Quartier Saint-Roch : “L’assassinat d’un des plus beaux arbres de Montpellier”

Le Poing Publié le 3 octobre 2024 à 10:31
Ce mercredi 2 octobre, plusieurs riverains du quartier Nouveau Saint-Roch se sont réunis là où était planté un immense platane pour dénoncer sa coupe, qu'ils jugent "brutale". ("Le Poing")

Des riverains du quartier sont choqués par le caractère expéditif de l’élimination d’un somptueux platane, désigné dangereux. Ce mercredi 2 octobre, ils se sont réunis là ou poussait l’arbre pour exprimer leur émotion

Mardi 24 septembre, tout près de la gare de centre-ville à Montpellier, le long de la rue du Grand Saint-Jean, à l’intersection de l’axe entre rue d’Alger et rue François Coulet (où se trouvent l’Intermarché et le Bricorama du quartier Nouveau Saint-Roch) : on procède vite fait à l’élagage radical des branches d’un immense, et majestueux platane qui se trouve là. Parmi d’autres, Marie, une habitante du quartier s’inquiète de la suite. Elle écrit au Maire de la Ville, via Instagram.

Le vendredi, elle reçoit une réponse, de la part de la direction Nature, agroécologie et paysage, de la Ville, qui confirme ses craintes. Il est indiqué que cet arbre « est suivi depuis 2016 » et que « quatre experts différents sont arrivés aux mêmes conclusions ». Du fait de l’attaque par deux champignons, l’arbre présente des « fragilités mettant en danger l’espace public ». Il est considéré dangereux. Il faut procéder à son abatage, « à regrets ».

Le lundi suivant, suit la coupe, au ras du trottoir, du tronc à sa base. Depuis lors, on peut observer ce qui reste d’une emprise de deux mètres de diamètre bien bon, de la souche de taille phénoménale. Et sur le bord de l’un des flancs, sur une zone d’un sixième de la surface en cause, une partie se montre creuse. Ce mercredi après-midi, dans la grisaille et la fraîcheur automnales, des riverains sont là, qui déposent un bouquet de fleurs. Très spontanément, des passants font halte. Et à chaque fois, on ressent toute une émotion qui s’exprime.

Sur une grande feuille de papier, punaisée dans le plan de coupe, un texte signé par une trentaine de voisins, témoigne de ce traumatisme. Sous le titre “Assassinat”, sans ambage, on lit les phrases suivantes : « Un des plus beaux arbres de Montpellier vient d’être assassiné malgré les protestations impuissantes de nombreux riverains témoins de ce massacre. Ce magnifique platane établissait un lien paysager inestimable entre le nouveau quartier Saint-Roch et l’ancien, celui des rues d’Alger, du Grand Saint-Jean, Levat, Durand. Pour les plus anciens habitants il était un vrai totem dans lequel on pouvait lire la succession des saisons : des premiers bourgeons du printemps aux généreuses frondaisons de l’été jusqu’aux dernières couleurs de l’automne.
Il a suffi d’une paire d’heures pour que deux ou trois tronçonneuses abattent ce géant centenaire. Les bûcherons chargés de cette sale besogne ont évoqué devant des riverains éberlués la « dangerosité de l’arbre victime d’une maladie
Aucune présence d’élus du conseil municipal pour confirmer ces propos. Aucune information, aucun échange, aucune consultation avec les habitants du quartier. ».
Au demeurant plusieurs personnes qualifiées contestent l’argument : cet arbre était pleinement vigoureux et ne donnait aucun signe de fragilité particulière. L’examen de l’énorme souche coupée révèle certes sur le côté une partie nécrosée mais qui paraît peu de choses en comparaison du cœur de l’arbre (plus d’un mètre carré) parfaitement sain. L’arbre avait devant lui de belles et longues années de vie. On pouvait simplement pour satisfaire au sacré « principe de précaution » émonder les branches les plus hautes et le mettre sous surveillance.
Plutôt que d’imposer une décision unilatérale d’une brutalité inouïe il eut été pour le moins préférable de solliciter une expertise contradictoire en collaboration étroite avec les habitants
Ils pleurent aujourd’hui la perte de leur compagnonnage avec leur vieux platane. Et ne peuvent que pleurer aussi devant la très choquante transgression des règles les plus élémentaires de notre « démocratie locale ».

Parmi les personnes présentes, Henri ne se dit certes pas du métier, mais tout de même grand passionné des arbres, en rappelant ses origines cévenoles. Lui est convaincu qu’il aurait été possible, une fois opéré l’élagage, de se montrer patient pour envisager des interventions d’entretien qui auraient peut-être permis d’éviter l’issue fatale. D’autant que, « à l’œil nu, il n’y avait pas une seule de ses branches gigantesques pour paraître défectueuse ».

Un autre riverain s’interroge : « Je n’ai strictement aucune compétence sur ce sujet. Mais c’est la méthode qui m’a choqué, ce sentiment de ne pas être prévenu, accompagné, respecté. On sent que nos vies, notre cadre de vie, nos liens, notre histoire, ne comptent pour rien. Ils ne sont même pas foutus de communiquer proprement sur ce qui prendra la suite ». C’est pourquoi il a signé lui aussi le texte. Et il médite : « Dans une civilisation moins barbare que la nôtre, on aurait pu imaginer un rituel, peut-être une ronde, des dessins, une lecture de texte, quelque chose avec les anciens du quartier, ou au contraire les enfants, que sais-je ? ». Et il désigne le modeste bouquet qui vient d’être déposé au sol, dans cet esprit.

Enfin il témoigne : « Du temps de Philippe Saurel, je me souviens avoir assisté, pour m’informer, à une réunion publique de quartier qui présentait tout le projet du Grand Saint-Roch. Sur les dessins d’architecte rutilants projetés à l’écran, cet arbre figurait bel et bien. Mieux : les nouveaux immeubles projetés dessinaient autour de lui une rotonde semi-circulaire, pour former une placette d’entrée magistrale dans le quartier. Rien de tout ça n’a été respecté. Regardez, pas un banc, pas une fontaine, pas de fleurissement, même pas de plaque de rue, dans cet urbanisme de gros promoteurs immobiliers privés, que tout de même les élus viennent inaugurer. Dans le coin, la présence de l’autorité publique se borne à venir harceler les SDF ».

Et de conclure : « Pour la jolie placette, on a été pris pour des gogos. Et pour supprimer l’arbre, ça se fait dans le mépris ». Rappelons que récemment, Michaël Delafosse s’est cru autorisé à traiter, en public, de « connards », ses concitoyens qui osent se plaindre de l’overdose de travaux. Une étrange atmosphère règne sur Montpellier.

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