Handicapé à 80 %, en grève de la faim pour son droit à un toit

Le Poing Publié le 3 novembre 2020 à 15:16 (mis à jour le 3 novembre 2020 à 17:06)
Photo de Sébastien

Défenseur connu du droit au logement, Sébastien dénonce sa propre situation, dans un contexte d’incurie des services officiels, et de ségrégation de fait.

Affecté d’une maladie invalidante, handicapé à 80 %, Sébastien s’installait à Montpellier en 2018, convaincu d’y avoir accès à une bonne qualité de soins, et à une vie sociale stimulante. Les pauvres peuvent-ils prétendre à ces éléments de qualité de vie ? Ou pas ? Depuis lundi soir, Sébastien s’est mis en grève de la faim, sous une couverture, devant les bureaux de l’Adoma, avenue du Père Soulas.

C’est d’ailleurs à cette adresse qu’il réside depuis de longs mois, dans les conditions miséreuses qu’offre cette résidence sociale aux plus démunis – souvent de vieux travailleurs immigrés. Comme eux, pour 320 euros par mois, Sébastien y vit dans sept mètres carrés vétustes, avec accès à une cuisine collective sordide, et des sanitaires et douches collectifs dans un état repoussant (quand l’eau chaude n’y est pas coupée, comme ce fut le cas pendant plus d’un mois avant l’été dernier).

Sa vie sociale, Sébastien a su se la forger, devenant une figure en vue du comité local de Droit au logement, ainsi re-né de ses cendres. Entre autres lieux d’actions, c’est ce qui a permis d’entrouvrir les portes du foyer Adoma devant la presse. En fait cet organisme est en train de construire une nouvelle résidence flambant neuve. Mais Sébastien ne veut pas en entendre parler : « A 420 euros les 20 mètres carrés, ce sont les prix du marché privé. Et n’oublions pas que dès qu’elle touche un smic, une personne seule n’a plus droit à l’allocation logement ».

Mais Sébastien dénonce surtout son emplacement : « cette résidence est paumée dans la zone d’Euromédecine, un endroit désert, mal desservi par les transports en commun » dénonce-t-il. Il y voit une question de fond : « mettre les pauvres là-bas, notamment une populations de vieux messieurs isolé, c’est leur dire que les relations de proximité permises en centre ville leur sont interdites, que les pauvres n’y ont pas droit ».

Il ne nie pas que diverses autres propositions lui ont été faites. Mais toutes présentent cette même caractéristique d’éloignement. « Je ne peux évidemment pas m’offrir une voiture, et dans mon état, si je monte sur un deux roues, c’est l’accident assuré ». Il y a aussi un quartier, le long de l’avenue du Père Soulas, où ont été regroupées diverses résidences et foyers dédiés à divers types d’habitants en difficulté. Mais là encore, « c’est loin du Tram, ça se fait avec une logique de ghetto, alors que la politique officielle est celle de l’intégration des personnes handicapées ».

Ce sont autant de problèmes de fond que Sébastien veut ainsi dénoncer. Il use souvent du mot « pauvres » pour évoquer les droits qu’il réclame, au-delà de son cas personnels : « L’Adoma avait des appartements disséminés en ville, à Figueroles, ou rue Bourrely. Ils ont préféré les revendre à CDC habitat, un organisme conjoint, au service d’une clientèle d’un niveau supérieur. Très clairement, ces organismes sociaux pratiquent activement la gentrification ». Il blague alors : « Et bien moi, la gentrification, j’y ai droit ».

Puis soudain virulent, il dénonce tout le système de services et organismes publics, para-publics, associations les relayant : « Je ne dis pas que c’est une mafia. Mais tout ce système vit d’argent public, pour créer des plateformes, des réseaux, des machins, des bidules, qui n’ont jamais aidé personne à trouver un logement. Par exemple, il y a des quantités d’appartements en ville, qui ont bénéficié d’aides de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat. Normalement, leurs propriétaires sont tenus d’y appliquer des loyers réglementés. Ce qui n’est pas du tout respecté. Et aucun organisme d’État ne se soucie de simplement faire appliquer la loi ».

Bref, tout un système social s’interpose entre les gens en difficulté et l’accès à leurs droits. « Finalement, ils vivent de cette gestion du malheur, et se révèlent complètement inefficaces ». Il explose : « la semaine dernière, nous avions une famille de cinq personnes mise à la rue, vivant dans une automobile. On a tiré toutes les sonnettes d’alarme. Pour rien ». Sébastien préfère miser sur sa lutte, collective au sein du DAL, ou personnelle en grève de la faim. Il ne cache pas que l’annonce du reconfinement l’a déterminé à ne plus accepter ses conditions de logement insupportables. Combien d’autres connaissent les mêmes conditions de mal-vie ?

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