Montpellier : une nouvelle prison prévue pour 2022 à Euromédecine
Le préfet de l’Hérault, Pierre Pouëssel, et le maire de Montpellier, Philippe Saurel, ont annoncé lundi dernier la construction d’une nouvelle prison sans mirador de 6000 m² rue du Puech Villa, au nord de la zone Euromédecine, dont l’ouverture est prévue pour 2022, les travaux devant commencer en 2020.(1) Présenté comme une « structure d’accompagnement vers la sortie de prison » (SAS) destinée pour 150 détenus surveillés par 80 fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, ce projet s’inscrit dans le cadre de la réforme carcérale d’Emmanuel Macron, qui a promis de construire 7 000 à 10 000 places de prison supplémentaires sous son quinquennat.
Le faux argument de la surpopulation
Le directeur interrégional adjoint des services pénitentiaires de Toulouse, Louis Perreau, a présenté ce projet comme un moyen « de traiter partiellement les problèmes de surpopulation pénale au sein de la région ». Le principe de l’encellulement individuel est constamment bafoué depuis sa proclamation en 1875 : selon les statistiques du ministère de la justice, on compte aujourd’hui 81 336 personnes écrouées en France pour 59 875 places. L’observatoire international des prisons (OIP) considère que « les plans de construction de nouvelles prisons qui se sont succédé depuis les années 1990 n’ont rien changé » à cette situation.(2) Et les peines dites alternatives – bracelet électronique, travaux d’intérêt général… – ne remplacent pas les peines d’incarcération, mais s’y ajoutent : les statistiques trimestrielles du milieu ouvert dénombrent 163 719 personnes sous main de justice sans écrou, et dans le même temps, il y a eu « une progression du nombre de détenus, alors qu’il n’y a pas eu d’explosion des délits et des crimes » note Marie Crétenot de l’OIP. Autant de chiffres pour mettre en lumière une évidence : plus on construit de prison, plus on incarcère.
Insertion au compte-goutte
Philippe Saurel affirme que cette prison montpelliéraine permettra d’aborder la sécurité « pas uniquement sous l’angle de la répression, mais aussi sous celui de la prévention jusqu’à la réinsertion ». Les détenus éligibles au SAS devront « réunir des caractéristiques bien précises ajoute le préfet. Ils devront présenter un faible risque d’évasion, être capable de s’adapter à la vie en collectivité, nécessiter un accompagnement soutenu vers la sortie et être en capacité de s’inscrire dans un parcours de formation et/ou d’accès à l’emploi » avec le concours des « partenaires de la réinsertion […] : Pôle emploi, les services sociaux, l’Éducation nationale, les associations… » Marie Crétenot souligne que « le SAS est l’autre nom d’un dispositif qui existe déjà, le QPS, c’est-à-dire le quartier à la préparation de sortie. Ces dispositifs seront réservés pour une toute petite portion de détenus jugés méritants par l’administration pénitentiaire, ce qui revient à admettre que si les autres détenus ne bénéficient d’aucune préparation, ce serait de leur faute. » La brochure « 15 000 bonnes raison de ne plus se révolter » considère que ces dispositifs « servent avant tout de carotte pour faire marcher au pas l’ensemble des détenu·e·s. C’est le fameux chantage à la réinsertion. »
Incitation à l’incarcération
Pour Marie Crétenot, « les SAS vont créer un appel d’air. Sachant que ces structures existent, les juges seront tentés de justifier l’incarcération pour les peines de courtes durées, qui sont pourtant particulièrement destructrices. » En prison, on compte en moyenne un décès tous les deux jours, la plupart du temps par suicide.(3) 33 prisons françaises ont déjà été condamnées par des tribunaux français pour exposer les détenus à des traitements inhumains ou dégradants.(4)
Sources :
(1) « Montpellier : un établissement pour l’insertion des détenus prévu pour 2022 », Midi Libre, 2 octobre 2018.
(2) « Surpopulation carcérale », OIP.
(3) « Décès en détention et suicides », OIP.
(4) « 37 prisons condamnées pour conditions de détention indignes », OIP.
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