Vignettes Crit’air : grande volte-face à la Métropole de Montpellier

Le Poing Publié le 13 février 2025 à 19:12 (mis à jour le 14 février 2025 à 16:04)
Les élus Montpelliérains ont reculé sur la Zone à Faible Emission en conseil de Métropole ce jeudi 13 février. (Photo "Le Poing")

La ZFE poursuit son application dans le grand Montpellier. Néanmoins aucune verbalisation ne frappera les automobilistes qui enfreignent la réglementation. Officialisée en conseil de Métropole, cette contorsion peu croyable illustre la grande trouille des élu·es à un an des élections municipales. La question de fond étant celle d’une politique écologiste qui veillerait aussi à se montrer vraiment sociale

C’est la loi. Nul n’est censé l’ignorer. Mais enfin, nul ne sera sanctionné s’il ne s’y soumet pas. Cet étrange message est inédit, voire fragile au regard du droit. Or c’est bien l’autorité chargée de mettre en application la loi, qui, tout en approuvant cette loi, annonce sa non application de fait. Comprenne qui pourra. Ce 13 février 2025 aura vu le conseil de Métropole de Montpellier effectuer cette extraordinaire contorsion.

Ça en dit long sur la grande peur qui s’est emparée des élu·es métropolitain·es, alors que tous·tes sont aussi des élu·es des diverses municipalités en cause. Tous·tes devront affronter l’échéance des élections municipales d’ici un peu plus d’un an. La peur aura été celle d’affronter le mécontentement des propriétaires de 60 000 véhicules environ dans la Métropole, porteurs de la vignette Crit’air 3 (roulant au diesel et immatriculés avant 2011, ou à l’essence immatriculés avant 2006).

Les mêmes élu·es avaient adopté le calendrier qui fixait cette échéance, pour la mise en place de la ZFE (zone à faible émission) sur le territoire métropolitain. Cette mise en place des ZFE est imposée par une loi nationale. Laquelle vise à protéger la santé des populations : chaque année dans l’Hexagone, 47 000 décès découlent de l’exposition à des concentrations excessives en particules fines dans l’atmosphère. L’espérance de vie s’en trouve impactée de huit mois pour tout un chacun·e. La circulation automobile est la principale source d’émission de cette pollution.

Les élu·es de terrain ont pour seule marge de manœuvre les modalités concrètes d’application de cette loi. Il s’agit essentiellement du calendrier de la mise en œuvre graduelle des interdictions de circulation selon les diverses vignettes Crit’air, qui établissent un classement des véhicules selon leurs niveaux d’émission polluante – c’est ce qui s’établit par type de carburation et par date de mise en circulation. Sur ce chemin, l’interdiction des vignettes Crit’air 3 était un très gros morceau à avaler.

Par ailleurs, au 1er janvier 2026, les vingt communes de la seconde couronne de la métropole, en général beaucoup plus rurales (type Saint-Drézéry ou Saussan), devaient rentrer dans la ZFE où se trouvent déjà à l’heure actuelle les onze de la première couronne urbaine (type Saint-Jean-de-Védas ou Castelnau-le-Lez).

Voilà qui est dorénavant l’objet d’un moratoire : pas d’extension de périmètre, ni de verbalisation des véhicules jusqu’au 1er janvier 2027. Cette mesure exceptionnelle aura été la première inscrite à l’ordre du jour du conseil métropolitain tenu ce 13 février 2025. Elle permet de sauver la face, pour les élu·es qui soutiennent que le cap de la ZFE reste néanmoins en vigueur, et que cela est nécessaire. Michaël Delafosse est le premier d’entre elleux, et son autorité semblait engagée dans le cafouillage apparu lors de la précédente réunion de cette instance, en décembre dernier. Il y avait alors de l’amendement dans l’air, de la part d’élu·es d’une large majorité des communes, disant avoir entendu le vent d’inquiétude soulevé parmi leurs concitoyen·nes.

Le maire de la ville-centre, ainsi que Julie Frêche, vice-présidente chargée des politiques de la mobilité, continuent d’évoquer un grand plan urbain et écologique, où le réseau de tram en train de se terminer, celui des bus-trams en train d’être entamés, la multiplication des pistes cyclables, un schéma élargi englobant les TER et des dessertes vers le triangle Gignac-Lodève-Clermont, sont un moyen d’offrir une alternative généralisée à l’utilisation des véhicules privés.

Nombre d’élus des communes plus périphériques soulignent au contraire l’immensité des zones mal ou très mal desservies en transports en commun, où la mise en place stricte de la ZFE signifierait une assignation à résidence. Des élus écologistes très remontés, comme François Vasquez, ou de la MUPES (proche de LFI) comme Alenka Doulain, dénoncent impréparation, précipitation, insuffisance des ambitions et des réalisations caractérisant, selon elleux, cette politique. Ce détail à l’appui : le texte du moratoire soumis au vote ce jeudi matin n’est parvenu aux élus que la veille à 19 heures. « Une insulte à la démocratie , s’étrangle Alenka Doulain d’entrée de jeu, y voyant encore une marque de plus du « caractère brouillon de cette gestion ».

Plus au fond, la question d’une politique écologique, mais qui soit également sociale, a été agitée. Les aides pour l’acquisition de véhicules écologiquement neutres sont inexistantes où insignifiantes. « Et ce sera pareil en 2027 », annonce l’élue MUPES, qui explique qu’on est en train de faire de l’accès aux solutions écologiques « un marqueur des classes aisées », sur quoi le RN prospère. Au passage, Henri Martin (PCF) relève que « le capitalisme se gave sur la transition écologique », devenue un marché. Il pointe : « le prix moyen d’un véhicule neuf est passé de 26 000 euros en 2018 à 36 000 aujourd’hui ».

Toujours très lyrique, le vert indépendant François Vasquez a ironisé à propos du moratoire adopté, comme « une tartufferie, d’un ridicule achevé, qui discrédite les élus qui le votent. La population s’en souviendra. Si on n’est pas capable de faire respecter la règle, c’est que la règle n’existe pas. »

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