“Opportuniste”, “malhonnête” : les mots doux du préfet de l’Hérault aux soutiens à la Palestine

Elian Barascud Publié le 26 septembre 2024 à 17:49 (mis à jour le 26 septembre 2024 à 23:18)
« Soutien aux palestiniennes victimes de génocide », sur la place de la préfecture lors de la journée internationale des droits des femmes, Montpellier, le 8 Mars 2024. Crédit photo : Mathieu Le Coz/Hans Lucas

Dans un courrier du 25 septembre, François-Xavier Lauch, préfet de l’Hérault, reproche à BDS et la Libre Pensée, deux associations actives dans les actions de soutien à la Palestine sur Montpellier, de participer à des manifestations dont les sujets s’éloigneraient des objets pour lesquelles ces associations militent, voire de les récupérer. La réaction des organisations concernées ne s’est pas faite attendre

Nouvelle passe d’arme par courriers interposés entre la Préfecture de l’Hérault et les soutiens Montpelliérains à la Palestine. Après les interdictions de manifester à répétition à la suite de l’attentat de la synagogue de la Grande-Motte, de la répression des militants, des recours au Tribunal administratif et au Conseil d’État ainsi qu’une réunion en préfecture (qui s’est soldée par une nouvelle interdiction de manifester), voilà que le locataire de la place des Martyrs de la Résistance remet le couvert.

Dans un courrier du 25 septembre, adressé à José-Luis Moraguès et Alban Dessouter, (respectivement membre de l’association non-violente de soutien à la Palestine BDS et de la Libre Pensée), François-Xavier Lauch, préfet de l’Hérault, écrit : “J’ai pu constater votre participation de plus en plus systématique, voire la récupération à votre compte de manifestations dont les sujets s’éloignent de l’objet-même de votre association et dont vous n’êtes pas à l’origine. Cette pratique opportuniste constitue un détournement de procédure qui peut être lourd de conséquences. En effet, ‘lobligation de déclaration a pour motivation principale l’organisation de la sécurité des participants à ces manifestations, l’anticipation des troubles à l’ordre public, le dimensionnement des forces de sécurité encadrant l’évènement. En agissant ainsi vous faites porter la responsabilité d’éventuels débordements et donc d’incidents sur les organisateurs déclarés, ce qui est à minima inélégant, voire malhonnête.”

Le préfet fait sans doute référence aux manifestations contre la politique actuelle de Macron et la nomination de Michel Barnier les 7 et 21 septembre dernier, auxquelles BDS a participé. Ni une ni deux, les associations pré-citées répliquent dans un courrier : “Vous nous faites remarquer que nous avons rejoint des manifestations « dont les sujets s’éloignent de l’objet même de nos associations », il s’agissait en l’occurrence de deux manifestations ayant pour objet de dénoncer le coup de force d’ E. Macron contre la démocratie et son absence de dénonciation du génocide en cours en Palestine.Ceci appelle cette remarque de notre part : concernant l’objet de nos organisations et lerapport avec des manifestations ayant pour objet de dénoncer le coup de force de Macron suite aux dernières législatives : ce choix a été fait librement par nos organisations, et elles sont libres de décider par elle-même leurs orientations, initiatives et appels. (…]

En l’espèce, plusieurs organisations se sont jointes aux cortèges des manifestants, et cela n’a pas posé le moindre problème ni aux manifestants, ni aux organisateurs, qui nous l’auraient immédiatement signalé si cela avait été le cas. […] Dès lors, épingler exclusivement BDS France Montpellier et la Libre Pensée d’agir ainsi et de surcroît qualifier cette pratique usuelle de « détournement de procédure », « inélégant »« voire malhonnête » nous semble quelque peu éloigné de « l’esprit de dialogue » et du principe de « permettre et de garantir l’expression de tous » affichés lors de notre entrevue en préfecture. Nous le regrettons et espérons que notre réponse permettra de mettre un terme à ce type de « contrôle » et d’observations sans objet, sauf à manifester un acharnement de la préfecture à faire taire des organisations qui dénoncent un massacre, à propos duquel, même le président E. Macron a déclaré hier qu’il « fallait que cela cesse ! ».”

Bref, dans ce courrier lunaire, le préfet Lauch ne serait-il pas en train de remettre en question les principes même de liberté d’expression, de circulation et de manifester ? Notons que la prochaine manifestation de soutien à la Palestine est prévue ce samedi 28 septembre à 16 heures au départ de Plan Cabane.

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