Nouveau blocage d’une journée au dépôt de pétrole de Frontignan, maintenant évacué
Un nouveau blocage du dépôt de pétrole de Frontignan a commencé dans la foulée des grandes manifs interpro contre la réforme des retraites de ce jeudi 23 mars. Si les premières heures de mobilisation ont plus ressemblé à un ralentissement de l’activité à cause d’une intervention policière, les manifestant.e.s ont finalement réussi à entraver complètement le fonctionnement du dépôt pendant une journée entière, avant une expulsion définitive par les forces de l’ordre vendredi 24. Jusqu’à la prochaine occupation…
Alors que les tensions autour de l’approvisionnement en essence se font de plus en plus sentir, le dépôt de pétrole de Frontignan a été une nouvelle fois investi par des manifestant.e.s le 16 mars.
La journée du jeudi a plus ressemblé a un ralentissement de l’activité qu’à un véritable blocage : un premier petit groupe est arrivé sur les lieux dès 14h, trop peu nombreux pour une installation sereine, mais assez pour attirer les forces de l’ordre. Autour de 15h, entre 100 et 150 manifestant.e.s entravaient la route d’accès aux cuves de pétrole. Dans la foule, des militant.e.s syndicaux (une grosse majorité de membres de la CGT et de l’Union Syndicale Solidaires, mais aussi quelques personnes de Force Ouvrière et de la FSU), des gilets jaunes, dont certain.e.s ne s’étaient plus mobilisé depuis des mois, attiré.e.s par le durcissement du conflit social en cours et les perspectives de victoire qu’il contient, des membres de l’assemblée ”Montpellier contre la vie chère” et de l’association gestionnaire du local frontignanais La Grève, des cheminot.e.s, des salarié.e.s de Nicollin (entreprise principalement active à et autour de Montpellier, dans le ramassage des déchets, dont les salarié.e.s sont partie prenante du mouvement social en cours), des travailleuses et travailleuses de l’Éducation, du social, du médico-social, de la fonction publique territoriale, du bâtiment, des retraité.e.s, quelques élu.e.s de gauche…
Le dispositif policier, mêlant gendarmes du PSIG et compagnies d’intervention de la police nationale, avait pour objectif de permettre la sortie de tous les camions chargés de pétrole. Les policiers et gendarmes sont donc venus au contact à de nombreuses reprises pour pousser les personnes présentes avec leurs boucliers, sans coup de matraque, mais à grand renfort de gel lacrymogène aspergé sur les récalcitrants, parfois à bout portant.
De nombreuses grenades lacrymogènes ont aussi été tirées lors de cette première après-midi du 23, pour tenter de disperser des manifestant.e.s déterminé.e.s à contourner le dispositif pour réinvestir les voies d’accès au dépôt. Aucun jet de projectile sur les forces de l’ordre, à part des retour de palets lacrymogènes à l’envoyeur. Au milieu des nuages lacrymogènes, un photographe du Midi Libre distribue, avec d’autres, des doses de sérum physiologique en quantité. ”Bosser jusqu’à 64 ans y’a pas moyen”, commente-t-il, pendant qu’une équipe télé de BFM reprend sa respiration.
Malgré l’usage important des gazs, une part importante de la foule est restée sur place, jusqu’à ce que les derniers camions de la journée soient sortis, et que la police se retire. A ce stade, reste encore une grosse centaine de personnes. Lesquelles se mettent en tête de monter des barricades, faites de mobilier trouvé dans les hangars désaffectés aux alentours, de pierres, de parpaings, tuyaux en plastique, barbelés…
Tout au long de la nuit, les barricades, dressées en chicane pour autoriser l’accès aux riverain.e.s tout en bloquant les camions de pétrole, enflent et se multiplient. Des gens arrivent, d’autres repartent, des feux sont allumés pour se mettre à l’abri du froid et le standing de l’installation augmente de plus en plus. Un camionneur rejoint les personnes assemblées près du feu de camp, témoigne de la situation dans les autres dépôt de pétrole, notamment celui de Fos-sur-Mer, et y va de ses conseils pour tenir le blocage le plus longtemps possible. Après un petit moment d’inquiétude traversant la vingtaine d’occupant.e.s encore sur place en fin de nuit, le soulagement arrive avec une nouvelle relève : pas moins de quatre vingt personnes assistent au levé du jour, parmi lesquelles quelques étudiant.e.s de la fac de lettres Paul Valéry de Montpellier, intégralement bloquée depuis une dizaine de jours et où s’est tenue une assemblée générale rassemblant un millier de personnes le jeudi 23.
Une rapide assemblée s’est tenue en début de mâtinée pour décider des objectifs de l’occupation, durant laquelle il aura été décidé de rester sur l’intégralité du week-end à venir, une circulaire ministérielle autorisant exceptionnellement les routiers à transporter du pétrole le dimanche pour briser la grève des raffineurs (certain.e.s salarié.e.s grévistes ont également reçu des ordres de réquisition) et les effets des blocages mis en œuvre par le reste de la population.
Projet remis en question par l’arrivée de nouvelles forces de police aux alentours de 14h le vendredi 24 autour de 14h, alors que des dizaines de camions patientent devant le dépôt pour y faire le plein. La zone est immédiatement arrosée de grandes quantité de gaz lacrymogène, alors que les barricades sont enflammées pour ralentir la reprise de l’activité. L’évacuation aura été assez rapide, la police ayant attendu qu’il n’y ai qu’une cinquantaine de personnes sur place pour intervenir. La foule, dont la composition est toujours aussi variée, se tient beaucoup plus à distance des unités de police que la veille, probablement par crainte d’interpellations après une journée entière de blocage effectif et l’incendie des barrages.
Aux alentours de 15h, l’intégralité des manifestant.e.s est sur le départ, avec la promesse d’un retour prochain. L’activité du dépôt aura été complètement paralysée ce vendredi 25 mars, le temps pour les pompiers d’éteindre les incendies et que les voies soient intégralement déblayées.
Vendredi 24 au matin, près de 29% des stations essence déclarant la disponibilité des carburants sur la plateforme gouvernementale dédiée étaient en rupture partielle ou totale, l’Hérault et la Gard faisant partie des départements les plus touchés. Le gouvernement a commencé depuis le début du mois de mars à piocher dans les réserves stratégiques débloquées en situation de crise, lesquelles couvrent la consommation d’essence de tout le pays pendant trois à quatre mois. Ce qui n’empêche pas les nombreuses difficultés logistiques liés aux grèves et barrages de routes. Ces jours-ci des affichettes commencent à être visibles dans certains commerces montpelliérains, annonçant des pénuries de produits liées aux difficultés de livraison provoquées par ce début de pénurie d’essence et de gazole.
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