Montpellier : un jeune migrant commence sa rentrée en prison plutôt qu’à l’école
Hier se tenait à Montpellier le jugement en appel de M. C., un jeune guinéen récemment arrivé en France et actuellement détenu à la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone. Accusé d’avoir produit un extrait de naissance factice pour « profiter » de l’aide sociale à l’enfance (ASE), il a pu compter sur la présence d’une soixantaine de soutiens dans et devant le tribunal.
Une odyssée trop ordinaire
M. C. a connu un périple de neuf mois avant d’arriver en France. Sauvés du naufrage de leur embarcation en pleine nuit, lui et ses compagnons d’infortune sont amenés directement sur les côtes siciliennes. Après une rude traversée de l’Italie, il parvient à franchir les frontières françaises en octobre 2017. Ses documents indiquant un âge de 17 ans, il est pris en charge par l’ASE en tant que mineur non-accompagné, conformément à la convention internationale des droits de l’enfant.(1) Pendant les cinq mois qui suivent, il participe à des formations de remise à niveau et s’inscrit dans un club de foot. Il devait théoriquement s’inscrire, à la rentrée 2018, dans un établissement d’enseignement professionnel, mais le 12 juin 2018, la police aux frontières (PAF) l’interpelle, sous le prétexte que son extrait de naissance serait un faux. Il subit des tests osseux – dont la fiabilité est largement contestée par le corps médical(2) – qui lui donne entre 17 et 19 ans. Il est alors jugé en correctionnel le 13 juin 2018 et condamné à de la prison pour fausse déclaration dans le but d’obtenir une prestation, décision dont son avocat a interjeté appel.
Audience par visioconférence
Jugé à la cour d’appel de Montpellier hier, M. C. n’était pas présent pendant l’audience. Depuis la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, seul dans une pièce blanche, il pouvait interagir avec les membres du tribunal par… visioconférence. Une pratique de plus en plus répandue, à la croisée de la réduction des coûts en matière de « justice » et de l’augmentation drastique du nombre d’affaires passibles d’un passage au tribunal(3). Le procureur a débuté sa plaidoirie sur ces bons mots : « Tout le monde sait que la France est très accueillante pour les mineurs étrangers, dotés d’une allocation assez conséquente – 284 euros par mois – qui coûte très cher au contribuable. » Le coût de l’aide aux migrants pour les mineurs non-accompagnés était d’un milliard d’euros pour l’année 2016, avec un quasi-doublement de ces dépenses pour l’année 2017(4). Soit respectivement 20 et 40% du montant des derniers cadeaux fiscaux accordés aux contribuables les plus riches à l’occasion du remplacement de l’impôt sur la fortune (ISF) par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) voté le 20 octobre 2017(5). Le délibéré sera rendu le 11 octobre. En attendant, M. C. reste en en prison.
Sources :
(1) La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) est un traité international adopté le 20 novembre 1989 par l’assemblée générale de l’Organisation des Nations unies qui garantit aux enfants, c’est-à-dire à toute personne âgée de moins de 18 ans, protection et soutien afin qu’ils puissent développer leur personnalité harmonieusement.
(2) « Les tests osseux, pas fiables, servent toujours à expulser », Libération, 14 novembre 2014.
(3) « Les procès par visioconférence », France Inter, le 26 janvier 2018.
(4) « Mineurs non-accompagnés : bientôt 1,9 milliard de coûts pour les pouvoirs publics », Fondation Ifrap, le 11 juillet 2017
(5) « Impôts. Les cadeaux de Macron aux “100 premiers de cordée” », L’Humanité, le 27 octobre 2017
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