Plan étudiants : comme le Medef, Macron veut des étudiants 100% citoyens et employables

Le Poing Publié le 24 novembre 2017 à 16:11 (mis à jour le 28 février 2019 à 21:44)

Une vingtaine de personnes se sont réunies mercredi dernier à l’université Paul Valéry à l’initiative de Sud Éducation 34 et de Solidaires Étudiant-e-s 34 pour réfléchir aux moyens de lutter contre la sélection scolaire et sociale, et défendre une université ouverte à toutes et tous. Généralisation de la sélection, formations taillées sur mesure pour les grandes entreprises, restriction des vœux des lycéens, volonté de supprimer les subventions pour les projets étudiants… avec le « plan étudiants », le gouvernement Macron attaque sur tous les fronts. On vous explique tout.

Le bac ne garantira plus l’accès à l’université

Le plan étudiant leur impose deux obstacles aux lycéens. Le premier, c’est que le conseil de classe du second trimestre devra se prononcer sur les vœux émis par le lycéen sur son futur parcours. Le gouvernement affirme que ça n’a rien décisionnaire et que c’est de l’ordre du conseil, mais ces avis sont transmis par la suite aux universités qui, de fait, les prendront en compte pour sélectionner les étudiants qui auront le droit de rentrer en première année. Le deuxième obstacle, c’est que la plateforme APB (admission post-bac) a été supprimé et remplacé par « Parcoursup ». Cette plateforme n’autorise pas le lycéen à faire plus de 10 vœux, contre 24 auparavant. Dans cette procédure de vœux, la plateforme APB a été supprimé, et il n’y aura plus 10 vœu contre 24 auparavant. Il y aura trois réponses possibles à ces vœux : « oui », « oui, si » ou « en attente ». Le « en attente » fait office de non, et le « oui, si » indiquera au lycéen qu’il devra faire des remises à niveaux pour obtenir des « prérequis » et satisfaire des « attendus » s’il souhaite que ce « oui,si » se transforme en « oui ». Le flou demeure sur le contenu précis de ces « prérequis » et « attendus », mais cela semble prendre la forme d’oraux de culture générale, comme cela se fait dans les grandes écoles, alors que l’on sait pertinemment que c’est l’épreuve la plus discriminante pour les fils et les filles de classes populaires. Le gouvernement a promis qu’il y aura un cadrage national des attendus tout en annonçant dans le même temps que chaque établissement d’enseignement supérieur pourra établir sa liste des attendus estimés nécessaires pour y rentrer. Le bac ne sera donc plus un ticket d’entrée suffisant pour aller à l’université.

Des filières bâties sur mesure pour le secteur privé

Si le gouvernement restreint les vœux du lycéen sur son parcours, c’est notamment pour lui imposer des études qui conviennent aux entreprises locales. La commission rectorale va en effet s’occuper de faire le lien entre le secondaire (le lycée, essentiellement) et l’universitaire pour orienter les jeunes vers des formations cohérentes avec le bassin d’emploi local, et si ces formations n’existent pas, les universités sont incités à les forger de toute pièce. La conséquence, c’est que les enseignants sont incités à se comporter comme des entrepreneurs : celui qui fait de la recherche théorique passe pour un improductif, un parasite, et celui qui monte son master grâce aux financements d’entreprise apparaît au contraire comme un winner. Les universités se considèrent de plus en plus comme des marques devant être attractives sur le marché mondial de l’enseignement, et les chefs d’universités ressemblent de plus en plus à des PDG. L’objectif du gouvernement n’est donc pas tant de privatiser l’université, mais plutôt la mettre au service du privé. Les capitalistes veulent que le système scolaire leurs fournissent des étudiants disponibles, coopératifs et opérationnels sans débourser un euro. Le Medef a résumé cette volonté de Macron par un slogan : « Face à un système éducatif à bout de souffle, rendons les jeunes 100 % citoyens et employables. »

La sélection, moyen d’imposer la concurrence et de briser les luttes

L’imposition de la logique d’entreprise à l’université va de pair avec l’imposition de la sélection. Avec le plan étudiant, les universités font remonter aux rectorats les filières dans lesquelles elles souhaiteraient fixer un nombre limite de personne, le chiffre final étant fixé « dans une relation de confiance entre les universités et le rectorat », selon les indications de la ministre de l’enseignement supérieur. Le gouvernement laisse donc sous-entendre que les universités sont libres de décider si elles veulent sélectionner ou non les étudiants. Pour comprendre pourquoi c’est un leurre, il faut étudier la façon dont a été mise en place la sélection en master l’année dernière. À l’époque, le gouvernement laissait aussi aux filières « la liberté » de mettre en place ou non la sélection, mais les filières qui ne l’avaient pas instaurées ont accueilli tous les étudiants recalés. Pour éviter d’être la roue de secours des autres masters, les masters ont massivement appliqué le principe de sélection. C’est une logique malsaine qui convainc les enseignants que l’ennemi, ce sont les étudiants qui, du simple fait de leur multitude, dégraderaient le niveau du diplôme et les conditions de travail. Cette logique du « tous contre tous » complique forcément l’émergence de luttes collectives unissant les étudiants et les enseignants.

Suppression de l’égalité des formations, place aux diplômes à la carte

Avec le plan étudiant, les parcours de licence vont être modifiés. Jusque-là, les licences se faisaient en 3 ans et avec 180 ECTS [système européen de transfert et d’accumulation de crédits]. Désormais, les licences pourront se faire en une, deux, trois ou quatre années, ce qui induit forcément la fin du cadrage national des diplômes, et donc la fin de l’égalité des formations, puisque le diplôme acquis en 4 ans n’aura forcément pas la même valeur que le diplôme acquis en 2 ans. Pour Solidaires Étudiant-e-s 34, la suite logique de cette mesure, c’est la suppression de la compensation des crédits entre les semestres (qui permet à l’étudiant qui, par exemple a eu 8 au premier semestre et 12 au second d’obtenir une moyenne de 10). Le syndicat craint ainsi que ne disparaisse la procédure Ajac, (qui permet aux étudiants de rattraper des matières sur l’année d’après : par exemple, d’aller en seconde année tout en repassant des diplômes de la première année plutôt que de redoubler).

Faire du tri sélectif, valoriser les déchets

Pour le gouvernement et les capitalistes qu’ils représentent, cette réforme de l’université a un double objectif. Le premier objectif, c’est de formater les étudiants au sein de filières taillées sur mesure pour les grandes entreprises sans que ces-dernières ne déboursent un euro, et le second objectif consiste à faire végéter tout ceux qui sont excluent du « monde du travail » au sein de formations peu coûteuses et de mauvaises qualités, pour qu’ils ne se désolidarisent pas complètement de l’État français.

Comble du cynisme, le gouvernement a annoncé la création de 3000 services civiques d’étudiants « ambassadeurs » qui auront pour but de vanter les mérites de cette réforme auprès des lycéens… Et les syndicats étudiants auront de plus en plus de mal à lutter contre ces aberrations puisque le gouvernement a annoncé sa volonté de mettre fin au FSDIE [fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes], qui finance quasiment à 100% les activités syndicales et associatives des universités. Macron attaque sur tous les fronts en même temps pour nous prendre de court. Pour l’instant, les résistances ne sont pas à la hauteur des attaques, malgré les blocages de plusieurs lycées, mais comme dirait l’autre… gare à la revanche !

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