Montpellier s’entête dans la voie de la croissance métropolitaine

Le Poing Publié le 9 octobre 2024 à 10:54 (mis à jour le 10 octobre 2024 à 10:30)
Les riverains de Sablassou et des coteaux de Malbosc étaient présents devant le siège de la Métropole de Montpellier ce mardi 8 octobre pour s'opposer à la bétonisation de ces espaces. ("Le Poing")

Le Conseil de la Métropole de Montpellier a approuvé ce mardi 8 octobre un nouveau Plan d’urbanisme. Son objectif affiché est de contenir la dégradation écologique du territoire en proie à la bétonisation. Or les élus continuent d’être persuadés que la croissance est une donnée qui ne se discute pas, voire un atout à encourager. Et la bombe sociale du logement ne va pas tarder à exploser

La séance plénière du Conseil de Métropole de Montpellier était très attendue ce mardi 8 octobre 2024. C’est dans cette instance que siègent des représentants de trente-et-une communes du bassin montpelliérain, ou résident environ un demi-million d’habitants. Et beaucoup plus que les conseils municipaux, c’est cette instance qui concentre les véritables pouvoirs de décisions sur les choix stratégiques d’aménagement, de développement, d’économie, de déplacement. Cela va jusqu’à la culture et les sports.

Disons d’emblée que c’est un problème. Jamais personne n’a voté pour désigner un membre siégeant dans ce conseil. Ce sont les conseils municipaux qui décident, seuls, de qui va aller siéger. Cela a un effet de dilution politique, qui était très palpable au cours de cette dernière session. Au Conseil de Métropole, on vient représenter sa commune plutôt que se battre au nom de sa conviction politique. On y est entre gestionnaires. Entre cogestionnaires. De bon ton. Les décisions, forgées par des bataillons de technocrates, sont adoptées à une écrasante majorité, frôlant l’unanimité, comme si les questions pourtant très lourdes de sens qu’on y prend ne faisait pas réellement débat.

Dans ce contexte, on peut particulièrement s’intéresser au profil de René Révol, maire de Grabels. Il est le seul élu LFI (même si la Montpelliéraine Alenka Doulain n’en est pas très éloignée). Il est un proche de Jean-Luc Mélenchon. On pourrait s’attendre à ce qu’il soit, en général, et pas120 spécifiquement sur la question du du Plan Local d’Urbanisme, un opposant vigoureux au président de la Métropole, maire de Montpellier, Michaël Delafosse, qui figure parmi les plus droitards de la misérable galaxie sociale-démocrate.

Il n’en est rien. D’un naturel courtois, très sérieux sur ses dossiers, élu d’une commune pavillonnaire qui n’a rien d’un bastion de la rupture sociale, chargé de la question du traitement des eaux du territoire métropolitain, René Révol a tout d’un sage assistant de Michaël Delafosse, sans la moindre vague. Un élu tout à fait technicien, qui s’est tout de suite rangé contre les arguments de la fraction rebelle des élus verts montpelliérains, au moment du grand clash sur la gestion des déchets.

Qu’est-ce que cette séance du 8 octobre avait de si particulier ? Son premier point à l’ordre du jour était l’approbation du bilan de concertation en vue de l’adoption, l’an prochain, du Plan Local d’Urbanisme Intercommunal. On dit P.LU.I.C.. Le C est un rajout, qui signifie “Climat”, en signalant donc que la transition écologique est censée être la question principale qui l’inspire. Ce Plan sera un document contraignant en matière de droit ou d’interdiction à bâtir, devant s’imposer pendant dix ans sur tout projet de construction, quelqu’il soit.

La question est très sensible pour le développement des communes, mais aussi au regard des actions citoyennes, de plus en plus vives et nombreuses à dénoncer des cas situés de bétonisation de l’espace, . Les élections municipales ne sont plus si lointaines. Coralie Mantion a fait attention à ce que son arrivée au Conseil soit particulièrement remarquée ce mardi matin à Antigone, aux portes du siège de la métropole. Élue verte, elle était vice-présidente de cette instance, justement chargée d’instruire le projet de P.L.U.I.C., avant de claquer la porte, avec d’autres, pour dénoncer le tropisme bétonneur de Michaël Delafosse.

Au même moment, sur les mêmes lieux, les résident.es montpelliérain.es dit.es des Quatre boulevards (submergés par l’engorgement automobile brutalement imposé par leur maire), les riverain.es des côteaux de Malbosc (entre Celleneuve et la Paillade), et les défenseureuses des terres agricoles de Sablassou à Castelnau-le-Lez avaient déployé leurs banderoles.

Celleux de Malbosc avaient pensé pouvoir se réjouir de la reculade de Michaël Delafosse, très soucieux de la fibre verte déterminant son éventuelle réélection pour un second mandat (alors que, mathématiquement, sur sa gauche, les courants LFI, citoyennistes et écologistes lui sont d’une supériorité écrasante dans l’électorat montpelliérain). Or, voilà que les coteaux de Malbosc, théoriquement sauvés pour devenir un parc, continuent d’apparaître constructibles sur le projet de P.L.U.I.C..

