Vidéosurveillance à Montpellier : une journée informative et ludique pour initier un recours juridique
A l’initiative du collectif Technopolice Montpellier et de la Ligue des Droits de l’Homme, le samedi 16 mars marque le début d’une campagne pour s’opposer via un recours en contentieux contre la vidéosurveillance dans l’Hérault, le tout via un jeu dans l’espace public et une réunion d’information
Guidées par une oreille parlante et une carte répertoriant les différentes caméras de vidéosurveillances dans le quartier Albert 1er, Lia et Mireille scannent des vignettes cachées sur du mobilier urbain. Quand elles le font, elles reçoivent des consignes permettant de perturber la surveillance algorithmique (automatisée et assistée par ordinateur) via des gestes considérés comme “suspects” et pouvant déclencher des alertes auprès d’un agent, qui peut envoyer la police : s’allonger, changer plusieurs fois de direction, faire du bruit, lever les bras, courir…
Si la Ville de Montpellier s’est engagée à ne pas utiliser ce genre de surveillance algorithmique collectant des données personnelles, le but du jeu est néanmoins de “hacker” le dispositif de manière ludique pour sensibiliser les participants aux potentielles atteintes aux libertés publiques que cachent ces technologies.
A l’origine de ce jeu de piste, la station magnétique, une compagnie de théâtre d’objet passionnée par “la bidouille numérique” (et qui perçoit des subventions municipales), comme l’expliquent YraGaël et Sarah, deux de ses membres. “On réfléchissait à une manière de parler de ces espaces qu’on trouve de moins en moins civilisés, où on a de moins en moins de libertés en faisant faire des choses à des gens. On est tombé sur une liste de “gestes suspects” publiée par l’AN2V, association nationale de la vidéoprotection, qui fait du lobbying en la matière. On a imaginé un jeu autour de ces gestes. Le but, c’est de faire vriller le système.”
Faire “vriller le système”, et provoquer la réflexion. Et ça marche : Hélène, l’une des participantes du jeu, analyse : “On a fait ces gestes considérés par suspects par les algorithmes, mais les gens autour de nous ne paniquaient pas, ça ne provoquait même pas de réaction. En fait, ces caméras sont destinées à produire un “chilling effect”, un comportement d’autocensure. Si tu te sais surveillée, tu vas ajuster ton comportement à la société.”
Appel au recours
Une manière ludique d’aborder un sujet on ne peut plus sérieux, c’était le pari du collectif Technolice et de la Ligue des Droits de l’Homme. Pour eux, cette journée du 16 mars, co-organisée avec le bar associatif le Quartier Généreux, est l’occasion de lancer une campagne de recours au tribunal administratif contre le renouvellement ou l’augmentation de la vidéosurveillance à Sète et Montpellier.
“Tout part d’arrêtés préfectoraux pris l’an dernier, qui autorisent ou ré autorisent installation dans le département de plus de 1 000 caméras sans faire d’analyse au cas par cas de la nécessité et de la proportionnalité d”un tel dispositif”, décrit Simon, juriste et membre du collectif Technopolice, proche de l’association La Quadrature du Net, qui veille au respect des droits et libertés en lien avec les nouvelles technologies du numérique.
Après deux recours déposés en préfecture qui n’ont pas abouti, le collectif appelle à un nouveau recours en contentieux participatif pour faire émerger cette question dans le débat public : “Le but, c’est que les gens transforment un argumentaire politique en argument juridique”, explique-t-il.
Le collectif dénonce une inefficacité des caméras pour lutter contre la délinquance, s’appuyant sur une étude réalisée à Montpellier en 2017 : “Les résultats montrent que la vidéosurveillance a un impact pratiquement nul en terme de dissuasion de commission d’infractions et marginal à l’élucidation de celles-ci”, précise le juriste.
De plus, Technopolice souligne le coût de cette technologie : “On parle de 20 000 euros par caméras, sans compter l’entretien et le salaire des agents qui regardent les image.” Mais surtout, c’est l’impact sur les libertés publiques qui inquiète le plus le collectif : “La vidéosurveillance algorithmique rend suspect des comportements pas forcément illégaux et illégitimes, comme s’allonger ou se regrouper dans la rue. C’est discriminatoire, ça cible un certain type de population, comme les pauvres, les sans-abris…”, dénonce Simon. “Et puis, quand ces technologies sont sous-traitées à des entreprises privées, ce sont de véritables boîtes noires, on ne sait pas comment c’est fait et sur quels critères un comportement est désigné comme suspect.”
Si Simon considère la Ville de Montpellier “transparente” au sujet de la vidéosurveillance (tous les documents que demande le collectif lui sont fourni, et un débat avec Sébastien Côte, l’adjoint à la sécurité, a pu avoir lieu à au local associatif Carmagnole), il se pose néanmoins des questions : “Déjà, on nous dit que ces caméras rassurent les gens, alors que le sentiment d’insécurité ne baisse pas selon les études. Et Montpellier est la seule ville de France a avoir adopté, à l’initiative de l’adjoint Manu Raynaud, une résolution interdisant la vidéosurveillance algorithmique qui récolte des données personnelles, pourtant on constate que des caméras scannent quand même des plaques d’immatriculation. On veut que les pouvoirs publics prennent position, et obtenir un moratoire sur cette question”, conclut le juriste.
La réunion d’information qui clôture la journée ( 17 h 30 au Quartier Généreux, 2 quai des Tanneurs) doit servir à récolter les premières signatures pour constituer le recours.
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