Montpellier : tentative de suicide après un rejet de demande d’asile

Le Poing Publié le 7 août 2019 à 11:37 (mis à jour le 8 août 2019 à 14:35)

Le drame survenu mercredi en présence des enfants de la malheureuse illustre l’effet destructeur des procédures opposées aux demandeurs d’asile

Mercredi 31 juillet, Madame S. S., Guinéenne, reçoit de l’OFPRA (Office français pour la protection des réfugiés et apatrides) les décisions concernant ses demandes d’asile en faveur de ses deux fillettes. Toutes deux sont rejetées. L’une des petites, née en France, aura un an ce 15 août. L’autre, née en Guinée, fête ses six ans. 

Alors que son compagnon – et père de la plus jeune enfant – est sorti effectuer des démarches, Madame S. S. tente de se jeter dans le vide depuis la fenêtre de l’appartement qu’occupe la famille, à un cinquième étage, dans le quartier de la gare à Montpellier. Mais les menaces de l’enfant de six ans, de l’accompagner dans son geste fatal, la retiennent. Elle se saisit alors d’un couteau, et entreprend de se tailler les veines – ce que l’enfant serait alors incapable de reproduire sur elle-même.

Quand revient le père, la maman baigne dans son sang dans le hall de l’appartement, avant qu’elle soit évacuée par le SAMU vers l’hôpital où elle sera prise en charge. Des accompagnants français de ce couple, authentifient le récit qui en est fait au Poing, dans la journée du lundi 5 août. D., frère de Mme S. S. a demandé cet entretien, convaincu qu’ « il faut alerter les gens sur la façon dont les procédures administratives de la demande d’asile peuvent finir par détruire des gens, qui sont poussés à bout ».

Mme S. S. et son compagnon, A-A M’B, lui camerounais, sont arrivés en France voici un an et demi, après un périple de plus de deux ans via la mer, et des attentes au Maroc et en Espagne. Mme S. S. argue des risques de graves démêlées avec sa famille, et notamment d’excision sur ses filles, en cas de renvoi en Guinée. Elle-même présente un certificat dresssé au CHU de Montpellier, faisait état d’excision sur sa propre personne (cela en appui de sa propre demande personnelle d’asile, déjà rejetée).

Concernant les fillettes, l’OFPRA justifie sa décision par le fait que la plus jeune, récemment issue du couple formé avec A-A M’B bénéficie de la double nationalité guinéenne et camerounaise (celle de son père), alors que le Cameroun ne présente pas de risque particulier. Il est à noter qu’en cas de séparation et retour forcés, rien n’indique que les enfants ne suivent pas plutôt leur mère vers la Guiné, au lieu du Cameroun paternel.

Quant à la plus âgée, issue d’une liaison précédente, l’OFPRA estime qu’il n’est pas prouvé qu’elle ne soit pas en fait issue du même père, ce qui la ferait alors bénéficiaire de la même double nationalité. Le certificat de naissance fourni à l’appui de la demande serait sujet à caution. La maman se défend : « En Afrique, ça ne se passe pas comme en France, c’est moins organisé, le certificat de naissance n’est pas automatiquent rentré dans les usages, et celui-ci a donc été établi tardivement, pour les besoins de la constitution du dossier. Pourquoi ne pas pratiquer un test d’ADN, on verra bien que les deux ne sont pas du même père » proteste Mme S. S., rejointe en cela par son compagnon.

Un recours sera engagé. Les accompagnateurs français, déjà mentionnés, estiment que le dossier reste parfaitement défendable, d’un point de vue juridique. Il est à noter l’étonnement des parents, du fait qu’aucun entretien spécifique n’a été organisé pour traiter des dossiers de demande d’asile des deux fillettes ; les conclusions produites renvoient, partiellement, à des observations effectuées pour la demande de la mère, précédente et distincte.

Sans préjuger de rien sur ce plan réglementaire, difficile à démêler pour qui n’en est pas spécialiste, il est à constater que le geste de Mme S. S., susceptible de déboucher sur une mesure médicale d’internement, illustre la fragilisation extrême des personnes relevant des procédures interminables et souvent opaques qui sont opposées aux demandeurs d’asile. Bien des militants, et autres spécialistes, finissent par considérer que cet effet de fragilisation, voire d’épuisement, compte parmi les objectifs délibérément recherchés par les dispositifs dissuasifs mis en place, qu’affrontent des personnes au départ assez solides pour prendre des risques considérables dans l’espoir d’une vie meilleure.

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