Queer March : entre joie et vulnérabilité, l’espoir

Le Poing Publié le 28 juin 2021 à 20:11

Hier, dimanche 27 juin avait lieu la Queer March #1, qui succède aux maintenant traditionnelles pride de nuit de Montpellier.
Les successions de manifestations hors de la période des prides de ces dernières années prouvent que d’autres expressions et manifestations sont possibles.

Personne dans notre communauté ne peut prétendre aux monopoles de l’usage du mot « pride » car c’est d’un devoir de mémoire dont il s’agit.
Le devoir de raconter les émeutes et non ce mythe de la première gay pride.
Les fondateur-trices de ces manifestations sont des collectifs non mixtes ( handies, racisé, tds, queer, trans, non binaires, bie…) qui ont créé des cortèges non mixtes en dehors du défilé de la pride, comme le pinkbloc durant des années.
L’idée de la queer march est venue de simplement s’affranchir du calendrier des prides et de commémorer le week-end de fin juin.
L’idée est venue de venir montrer les origines multiples des collectifs queer.
L’idée est venue de s’affranchir de faire une pride de jour et la fête commerciale la nuit. REprendre l’espace la nuit est essentiel car les pics de chaleurs en journée empêchent les handies d’être à nos côtés.

Il y en a assez des prides pour les valides pour des gays blancs beaux gosses qui veulent s’amuser. La queer march de Montpellier a été fondée par des queers handies, des tds (travailleur-euses du sexe), des queers racisées, des trans, des personnes non binaires et aucun hetero cis blancs valide.

La queer march c’est aussi une prise de parole libre de ces personnes dites personnes concernées. Des collectifs non-mixtes qui fuient les prides viennent dans ces manifestations, qu’iels ont dû créer par elleux-même et pour elleux-mêmes pour exister, résister et ne plus être récupéré-es. Son existence prouve que c’est possible malgré le manque d’inclusion des organisations officielles des prides qui expliquent lors des réunions que c’est compliqué de créer des aménagements depuis des décennies.
« On n’est pas un problème à résoudre. Vous faites partie eu problème »
Il était important de commémorer la date officielle des émeutes et non de s’aligner sur un calendrier capitalistes appelé « mois des fiertés » avec chaque week-end une pride dans une ville.

Ces queer march et pride de nuit sont plusieurs choses, elles sont d’abord un rassemblement de potes, de camarades, d’adelphes, de personnes marginalisées, de vécus intersectionnels, LGBT, queer, intersexe évidement, des personnes isolées en recherche de communauté́, et des personnes des communautés queer racisées et handi. C’est de ces personnes et de leur besoin de vie, de visibilité, de mémoire que sont issues les marches queer, marches LGBT radicales et pride de nuit.

Les marches des fiertés traditionnelles qui ont lieu en juin pour fêter l’anniversaire de l’émeute de stonewall ont depuis longtemps étées récupérées, et leur charge révolutionnaire s’est vue neutralisée malgré́ de nombreuses tentatives de repolitiser la pride.

En effet depuis les origines jusqu’à aujourd’hui, les luttes LGBT, le maintien des communautés et de leur santé nécessitent un travail et une puissance qui sont imposées au personnes handi et racisées. Tandis que la parole et le pouvoir est réservée a d’autres personnes plus privilégiéés. Du combat pour le logement, pour les prisonnières trans, pour les TDS, aux droits humains, a l’accessibilité́ des personnes handicapées, ect… ect… ect… les multiples luttes qui traversent les communautés LGBT sont divisées selon un sinistre schéma.

Cette hiérarchie produit exactement celle du reste de la société́ : à sa tête, à la gloire, au pouvoir des hommes cis, blancs, riches, puissants ; à l’arrière, à la mort, à l’abandon, au travail, les personnes marginalisées, par la suprématie blanche, le capitalisme et le patriarcat, le valdisme. Les marches radicales existent pour répondre au besoin de visibilité́, de justice face aux violences internes aux communautés LGBT, elles les ont malgré́ tout reproduites.

