Le tribunal de Montpellier refuse aux journalistes le droit de se masquer en manifestation
Le 16 septembre 2020, Jules Panetier, journaliste au Poing, comparaissait au tribunal de Montpellier pour « dissimulation du visage » pendant une manifestation de gilets jaunes. Condamné le 14 octobre à 1000€ d’amende, Jules a interjeté appel, une condition nécessaire pour obtenir, tardivement, les motifs ahurissant du jugement, ici commentés par le principal intéressé :
Journaliste au Poing, je suis aussi gilet jaune, et c’est bien mon droit. La pluralité du journalisme d’opinion est une condition du débat démocratique, et à la différence d’autres médias qui se réfugient derrière une prétendue neutralité pour mieux défendre le pouvoir, Le Poing assume ses opinions, en toute transparence.
Je subis les foudres de la police depuis longtemps, parfois en tant que militant, parfois en tant que journaliste, parfois les deux (voir cette vidéo, ou cet article). Je ne comprends donc que trop bien ces journalistes inquiets de subir le sort réservé depuis des lustres à ceux qui n’ont pas de carte de presse, même s’il eut été bienheureux qu’ils n’attendent pas d’être directement touchés pour dénoncer l’autoritarisme de l’État (le massacre des gilets jaunes, d’abord invisibilisé par les médias, n’était-il pas suffisant ?)
Pas de rancune, haut les coeurs. Une mobilisation cruciale se joue, contre la loi sécurité, pour le droit de filmer les policiers, contre les violences policières d’une manière générale, et donc pour le droit de se protéger en manifestation. À cet égard, les cibles ne sont pas qu’au gouvernement, mais aussi au tribunal de grande instance de Montpellier.
Le 9 novembre 2019, j’ai été arrêté à Montpellier par la police alors que je couvrais une manifestation de gilets jaunes pour Le Poing, puis condamné à 1000€ pour dissimulation du visage (je portais un masque et un casque). La juge Geneviève Boussaguet estime que ma « qualité de journaliste ne peut être considérée comme constituant, en soit, un motif légitime permettant de dissimuler son visage au sein ou aux abords immédiats d’une manifestation sur la voie publique, au cours ou à l’issue de laquelle des troubles à l’ordre public sont commis ou risquent d’être commis ». « En outre, le prévenu se trouve au milieu des manifestants, dont certains sont aussi masqués et jettent des projectiles en direction des forces de l’ordre ».
Pour le tribunal de grande instance de Montpellier, il faudrait donc couvrir une manifestation sans être « au milieu » de ladite manifestation, mais plutôt sur le côté, avec les policiers, pour ne pas être suspecté de solidarité avec des révoltés. Le tout sans se protéger, y compris en émeute, pour laisser tout loisir à la police de vous mutiler si elle l’estimait nécessaire. Une interprétation du journalisme bien conforme au nouveau schéma national du maintien de l’ordre promu par Darmanin.
Que l’on soit clair : face à une police surarmée et en roue libre, les droits de filmer, de se protéger et même de riposter doivent être défendus pour tout individu, avec ou sans carte de presse, car c’est une condition du droit d’information et de manifestation. L’émergence de médias indépendants (entendus ici comme composés de bénévoles sans carte de presse) et de vidéastes amateurs est le signe d’un engouement populaire pour le journalisme, et les médias « officiels » devraient s’en réjouir plutôt que de considérer ce phénomène comme une menace pour leur statut. À cet égard, la tribune signée par les « grands » médias est à côté de la plaque : elle défend le droit de ne pas accréditer de journaliste sur le terrain, en se gardant bien de reprendre la revendication émanant de la rue, à savoir, pour commencer, l’abrogation de la loi « sécurité ».
Pour le droit d’informer et de manifester pour tous, mobilisons-nous contre leur sécurité globale (à Montpellier, départ ce 28 novembre à 11 heures de la mairie de Montpellier) !
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