Nîmes : des relaxes, du sursis et des amendes pour cinq militants anti-corrida

Le Poing Publié le 14 novembre 2019 à 20:36
Interpellation d'un militant anti-corrida lors de la manifestation devant les arènes de Nîmes le 8 juin 2019
Ce mardi 12 novembre s’est tenu le procès de cinq militants de la cause animale, arrêtés le 8 juin lors d’une manifestation contre la corrida devant les arènes de Nîmes.


Les interpellés – accusés de violences sur policiers, outrage, participation à un attroupement ou bien encore rébellion – avaient été gardés à vue pendant deux jours, puis présentés en comparution immédiate et placés sous contrôle judiciaire dans la foulée. La teneur du procès prouve que les gilets jaunes ne sont malheureusement pas les seuls à subir une justice inique.

Incompétence

Comme elle l’avait annoncée depuis longtemps, l’avocate des militants réclame le visionnage d’une vidéo – validée par un huissier – prouvant que l’un des prévenus s’est laissé faire au moment de son arrestation. Le procureur refuse, l’avocate insiste, le juge parle d’une demande inopinée, la séance est suspendue. À la reprise, le procureur assure que « les moyens techniques pour visionner cette vidéo n’ont pas été prévus », et quelques instants plus tard, la vidéo est finalement diffusée, via un ordinateur. Il s’est passée une demi-heure, et le procès n’a toujours pas véritablement commencé.

L’avocate des militants remet en cause la globalité de la procédure en s’appuyant sur une jurisprudence du 28 mars 2017 précisant que les actes politiques ne peuvent pas être jugés en comparution immédiate. Une fois n’est pas coutume, le procureur reconnait une erreur : « Je m’incline devant l’arrêté de la cour de cassation et l’irrégularité de la poursuite ».

L’avocate a aussi dénoncé l’illégalité de la garde à vue d’une militante, simplement accusée de « participation à un attroupement sans arme après sommation ». Par ailleurs, aucun repas végétalien n’étant prévu au commissariat, les gardés à vue n’ont pas mangé.

« La violence est à l’intérieur de l’arène »

Une autre militante, accusée de rébellion pour s’être accrochée à d’autres manifestants pour empêcher leur interpellation, a trouvé la formule qui fait mouche : « si je vois un enfant se noyer, je ne vais pas me renseigner sur la légalité de la baignade avant d’y plonger ». Pour l’avocate, la rébellion ne tient pas car elle est passive, et non active. Un autre militant, également accusé de rébellion, a brandi « une obligation morale de [s]’opposer à un spectacle qui provoque la mort […] Les manifestations, les slogans, ce n’est pas ça la violence, la violence est à l’intérieur de l’arène ».

Ces paroles provoquant des applaudissements, la police fait disperser quelques personnes sur ordre du juge, mais le slogan « Basta Corrida ! » retentit toujours.

Légitime défense

Le procès se poursuit avec deux militants accusés de violence. L’un d’eux avoue avoir rendu le coup qu’il a reçu de la part d’un CRS, qui aurait subi un jour d’ITT. L’autre nie avoir touché la policière qui l’accuse (sans ITT) : il voulait seulement écarter une amie qui allait se faire gazer. Il s’est en revanche fait taper par un CRS, d’abord au menton, puis dans les jambes, de l’aveu même dudit CRS. Pour l’avocate, les deux cas relèvent de la légitime défense.

L’avocat d’un policier, qui a reconnu avoir frappé en premier, réclame 250€ pour son client, sans conviction. « Je ne dis pas que le prévenu est un dangereux délinquant à mettre derrière les barreaux, bien loin de là » précise-t-il.

« C’est un procès de l’éthique aujourd’hui !»

Au-delà du cas des interpellés, l’avocate, bien renseignée sur la cause animale, dénonce l’exception culturelle accordée à la corrida au prétexte que ce serait une tradition ininterrompue, alors qu’elle a été maintenue illégalement dans quelques régions de France pendant des années, en dénonçant une justice absurde validant des pratiques illégales. « C’est un procès de l’éthique aujourd’hui ! » clame-t-elle.

Pour le procureur, « on est dans un cadre légal, que ça plaise ou pas, on est dans un pays de tradition ». Il demande cent jours d’amendes à 10 euros, soit 1000 euros, pour les deux personnes accusées de rébellion, et deux mois de sursis plus 500€ d’amende pour les deux autres prévenus accusés de violences.

La cour se retire pour délibérer et le verdict tombe. Relaxe pour la jeune femme prévenue pour sa participation à un attroupement, pour la militante accusée d’avoir tenté d’empêcher une interpellation, et pour celui accusé de violences sans ITT. En revanche, l’autre militant accusé de violences ayant entraîné un jour d’ITT est déclaré coupable, et condamné à un mois de prison avec sursis et 600€ d’amende au total. Et le second manifestant accusé de rébellion, celui qui a fait applaudir la salle, est également déclaré coupable et écope d’une amende de 500€.

Le bilan est déjà lourd pour les faits reprochés, mais bien moins que l’année dernière. Les manifestants interpellés pour la manifestation de 2018 avaient presque tous eu des interdictions de séjour dans le Gard, et de deux à huit mois de sursis pour certains. Chaque année, la manifestation anti-corrida de Nîmes est le théâtre de violences policières. Que l’on soit militant ou non de la cause animale, soyons solidaires face à la répression !

Nos articles sont gratuits car nous pensons que la presse indépendante doit être accessible à toutes et tous. Pourtant, produire une information engagée et de qualité nécessite du temps et de l’argent, surtout quand on refuse d’être aux ordres de Bolloré et de ses amis… Pourvu que ça dure ! Ça tombe bien, ça ne tient qu’à vous :


ARTICLE SUIVANT :

Il ne fait pas bon d’être anarchiste et gilet jaune au tribunal de Montpellier : 4 mois de sursis pour Kaori