Montpellier : une maman sans recours après des attouchements sur son fils

Le Poing Publié le 17 janvier 2022 à 18:57

Les mères sont très peu crues lorsqu’elles soulèvent des affaires d’inceste. Un exemple montpelliérain est parvenu à la connaissance du Poing.

Le 27 octobre dernier, sur le plan national, la toute nouvelle et très officielle Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles (CIIVISE) rendait son premier rapport. Lequel rencontrait un fort écho dans les médias. Lesquels ont insisté sur l’absence d’écoute des mères de famille, soulignée dans ce rapport. Ces dernières seraient très souvent soupçonnées de mentir et de manipuler leurs enfants dans des affaires mettant en cause des pères.

La commission indépendante indique très clairement : « Cette suspicion systématique à l’égard des mères est un obstacle majeur (…) à la protection des enfants ». Edouard Durand, coprésident, précise à ce propos : « La société dit : “vous êtes des mères, vous devez protéger vos enfants”. Mais elle leur dit aussi : “nous ne voulons pas entendre ce que vous avez à nous dire, nous vous accuserons de mentir” ».

L’impossibilité de se faire entendre est bien ce qu’Elise retranscrit, après la dernière audience qu’elle a vécu devant le tribunal des affaires familiales. Elise (*) est une maman montpelliéraine qui a fini par se retourner vers Le Poing pour faire entendre son impuissance à convaincre les autorités compétentes de prendre des mesures de protection ad-hoc, depuis que son enfant, Marc (*) lui ait fait part d’attouchements entre son père et lui alors qu’il était âgé de quatre ans.

« Je me suis sentie autant traumatisée par le déroulement de cette audience, que lorsque j’avais appris les faits eux-mêmes » témoigne-t-elle. Le père est d’un milieu social très installé, riche en relations dans la région, tandis qu’elle-même, d’origine étrangère, a connu un parcours de formation et d’insertion professionnelle plus accidenté. « J’ai bien senti que tous les égards lui étaient dus, tandis que mes arguments n’étaient pas dignes d’être véritablement écoutés ».

A l’origine c’est une pédiatre suivant le petit Marc qui avait effectué un signalement, provoquant un début d’enquête, finalement classée sans suite, le parquet estimant les faits insuffisamment établis pour poursuivre. Ces faits sont ceux d’attouchements, alors que l’enfant prenait sa douche avec son père. Au gré des diverses déclarations, au fil des rapports d’experts, et des constatations de soignants dont Elise fait état, ou de ses propres observations d’autres comportements inappropriés, Le Poing n’est pas en mesure de trancher formellement les arguments de part et d’autre, parole contre parole, selon quoi c’est l’enfant ou le père qui aurait pris l’initiative, si celui-ci se serait « seulement » montré excessivement permissif, ou s’il y a lui-même cherché excitation et plaisir

Ce sont pareils éléments qui, dans la formalité procédurale, déterminent le degré d’incrimination.

En tout état de cause, le malaise du petit Marc est profond, selon sa maman, intensément inquiète. Son discours nous parvient néanmoins comme très mesuré : « Marc aime son papa. Il nous aime tous les deux. Il voudrait revenir à une situation normale, apaisée » constate-t-elle. Sur la base de quoi, elle assure : « Mon objectif n’est pas que le papa soit condamné. Je demande seulement que s’applique un principe de précaution ».

A savoir, « qu’on prenne le temps que Marc mûrisse, qu’il soit pleinement à même de se déterminer, en conscience. Et que d’ici là, les rencontres avec son père se fassent en ma présence – nous en avons l’expérience – ou sinon avec d’autres mesures de médiation et de suivi, dont le père a besoin ». L’essentiel de sa requête porte donc sur un réaménagement des droits de garde, le couple étant séparé.

Pour elle, cela s’impose d’évidence, « tant qu’un doute subsiste ». En même temps, une demande a été déposée auprès du doyen des juges d’instruction pour que la procédure d’origine soit réouverte. Sans quoi, les juges des affaires familiales, et des enfants, considèrent qu’il n’y a en somme pas de faits suffisamment établis, ou que la situation tend à s’apaiser depuis que les faits incriminés auraient cessé, et qu’aucune modification n’est à apporter à ces modalités de garde partagée, ni qu’une autre mesure de protection éducative n’est à prendre.

A quoi Elise répond que le trouble de l’enfant reste manifeste. « Il nous faut sortir de cette boucle », supplie-t-elle. A l’appui de quoi, elle étale les courriers qu’elle a adressés à toutes les instances administratives et politiques compétentes, il n’en manque pas, localement et au-delà, en préfecture ou au département, jusqu’au Secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles, Adrien Taquet. Toutes les réponses sont absolument impeccables, qui rappellent les principes de séparation de pouvoir, et conseillent imperturbablement de prendre l’attache idoine de tel ou tel service, telle ou telle instance. Voilà qui consiste à tourner en rond, sans qu’il n’en découle jamais rien de concret.

Appelons cela l’étouffoir institutionnel. Ne nous inquiétons pas. Tout est prévu. Mais rien ne se passe. De quoi laisser Elise avec le fameux sentiment d’absence d’écoute désormais officiellement établi par la nouvelle commission indépendante ad-hoc. Face à quoi, même très lasse, son obstination reste intacte.

(*) Prénoms modifiés.

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