Montpellier : les opposants au LIEN dénoncent “l’illégalité des travaux”, une plainte va être déposée

Elian Barascud Publié le 29 novembre 2023 à 17:58 (mis à jour le 1 décembre 2023 à 11:24)
Travaux de déboisement sur le chantier du L.I.E.N. (Image d'illustration Le Poing)

Alors que les travaux de la liaison intercantonale d’évitement nord (LIEN) ont repris mi-novembre, le glaïeul douteux, une espèce protégée qui vit sur le tracé de la route, est au cœur des débats

“Le Département de l’Hérault écrase une des 136 espèces protégées sans disposer des autorisations pourtant nécessaires. Faisant fi des informations naturalistes transmises par voie hiérarchique et par voie juridique, et sans attendre d’obtenir l’arrêté préfectoral qui l’autoriserait à détruire ces 474 pieds , le Département procède mi-novembre à la destruction méthodique du sol exactement sur une des zones où ont été constatées les stations de Glaïeuls douteux” écrivait le collectif SOS Oulala, qui lutte contre le LIEN, dans un communiqué du 27 novembre.

Pour rappel, la Liaison Intercantonale d’évitement Nord (LIEN) est un projet porté par le Département de l’Hérault depuis les années 80. Il est censé relier les petites communes du nord de l’Agglomération de Montpellier entre elles, et a été construit par bouts successifs de routes. Le dernier tronçon du chantier, huit kilomètres entre Saint-Gély-du-Fesc et Grabels, est actuellement en cours de travaux. Selon le collectif SOS Oulala, ce chantier permettrait de créer un périphérique de liaison entre l’A 750 et l’A 9 pour du transport de marchandises.

Carte réalisée par le collectif S.O.S. OULALA qui montre les différents tronçons de construction du LIEN. (DR)

Mais voilà, sur ces 70 à 80 hectares de garrigues qui vont être bétonnés vivent 136 espèces protégées. Une est particulièrement au centre de la polémique : le glaïeul douteux. Une plante qu’on ne voit que lors de sa floraison, en mai, dont l’habitat est en train d’être détruit illégalement, selon le collectif SOS Oulala.

“Pas d’autorisation”

Pour modifier l’environnement de cette espèce protégée, le Département a besoin de dérogations, qui s’accompagnent de “mesures compensatoires” (évitement de la plante, replantage ailleurs, récolte de graines pour en replanter plus loin…) Le Département obtient une première dérogation en 2019, puis une dérogation complémentaire en 2021. L’autorisation vaut pour 30 spécimens, puis pour 20, soit 50 pieds de Glaïeuls douteux au total.  

Photo d’un glaïeul douteux sur le tracé de la route du LIEN, prise par l’Association nationale pour la Biodiversité en 2023. (DR)

Mais en mai 2023 (période de floraison du glaïeul douteux), le collectif SOS Oulala fait venir un huissier sur le site des travaux. Celui-ci constate 286 plants de glaïeuls. Un chiffre encore revu à la hausse quelques jours plus tard par l’Office français de la biodiversité (OFB) et le conservatoire botanique national méditerranéen, qui comptabilisent 474 plants sur le tracé du tronçon.

Ce qui conduit les militants à dire aujourd’hui que sans autorisation légale ou dérogation concernant tous les plants de glaïeul, les travaux sont illégaux. “On a vérifié, l’entreprise ne travaille plus là où sont les plantes”, décrivait Hélène Ibert, membre du collectif SOS Oulala, le lundi 27 novembre. En effet, l’Office national de la biodiversité a fait arrêter les travaux là ou vivent les glaïeuls le 20 novembre, mais ils continuent plus loin.

“Infraction pénale”

Pierrot Pantel est ingénieur écologue et chargé de mission juridique pour l’Association nationale pour la biodiversité. Il s’est lui aussi rendu sur le lieu des travaux le 27 novembre, et a posté une vidéo sur Twitter. Vidéo dans laquelle il annonce qu’il allait déposer plainte contre le Département de l’Hérault et l’entreprise Cazal, qui gère les travaux. Pour lui, la “mise en défend” des plants de glaïeuls douteux, réalisées via l’encadrement par des triangles d’un mètre carré, ne sont pas suffisants.

Contacté par le Poing, il explique : “Sans nouvelle dérogation administrative, il ne peut pas y avoir de travaux. Ici, il y a une infraction pénale régie par l’article 411-1 du Code de l’environnement. L’habitat d’une espèce protégée est protégé. Les travaux de terrassement du sol équivalent à la destruction de l’habitat, donc l’infraction pénale est caractérisé matériellement. Pour l’élément moral, celui de l’intentionnalité, le rapport de l’OFB concernant les 474 plants a été rendu public, et l’espèce protégée est sur une liste spécifique. Le Département ne pouvait pas dire qu’il ne savait pas. “

De son côté, l’OFB n’a pas souhaité “s’exprimer sur un dossier en cours”.

Quant au service presse du Département de l’Hérault, il n’a pas répondu à nos sollicitations.

Elian Barascud

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