellier, le 4 juin, en vue des élections européennes. ("Le Poing")

Ce mardi 4 juin, sur la place Salengro, à Montpellier, s’est déroulé le “manifestival” en présence du député Louis Boyard : un mélange entre une soirée techno et un meeting politique, où un millier de jeunes étaient présents selon les organisateurs

« Alors que Macron censure les voix de la paix, réprimant les étudiants qui se mobilisent. Nous sommes bien décidé à faire du bruit ! », écrivait la France Insoumise dans un communiqué annonçant le lancement du “manifestival” : “Au programme, de la politique avec Louis Boyard et de la musique avec des DJ Set. La Macronie veut faire taire la jeunesse et lui inflige précarité, nous faisons la démonstration qu’elle ne se taira, La jeunesse a le droit d’être heureuse !”

Le “manifestival”, qui devait tourner dans cinq villes universitaires de France (Paris, Lille, Marseille, Montpellier et Rennes) a été annulé par le préfet dans la ville bretonne, pour risques de troubles à l’ordre public. Le député Louis Boyard a annoncé porter l’affaire devant la justice administrative. ‘”e festival fait beaucoup parler de lui, puisqu’on a eu le droit à de la publicité de la part de Gabriel Attal, de Jordan Bardella, de Cyril Hanouna, globalement que des personnes qui n’étaient pas invitées”, résumait le jeune député, en introduction de l’édition Montpelliéraine qui a eu lieu le 4 juin dernier dans le quartier Figuerolles.

Un millier de personnes à Montpellier

“Raphaël Glucksmann a fait un meeting à Montpellier, vous êtes deux fois plus nombreux”, s’exclame le jeune député Insoumis au visage juvénile dans un micro devant une foule tout aussi jeune, en délire. (Le précédent meeting montpelliérain de la tête de liste LFI aux élections européennes en avril dernier avait réuni 1000 personnes).

Entre deux sons de techno avec des samples de la fameuse réplique de Jean-Luc Mélenchon “Abattez la citadelle”, la soirée festive prend des allures de meeting avec Louis Boyard : “Quand un génocide est en cours sous nos yeux et que la France refuse de reconnaitre l’État Palestinien, nous sommes là pour les embêter, en sortant des drapeaux à l’assemblée. Ils ont sanctionné l’un des nôtres pour cela, Rachel Keke l’a refait. Avec le nombre que nous sommes, nous sommes prêts à faire un roulement ! Nous sommes la génération qui va tout changer, nous n’avons pas le choix, le réchauffement climatique nous montre que le système n’est pas viable, nous sommes la génération qui va mettre fin au capitalisme. Le logement, l’énergie, l’alimentaire, la santé, l’école, ne doivent pas être des marchandises. Notre génération a le droit au bonheur, continuez de manifester pour la Palestine, tenez tête, ne lâchez rien, luttez !”

Une stratégie

Après un poussif appel au vote, le jeune député Insoumis se prête au jeu des selfies avec de nombreux jeunes. “Mes parents sont de droite, moi je suis de gauche, on peut leur faire une vidéo pour leur expliquer pourquoi je vais voter le 9 juin ?”, demande une jeune de 18 ans en tendant son téléphone. “Pour les militants de BDS, un mot pour la Palestine”, enchaîne une autre jeune avec un keffieh sur les épaules. “C’est les seuls à défendre la Palestine et ils prennent trop cher dans les médias, rien que pour ça je vais voter pour eux”, souffle un jeune homme dans la file d’attente pour rencontrer le député. Député qui a refusé notre demande d’interview.

Cette propagande aux allures de fête s’inscrit, au même titre que le petit jeu vidéo “Abattez la citadelle” (qui consiste à jeter des tortues -animal totem de Jean-Luc Mélenchon- sur des édifices en béton enfermant les têtes de Jordan Bardela, Macron etc…-) dans une stratégie de séduction de la jeunesse. “C’est clair que ça casse les codes, mais je sais pas si on va pouvoir mesurer quantitativement l’impact que ça a dans les urnes”, analyse de son côté un Insoumis montpelliérain.

Un peu à l’écart de la foule, clope au bec, un militant anarchiste commente : “C’est rigolo, mais c’est pas ça qui va me motiver à aller voter dimanche…”

Récupération des luttes ?

Car la stratégie électoraliste des Insoumis est éminemment critiquable. Se poser en tant que représentants des luttes au niveau électoral, c’est aussi les récupérer sans demander l’avis des personnes qui participent à ces mouvements sociaux. Si les insoumis donnent de la force au combat pour la Palestine, ils s’autoproclament représentants d’un mouvement qui ne leur a pas donné un blanc-seing. De même, la présence sur le DJ set du drapeau d’un fantomatique collectif « antifasciste insoumis de Montpellier », dont personne n’a jamais entendu parler, interroge : n’est pas une tentative de tirer à soi la couverture de l’antifascisme, pourtant porté par d’autres collectifs sur le terrain ? Plus généralement ces tentatives de récupération posent la question de l’autonomie des luttes. Pour tout une partie du mouvement social, ce sont des luttes que sortira une nouvelle société et non de vieilles lunes électoralistes dont on sait très bien que la soi-disant gauche radicale ne pourra pas tirer la force de combattre le capitalisme. Le naufrage de Syriza en Grèce en constitue une cruelle piqure de rappel : cette coalition de gauche, proche des Insoumis, a appliqué une austérité plus ravageuse que celle du gouvernement contre laquelle elle a été élue.



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