Presse pas pareille : la démonstration par CQFD

Le Poing Publié le 12 mars 2023 à 20:19

CQFD, un mensuel basé à Marseille, radicalement indépendant, existe déjà depuis vingt ans. Son équipe était en déplacement au Barricade à Montpellier, pour mieux se faire connaître.

Le Poing n’est pas seul. Partout dans l’Hexagone sont apparus, ces dernières années, de nouveau supports d’information, qui défient d’énormes obstacles matériels, pour faire écho aux luttes sociales, relier cel.leux qui s’y engagent, animer les débats qu’elles suscitent, faire connaître leur expérience. Des solidarités sont nées entre ces supports même. Par exemple, le réseau de “La presse pas pareille”.

Ce samedi 11 mars à Montpellier, le Barricade accueillait l’équipe de CQFD. Cette publication est pas pareille que beaucoup des autres pas pareilles : elle paraît depuis vingt ans, ce qui semble un record dans le genre – mais bon, Le Poing ne va pas tarder à fêter ses dix ans! Et Thiéfaine relève qu’à plusieurs reprises, « l’équipe était convaincue qu’il n’y en avait plus que pour une paire de mois ». Une équipe qui, du coup, s’est beaucoup renouvelée au fil du temps, les fondateurs ayant plutôt aujourd’hui le profil de compagnons de route.

Parlant d’équipe, cinq collaborateur-ices de CQFD étaient du déplacement montpelliérain. Avec un diffusion de cinq mille exemplaires chaque mois, et le refus de toute subvention (hormis un mécénat de toute confiance) et le refus de toute publicité – question d’indépendance – , seules quatre personnes sont chichement salariées à CQFD. Cela signifie qu’à l’instar du Poing, toute la rédaction et l’illustration des articles est purement bénévole. Les deux journalistes à l’ouvrage sont des secrétaires et des coordinateurs de rédaction.

C’est qu’il faut « un énorme travail de relectures collectives et de mise en commun » pour s’assurer que « nous restons absolument un journal, et pas un mur d’affichage de tracts, ou l’organe d’expression du point de vue officiel d’une organisation politique ». Il en ressort un ton très homogène, mais très singulier, et pour tout dire sympa, en même temps que marseillais. C’est une autre grande originalité de CQFD : être la seule publication diffusée en kiosques sur tout le territoire national, tout en étant conçu ailleurs qu’à Paris. Marseille a ses particularités. A l’instar de toute autre ville. Mais ce qui s’y vit relève, comme partout ailleurs, de l’asservissement par les logiques du capitalisme néo-libéral écocidaire et sécuritaire. On passe du local au global.

La critique et l’expérimentation sociales sont donc au coeur du projet, centré sur une volumineux dossier thématique, renouvelé chaque mois, occupant une bonne moitié des vingt-quatre pages. Par exemple, le thème du numéro de mars, actuellement en kiosques, a pour titre “Bienvenue chez les riches”. On y lit entre autre un grand entretien avec un chercheur en sciences politiques, Edouard Morena, qui montre que les ultra-riches sont souvent très investis dans la transition écologique. Ils ont trop bien compris leur intérêt à peser sur les orientations de celles-ci. Ça change des clichés, peu opérants, comme quoi ce ne serait que des salopards occupés à se construire des bunkers privés quelque part en Nouvelle-Zélande. C’est toujours précieux de comprendre au plus près les stratégies de ses ennemis.

Enfin, dernière grande originalité de CQFD : rester très prioritairement un journal imprimé sur du papier. « Ne nous y trompons pas. Sur le net, les algorithmes ont vite fait de nous enfermer dans des boucles closes et restreintes. Avoir un journal dans les mains, c’est ouvrir et parcourir un bout du monde, sous nos yeux ». A Montpellier, rendez-vous très prochainement avec le trente-quatrième numéro sur papier du Poing.

L’autre soir, le hasard a voulu qu’une forte tablée du Barricade, d’humeur giletjaunesque peu disciplinée, soit venue fêter là, pas qu’à jeûn, sa sortie à la manif du jour. D’où quelques interpellations goguenardes, pleines de franc parler, qui ont fait échapper la soirée au ronron des bonnes consciences de l’entre-soi. Après quelque scepticisme, un brin tapageur, un Gilet jaune concluait volontiers : « C’est très précieux d’avoir de la presse comme ça. C’est aussi un espace qu’on occupe. Sans quoi on peut vite retomber dans les mains de nos ennemis. On va quand même pas se finir devant Hanouna ! ».

Nos articles sont gratuits car nous pensons que la presse indépendante doit être accessible à toutes et tous. Pourtant, produire une information engagée et de qualité nécessite du temps et de l’argent, surtout quand on refuse d’être aux ordres de Bolloré et de ses amis… Pourvu que ça dure ! Ça tombe bien, ça ne tient qu’à vous :


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