5e jour de grève de la faim contre « les escrocs du social
Sébastien, militant pour le droit au logement, lui-même très précarisé, poursuit sa protestation devant le foyer qui l’héberge
Avenue du Père Soulas, Sébastien poursuivait vendredi son mouvement de grève de la faim qu’il a entamé en début de semaine, érigeant son propre cas en exemple de l’incurie des services publics et para-publics censés aider les plus pauvres dans leur quête d’un logement digne. Ayant cessé de s’alimenter, il passe ses journées devant le foyer Adoma où il dispose d’une chambre de sept mètres carrés (où il rentre se mettre à l’abri la nuit), dans cette résidence sociale pour personnes isolées (souvent de vieux travailleurs immigrés), d’une vétusté frôlant le sordide.
Sébastien est un militant connu du droit au logement à Montpellier. Dans ce milieu, chacun connaît sa grande fragilité physique, son besoin de soins suivis, son statut de handicapé à 80 %. Cet état de santé alarmant devrait être l’une des données à prendre en compte urgemment dans tout règlement de sa situation. Visiblement à bout, il nous avait déjà annoncé entrer en grève de traitement thérapeutique avant l’été. A présent, les exigences sanitaires du confinement sont un facteur aggravant au moment de s’imaginer enfermé vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans un taudis.
Certes, comme les autres résidents de ce foyer du quartier des Arceaux, Sébastien pourrait prétendre à un transfert, à terme, dans une nouvelle résidence qui s’y substituera. Mais cela au prix d’une augmentation de loyer substantielle (de l’ordre de 40%) pour une superficie et une qualité de locaux sans comparaison, mais aussi un éloignement dans les rues désertes et sans âme du quartier d’entreprises Euromédecine, aux confins de Montpellier et de Grabels, très mal desservi.
C’est ce principe de relégation des pauvres, qu’il dénonce avec virulence, dans un SMS adressé aux medias et à ses divers contacts ce vendredi : « le relogement forcé des résidents de ADOMA à la limite de la ville pour un loyer indigne d’un bailleur « social » est l’exemple même de l’esbrouffe de la « mixité » sociale » dénonce-t-il. Cette politique, poursuit-il, « n’est pas conçue pour mélanger les gens, mais pour ségréguer, pour éloigner encore plus les pauvres du centre ville. ADOMA a vendu ses logements en ville à sa maison mère CDC Habitat, qui s’adresse à un public plus aisé. La proximité du centre-ville, de la gare, des transports en commun, c’est un enjeu d’intégration, d’insertion, de vie sociale pour les personnes handicapées ou les plus pauvres. Qui crée les ghettos et le séparatisme ? »
Toujours par voie de SMS, le gréviste de la faim avait dénoncé, la veille, ceux qu’il désigne comme « les escrocs du social ». Soit le chapelet de services publics et para-publics, souvent délégués à des associations et autres entités gestionnaires, tout un maquis de sigles d’organismes, dont il sait d’ailleurs très bien détailler les attributions et modes de fonctionnement. C’est ce qu’il finit par décrire comme le règne de l’incurie, « avec la complicité de l’État et des collectivités locales. Ils se créent leurs emplois, ramassent de la thune sur notre dos… pour ne rien faire. Ils participent à la marchandisation du social. L’école des travailleurs sociaux est devenue un centre de Formation en Economie sociale et solidaire. Tout un symbole ! »
Ainsi « les pauvres sont devenus des marchandises. La logique de l’insertion, de faire sortir la tête de l’eau, a disparu, laissant place à des pratiques de gestion et de profit. Si ce système d’hébergement ne propose que des trucs éloignés du centre, inadaptés, c’est parce qu’il fait des économies sur notre dos. On se fait financer des études pour offrir des postes de travail à des copains bobos, monter des dispositifs, des plateformes et des bidules qui n’aident en réalité personne ».
Pour Sébastien , « ce système doit être mis sur la table. Les escrocs du social doivent laisser la place à des professionnels qui répondent véritablement à leur mission d’aide et de soutien ». Il est possible de venir témoigner de son soutien à Sébastien devant le 534, avenue du Père Soulas. Pour ce faire, certains cochent, sur leur attestation de déplacement dérogatoire au confinement, la case de « l’assistance aux personnes vulnérables et précaires ».
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