C’est le premier retour que j’ai eu lorsque j’ai cherché́ à savoir comment elle s’était déroulée : les personnes handis en ont marre de faire tout le travail pour être laissée derrière, humiliées, violentées. Elles sont épuisées de devoir répéter inlassablement que le cortège de tête est réservé́ aux personnes concernées, et qu’il est nécessaire aux personnes handicapées moteur qu’on suive leur rythme, aux handis psy que des espaces sereins et sans bruits existent et aux personnes hypersensibles que la tête du cortège se fasse sans cris et que les applaudissements se fassent sur le mode LS (langue des signes) sous peine de causer crises, blessures et épuisement profond. C’est une honte qu’une marche de fierté́ inclusive voit ses organisatrices aussi dégoûtées de leur propre lutte.

Une question se pose alors autour de la communauté́. Comment être ensemble sans se détruire, sans prise de pouvoir, lors des désormais traditionnelles prises de parole libres ?

Avant, pendant et en fin de manif, seul.e face au groupe, mais soutenu.e par celui-ci, des personnes seules ou accompagnées vont prendre le mégaphone. Une part de vie, une opinion, un cri poussé par une personne, souvent sans préparation, seront entendues. Des histoires qui pour certains semblent trop peu politiques, mais des histoires qui ne pourraient pas être entendues autrement.

Les histoires racontées à la première personnes de la joie d’être entourée, la violence d’une agression transphobe au couteau, de l’expérience d’escort, les mémoires d’une camarade perdue l’année dernière, de l’amour qu’on a les unE pour les autres, des maltraitances de l’hôpital psychiatrique, de l’intolérance ici et ailleurs. Un ami parle de la pride attaquée en Corse et de sa tristesse de ne pas y avoir été. Alors que le cortège se déplaçait d’un coin a l’autre du centre-ville, celui-ci s’est fait attaquer : des bruits de métal hurlant, un mouvement de panique a agité le cortège parce qu’un type a menacé de nous foutre le feu. Il sera finalement neutralisé, la communauté́ formée par la manif se soigne et se protège.

 On arrive sur la Comédie sans s’arrêter et on affronte les regards, les injures les types qui nous filment, quitte à nous Outer. Mais on est des milliers et on est fières. On entend résonner les slogans, « assez, assez, assez, de cette société, qui ne respecte pas les trans/tds les gouines et les pédés/racisés » « we are here we are queer get used to it », « Darmanin en sueur les pédés lui font peur ». S’il est difficile de parler de « la » communauté́ vis à vis des violences internes et des nombreuses et divergentes revendications, qui s’opposent parfois, il est en revanche très facile de parler d’une communauté́ heureuse de se retrouver après ces mois de confinement et de montée en flèche de l’extrême droite. Sur les pancartes apparaissent de nombreux messages de soutiens aux femmes trans en réponse aux attaques exclusionnistes qui ont eu lieu à Paris la veille. Si le pouvoir et les violences qu’exercent les valides sur les handis, les blancs sur les racisé.e.s et dans les couples fracturent la communauté́, un espoir de liberté́ unissait chaque personne dans la marche d’hier, et si la question de la convergence des luttes semble complexe, les multiples trajectoires de chaque vécu intersectionnel semble lui, relier des espoirs de révolution et de libération pour toustes.

Texte écrit par loki et Fabule avec l’aide d’un paquet de queer de tous les horizons.

Photos par alfred.

Sont  co-signataire de la queer marche : Personae Of Color, Support Your Local Girl Gang, Les Pavettes, PINK BLOC 34, Baham Prod. Colleureuses (CQFAD+), Sudakas, Flaam, Pride de Nuit Marseille, ALL Inclusive, Act Up-Paris , Collectif Irrécupérables, Do It Pute Yourself (DIPY), LRFA – Le Réseau des Femmes Afrodescendantes, Diivines Lgbtqi+, Witch Bloc Paname, Strass – Syndicat du Travail Sexuel, Act Up Sud-ouest, Couvent du Nord – Les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence.

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