Montpellier : les opposants au L.I.E.N. entrent en coalition nationale

Le Poing Publié le 14 novembre 2022 à 12:33

Même engagé sur le terrain, le chantier du contournement nord de Montpellier ouvre un horizon de luttes jusqu’autour de 2030 ; l’enjeu étant de passer d’une résistance locale à une lutte globale

Non mais quel cynisme ! Lorsqu’on fait route du centre de Montpellier vers Grabels, commune limitrophe, on tombe sur les panneaux publicitaires – dont les roulants géants, les plus critiquables d’un point de vue écologique – qui clament la propagande du Conseil départemental de l’Hérault. En ces termes : « Le climat n’attend pas ! Ici on agit ». Justement : ce dimanche, on effectuait ce trajet, pour se rendre à une nouvelle journée de mobilisation du collectif des opposants au L.I.E.N..

Rappelons qu’il s’agit d’un projet autoroutier de contournement nord de l’agglomération montpelliéraine. Entre l’entrée de Saint-Gély-du-Fesc sur la route de Ganges, et le carrefour de Bel-Air sur l’autoroute de Lodève, un segment terminal de sept kilomètres est en cours de réalisation. La dimension pharaonique du chantier est désormais bien visible, avec une monstrueuse percée à flanc de côteaux arborés. Toute la zone est en train d’être défigurée.

Une centaine de personnes ont pris part aux diverses activités de la journée, dont, pour commencer, une conférence de presse. Au côté de René Revol, deux autres élus avaient pris place, ceints de leurs écharpes tricolores : Sylvain Carrière et Sébastien Rome, deux députés héraultais appartenant à la même formation que le maire de Grabels, la France insoumise. On ne croit pas que beaucoup de gens impliqués dans la lutte contre le L.I.E.N. aient placé jusque là beaucoup d’espoir dans le jeu institutionnel de la représentation électorale.

Or Sylvain Carrière et Sébastien Rome figurent parmi les parlementaires qui ont répondu favorablement à l’appel “pour un moratoire sur les projets routiers destructeurs”, appel rendu public en juillet dernier, par la coalition “La déroute des routes” formée quelques mois auparavant. Hélène, une des figures locales de la mobilisation anti-L.I.E.N. confie : « On ne peut pas sous-estimer ce que peut apporter, parmi d’autres outils de lutte, ce travail en direction de parlementaires. A travers eux, c’est la question de la responsabilité des politiques menées qui peut être abordée. Et un membre de la Comission des Finances de l’Assemblée nationale aura toujours plus de moyens que nous de mettre son nez dans les affaires de Vinci, par exemple. Ça peut être précieux ».

La mobilisation publique de ce 13 novembre constituait le dernier volet d’un week-end de travail, tenu à Montpellier, par une vingtaine des trente-cinq collectifs de terrain, de tout l’Hexagone engagés dans la nouvelle coalition “La déroute des routes”. Un débat tenu dans l’après-midi a permis de mieux comprendre l’intérêt de cette coalition. Quatre intervenant.es se sont d’abord succédé, révélant à quel point, qu’on soit à Rouen, Strasbourg et Montpellier, une cohérence se dégage de tous les projets routiers en cause. Quatre-vingt-onze ont pu être recensés. Ils pèsent vint-huit milliards d’euros d’investissements, portés principalement par les départements. Ils totalisent la destruction de sept mille hectares de terres agricoles ou naturelles, pour deux mille kilomètres linéaires de voirie supplémentaire.

Sans être des cas isolés, les projets routiers en cours poursuivent dans une logique qui est celle du “tout-routier”, à laquelle on adhérait sans souci voici un demi-siècle. Mais à l’heure de la COP 27, des objectifs jamais réalisés de réduction des gaz à effet de serre, comment justifier un seul instant de poursuivre dans cette logique. « Construire des routes, c’est augmenter le trafic routier et l’étalement urbain, c’est augmenter les émissions de gaz à effet de serre et la sur-consommation d’énergie (fût-elle électrique), c’est tourner le dos à l’objectif de zéro artificialisation de terres, c’est contribuer au recul de la biodiversité (par l’impact désastreux des grandes infrastructures sur les milieux nécessaires aux espèces) » expliquent, en substance, les opposants.

Une randonnée dans les collines a permis de prendre la mesure de ces risques, déjà au stade du seul défrichement initial à l’avant du chantier proprement dit. Petit exemple : un pathétique carré de rubalise délimitait l’aire où poussait une espèce protégée de glaïeul des garrigues, menacée d’extinction. Et même un petit drapeau signalait l’emplacement exact du végétal en cause. Sur le terrain on constate que tout a été écrasé, brisé, émietté, par le passage des engins, bafouant la réglementation que les responsables du projet routier se targuent de respecter. « Si nous nous retournons vers l’Office français de la biodiversité, qui est la police de l’environnement, sous-dotée, politiquement contrainte, on nous fait comprendre que notre plainte n’aura pas de suite » déplore l’un des chercheurs investis dans la défense des espèces.

Un dernier recours juridique non tranché à cette heure concerne justement neuf espèces protégées (en plus des cent-trente-six déjà reconnues menacées) qui avaient curieusement échappé aux auteurs des études d’impact environnemental du chantier. Mais il semble peu probable que le seul Tribunal administratif de Montpellier ose se mettre en travers de l’aval déjà accordée par l’instance supérieure qu’est le Conseil d’État. La balade est donc l’occasion de s’interroger auprès des uns et des autres sur le bien-fondé de poursuivre cette lutte alors que les engins de chantier sont déjà à l’oeuvre sur le terrain.

« Attention, le chantier doit encore durer jusqu’en 2027, mais il a déjà pris pas mal de retard ; et seuls trois kilomètres sur les sept sont véritablement initiés » relève Romain, qui poursuit : « Même si l’axe routier devait être achevé, il en découlerait toute une bataille foncière, sur plusieurs années supplémentaires, pour contre-carrer tous les projets commerciaux et immobiliers que ce nouveau réseau routier va entraîner alentour ». Anna n’a surtout pas l’intention « de laisser agir tranquillement ceux qui sont en train d’anéantir cette vallée », qu’elle a appris à adorer. On la trouve pertinente, lorsqu’elle estime que « de toute façon, la période est tellement grave et instable sur le plan géopolitique, écologique, social, économique, que tout est susceptible de se retourner d’un instant à l’autre, ne serait-ce que pour des questions de coût du chantier, des carburants, etc ».

Cathy est venue en voisine solidaire, après sept années de lutte pied à pied contre le projet Oxylane à Saint-Clément : « Tout le long, nous avons eu la sensation d’être le pot de terre contre le pot de fer. Or nous avons fini par gagner ». On la connaît active aussi contre l’expension de l’aéroport de Montpellier. A fond pour la destruction du climat, les responsables montpelliérains, les mêmes que pour le L.I.E.N. assènent qu’il faut continuer de croître par principe, passer d’un million et demi de passagers à deux et demi par an. N’envisager aucun modèle alternatif des mobilités.

Ainsi, la promotion de “La déroute des routes” effectuée ce week-end à Grabels, a voulu montrer que la contestation du L.I.E.N. ne relève pas que d’une résistance locale nourrie de l’inquiétude de riverains, mais qu’elle s’inscrit, de plain pied, dans la lutte globale pour changer le système, sans quoi rien ne sauvera le climat.

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