L’autre point brûlant tient à des excellentes terres agricoles de Sablassou, vers la sortie est – côté Le Crès – de Castelnau. Ce vaste espace méconnu, car dissimulé par la butée de la voie ferrée, continue d’être visé, sur une dizaine d’hectares, par la réimplantation de la Clinique du Parc, à l’étroit sur les bords du Lez (un merveilleux site où on ne manquerait sans doute pas de faire de l’immobilier à neuf étages après ce déménagement…)

A Castelnau-le-Lez, ville jusque là très conservatrice, ce genre de questions a fini de menacer d’emporter une municipalité obstinément bétonneuse. Les défenseur.euses de Sablassou sont très cohérent.es dans leur contre-argumentation : pour elleux, il s’agit de défendre l’autonomie alimentaire, la production agricole en circuit court, la perméabilité des sols favorable aux cycles de l’eau, le verdissement résistant à l’augmentation des températures.

Tout cela est tellement emblématique que le rapporteur du projet de P.L.U.I.C. en vient à laisser entendre que, tout bien réfléchi, la porte reste ouverte à des discussions pour un autre choix d’implantation de la clinique, moins ravageuse écologiquement (on évoque les abords du lycée Pompidou, sur les coteaux en garrigue). A suivre.

Le nouveau Plan d’urbanisme prévoit que seul un tiers du territoire métropolitain est susceptible d’être bâti, les deux autres tiers restant agricoles ou naturels. Sur ses dix années de déploiement, il prévoit l’urbanisation de 750 hectares. Un document antérieur du même ordre, le SCOT, schéma d’orientation territoriale, en prévoyait précédemment 1500 ; deux fois plus.

Par ailleurs, la quasi totalité de l’urbanisation se fera sous forme d’OAP, c’est-à-dire des opérations cohérentes d’aménagement, censées rompre avec ce qu’on appelle l’urbanisation à la parcelle. Celle-ci ne relève que des initiatives prédatrices des promoteurs immobiliers qui se jettent sur le premier terrain disponible pour lui faire cracher du fric sous le béton.

Des dispositions assez rigoureuses sont également prévues pour réduire l’imperméabilisation des sols (c’est important pour la prévention des catastrophes). Il faut enfin noter qu’au-delà d’une certaine surface d’aménagement, tout projet immobilier devra comporter 30 % de logements sociaux (dans l’espoir de favoriser une mixité sociale mieux répartie – reste à questionner la grande élasticité de la catégorie “logement social”, qui englobe de fait une bonne part des couches moyennes, notamment en accession aidée à la propriété).

Incontestablement, il y a du mieux. Sauf. Sauf que tout ce document, tous les débats qui s’y rattachent, toutes les prises de paroles, se fondent sur la donnée intangible que le territoire métropolitain va continuer d’accueillir entre cinq et sept mille nouveaux habitants chaque année sur les dix années qui viennent. C’est intenable. C’est trois Lunel à absorber.

On a entendu parler de « bombe sociale de la question du logement », qui ne va pas tarder à exploser, tant il devient impossible, financièrement, de se loger à Montpellier et une très large zone alentour. Sous le vernis high-tech, les Montpeliérains sont pauvres : près de 30 % à vivre sous le seuil dit de pauvreté, et la moyenne se contentant d’un revenu mensuel de 1 700 euros.

C’est là que la question devient pleinement politique. Si on se satisfait des règles capitalistes, de la défense du principe sacré de propriété, de la place très dominante laissée au marché privé du logement, on se contente d’un encadrement des loyers cosmétique, on laisse dormir trente mille biens immobiliers vacants sur l’agglomération (alors que la loi permettrait de les réquisitionner), on mise sur la communication et les low costs d’un aéroport en expansion écocidaire pour pourrir la ville de logements AirBnb, on laisse le logement étudiant à la rente spéculative privée, etc. Oui, il y a bombe sociale.

Par ailleurs, les élus métropolitains, tel Cyril Meunier, maire de Lattes (où avec Pérols on s’apprête à céder à la folie de 8 000 logements supplémentaires), martèlent : « Notre croissance démographique est une chance. L’attractivité de la Métropole est notre chance. C’est elle qui soutient notre développement économique, qui provoque l’implantation d’entreprises, la création d’emplois » (propos reproduits ici en substance, agrégeant des interventions diverses). Seule Alenka Doulain, élue “Nous sommes” de Montpellier, aura signalé que les nouveaux arrivants à Montpellier n’y viennent par une sorte de fatalité magique : « C’est une politique, ce sont les choix de votre politique, qui les y attirent ».

Cette politique, quasi unanimement approuvée, est celle de la compétition des Métropoles, dans laquelle Montpellier est engagé, à droite, à gauche : c’est-à-dire la politique néo-libérale aveugle de la course aux profits, de la bride lâchée au capitalisme technologique, à la marchandisation généralisée des existences, et la destruction écocidaire du vivant. Nos espaces sont avant tout destinés à se faire plateforme de ce modèle économique exploiteur et destructeur.

Cyril Meunier, toujours lui, a lâché une autre bombe, l’air de rien : dans cette logique infernale, la réalisation du COM, une deux-fois deux voies entre Saint-Jean-de-Védas et Juvignac, n’est pas le dernier maillon destructeur de la furie circulatoire montpelliéraine. Il fallait s’y attendre. Dorénavant, c’est du Rieucoulon jusqu’après Pérols et en rasant Lattes, qu’il conviendrait de mettre à l’étude un nouveau grand axe routier. C’est d’une logique implacable. P.L.U.I.C. ou pas, la transition écologique attendra.

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