“Si c’est contraint, c’est pas du soin” : À Montpellier, une manif dénonce les affres de la psychiatrie

Elian Barascud Publié le 11 octobre 2025 à 19:13
une soixantaine de personnes concernée par l'expérience de la psychiatrie s'est réunie à Montpellier ce samedi 11 octobre à l'occasion de la "mad pride" (fierté folle). ("Le Poing")

Portée par une initiative nationale dans plusieurs ville de France, une soixantaine de personnes concernée par l’expérience de la psychiatrie s’est réunie à Montpellier ce samedi 11 octobre à l’occasion de la “mad pride” (fierté folle). Une manière de porter dans l’espace public des vécus et des revendications trop souvent invisibilisés

“Nous nous flattons d’être la seule manifestation publique de concerné·e·s durant cette année de la « santé mentale : grande cause nationale » qui n’a fait que reconduire notre invisibilisation. Mais nous ne nous laissons pas silencier, et nous affirmons : « rien sur nous sans nous ».” Ces quelques lignes proviennent du manifeste annonçant la première “mad pride autonome”, le 11 octobre, dans plusieurs villes de France, pour porter la voix des personnes concernées par la psychiatrie.

A Montpellier, une soixantaine de personnes a répondu présente à l’appel, au départ du Corum. Parmi elles, Bulle, qui dénonce le fait de “ne pas avoir été entendue”, lors sa prise en charge médicale il y a quatre ans. “Je suis arrivé à l’hôpital, on m’a donné un Valium et on m’a dit de rentrer chez moi.” Puis, plus tard, alors qu’elle vivait une crise psychotique, elle raconte avoir été “enfermée dans une chambre vide et attachée sur un lit et mise à l’isolement.” “J’avais vue sur un beau jardin, mais je ne pouvais pas y aller. Je ne vois pas en quoi c’est thérapeutique, c’est de la torture.” Pour elle, l’enjeu est avant tout l’accès au droit et à l’information. pour les personnes concernées par la psychiatrie. “Une psychiatre alliée m’a appris que les services documentent le problème des violences qu’ils infligent dans les dossiers médicaux sans le voir, elle m’a motivé à en faire une copie pour faire respecter mes droits.”

“Transformée en zombie”

Toujours dans le volet de l’accès au droit, Kirn, un autre manifestant, parle “d’aberration” quand il mentionne l’administration : “On a un dossier à renouveler tous les trois ans pour notre allocation adulte handicapé, on doit tout le temps se justifier d’être en situation de handicap…” Il évoque également le manque de rendez-vous en centre médico-psychologique, dont les délais courent sur parfois six mois. “On a besoin d’espaces-ressources autre que l’hôpital psychiatrique où on nous enferme et où on nous drogue.”

La question des médicaments revient beaucoup, notamment lors des prises de parole après la marche, où une jeune femme explique “avoir pris jusqu’à onze médicaments différents” dans la journée. “J’étais transformée en zombie, mes proches ne me reconnaissaient plus.” “Si c’est contraint, c’est pas du soin.” Le slogan, scandé tout au long de la manifestation, prend tout son sens.

Aurore, étudiante pour devenir éducatrice, explique elle aussi avoir fait les frais du “manque de consentement” concernant la prise de médicaments. “A aucun moment les médecins ne m’ont parlé des effets secondaires des anti-psychotiques. J’ai pris du poids, je ne ressentais plus de plaisir et je ne comprenais pas pourquoi, j’estime avoir été mise en danger. Pour moi, la libre adhésion au médicament doit être une ligne de conduite de la psychiatrie.”

Psychiatrie qu’Aurore considère être “un garant de l’ordre social.” Selon l’étudiante, “elle sert à régler de manière individuelle des problèmes sociaux. S’il y a autant de gens qui veulent se suicider, c’est peut-être à cause de leurs conditions de travail, ou des violences sexuelles qu’ils ont pu vivre. C’est cette société qui produit bon nombre de violences qui emmènent gens vers la dépression. Et dans certains cas, donner des pilules à des enfants qui souffrent de déficit de l’attention et d’hyper-activités, ça permet d’économiser des salaires d’AESH à l’école…”

La journée s’est terminée par une scène ouverte au Quartier Généreux, avec l’envie partagée de refaire une mad pride l’an prochain. “On a vraiment besoin d’être visibilisés”, affirme Bulle.

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