Procès des Roudier : le tribunal de Montpellier clément avec l’extrême-droite

Le Poing Publié le 6 décembre 2017 à 19:08 (mis à jour le 28 février 2019 à 20:50)

Le 30 juin dernier, une dizaine d’identitaires de la Ligue du midi ont saccagé à visage découvert les locaux de l’association RAIH (Réseau aide insertion Hérault), missionnée par le département pour déterminer l’âge des jeunes étrangers de Montpellier. Les militants d’extrême-droite ont publié une vidéo(1) de l’attaque sur les réseaux sociaux dans laquelle on peut entendre les identitaires crier « assez des réfugiés », « la France aux Français » et voir le chef du groupe, Richard Roudier, monter sur une table pour dénoncer « les collabos de l’invasion » pendant que son fils Olivier casse le mobilier. L’association RAIH a porté plainte, a organisé un rassemblement de soutien devant la préfecture le 11 juillet dernier(2) et la députée de la France insoumise Muriel Ressiguier a réclamé la dissolution de la Ligue du Midi(3). Les Roudier père et fils ont été placé en garde à vue le 25 juillet dernier(4) et ont été convoqués au tribunal correctionnel de Montpellier hier matin.

Le tribunal ne reconnaît pas le caractère raciste de l’attaque

Dès 8h, près de cent antifascistes attendaient de pied ferme les identitaires en chantant : « Contre le racisme et la xénophobie, antifasciste tant qu’il le faudra ! »(5). Une centaine de gendarmes ont été mobilisés pour éviter toute confrontation et des policiers casqués et armés de flashballs ont escorté la douzaine de sympathisants de la Ligue du Midi et les Roudier père et fils jusqu’à la salle d’audience. À la barre, Richard Roudier a pointé du doigt les migrants en prétendant que ce sont pour la plupart des violeurs et des criminels. Malgré ces amalgames xénophobes, la présidente du tribunal a nié la dimension politique de l’affaire en renvoyant simplement les prévenus à leur participation à des actes délictueux, en l’occurrence des dégradations de biens. Le procureur est allé dans le même sens en insistant sur le fait qu’il ne s’agissait ni du procès de la Ligue du Midi, ni du procès des migrants, mais d’une atteinte contre un local missionné par le service public.

Sur le fond de l’affaire, les prévenus se sont défendus en minimisant les faits : Richard Roudier a prétendu qu’il n’était pas l’organisateur de l’action et son fils Olivier a précisé qu’il n’avait pas voulu casser la vaisselle, mais qu’elle se trouvait malencontreusement sous le torchon qu’il souhaitait jeter à terre. Ils ont ensuite réitéré des propos racistes en affirmant que de toute façon, le désordre qu’ils avaient provoqué ne pouvait pas être pire que celui engendré par les Albanais dans le quartier. L’avocate de la partie civile qui a plaidé pour les intérêts de l’association RAIH a dénoncé l’idéologie dangereuse des Roudier et a regretté le fait que le tribunal ne retienne pas le caractère raciste de l’attaque. L’association réclame aussi 1000€ de préjudices matérielles et psychologiques.

Pas d’incarcération requise

Finalement, le procureur a réclamé deux mois de prison ferme aménageable pour Olivier Roudier (bracelet électronique, travaux d’intérêt généraux…) et de la prison avec sursis pour Richard Roudier, sans préciser le nombre de mois. Ces réquisitions sont très faibles, en particulier celles qui concernent Olivier Roudier étant donné qu’il a déjà été condamné pour violences, détention d’armes, conduite en état d’ivresse, incitation à la haine raciale, en l’occurrence des saluts nazis, et qu’il a déjà été incarcéré(6). Le tribunal correctionnel de Montpellier n’a pourtant pas la réputation d’être clément : un militant anticapitaliste au casier judiciaire vierge a été condamné à deux mois de prison ferme pour une accusation d’outrage(7), une militante anarchiste au casier judiciaire vierge à un an de prison avec sursis pour un tag(8), un SDF à six mois ferme pour le vol d’une part de pizza(9), un précaire à huit mois ferme pour le vol d’une paire de chaussettes(10), etc. La faiblesse des peines requises contre les Roudier et le fait que le caractère raciste de l’attaque n’ait pas été retenu prouve une nouvelle fois qu’une bonne partie des juges et des procureurs ont des opinions xénophobes et qu’ils ménagent les organisations d’extrême-droite car ils les considèrent comme des forces supplétives de la police. Verdict le 12 décembre.

« Le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie mais son évolution par temps de crise ». Bertolt Brecht

Sources :

(1) « Montpellier: des identitaires de la Ligue du Midi saccagent le local d’une association de soutien aux mineurs isolés (vidéo) », France Soir, le 8 juillet 2017, lien.
(2) « Rassemblement de soutien à l’association RAIH devant la préfecture », La Gazette de Montpellier, 11 juillet 2017, lien.
(3) « Montpellier : la députée Muriel Ressiguier demande la dissolution de la Ligue du Midi », France 3 Occitanie, 7 juillet 2017, lien.
(4) « Montpellier : le président de la Ligue du Midi interpellé après le saccage de Raih », Midi Libre, 25 juillet 2017, lien.
(5) « Procès Ligue du Midi : environ 80 personnes rassemblées devant le TGI », La Gazette de Montpellier, 5 décembre 2017, lien.
(6) « Un ex-candidat aux cantonales en prison pour des saluts nazis et des insultes racistes », Midi Libre, 2 août 2011, lien.
(7) « Jules Panetier : petite mise au poing concernant mon incarcération (août 2016) », Le Poing, 24 août 2016, lien.
(8) « Un an avec sursis pour un tag, 6 mois avec sursis pour “résistance avec violence” », Le Poing, 30 novembre 2016, lien.
(9) « 6 mois de prison ferme pour avoir volé une part de pizza », Le Poing, 22 mai 2017, lien.
(10) « Chronique de la guerre aux pauvres », Le Pressoir, 5 mars 2017, lien.

Rassemblement antifasciste contre la Ligue du Midi (photo du média libertaire “Rapports de forces”)

Deux rassemblements contre la Ligue du Midi se sont tenus : l’un devant le tribunal, et l’autre une cinquantaine de mètres plus loin

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