Précarité alimentaire : 68 cas de scorbut au CHU de Montpellier en 8 ans, une explosion des cas en France
Une étude publiée dans The Lancet, et citée par Libération, pointe une alarmante progression en France du scorbut, maladie d’un autre siècle qu’on pensait disparue, liée entre autres à la pauvreté et à la précarité alimentaire. Entre 2014 et 2021, 68 cas ont été recensés au CHU de Montpellier.
Des pédiatres de l’hôpital parisien Robert-Debré, à partir de l’impression d’une augmentation des cas de scorbut chez les enfants qu’ils soignent, ont décidé de chiffrer le phénomène.
Grâce à la base «Programme de médicalisation des systèmes d’information» (PMSI), qui regroupe l’ensemble des données sur les hospitalisations en France, ils ont dénombré 888 enfants hospitalisés pour scorbut entre janvier 2015 et novembre 2023.
Le scorbut est une maladie liée à une carence importante en vitamine C, qui peut provoquer un déchaussement des dents, la purulence des gencives, des douleurs osseuses, des hémorragies, et causer la mort dans les cas les plus extrêmes.
Le retour du scorbut en France a connu un grand coup d’accélérateur depuis l’épidémie de COVID, puisque la hausse cumulée du nombre de cas est passée à 34,5 % après mars 2020 (soit une augmentation de 0,01 % par mois avant cette date à près de 2 %.) Chez les enfants de 5 à 10 ans, l’augmentation du nombre de cas a été de 200 % entre mars 2020 et novembre 2023) La malnutrition sévère s’est accrue de 20 % sur cette même période post-Covid. Laquelle expose aussi les enfants à d’autres maladies, entre autres obésité, diabète, retard de croissance voire système immunitaire affaibli.
Ulrich Meinzer, chef de service à Robert-Debré et qui a coordonné ce travail pour The Lancet, interrogé par Libération, pense que ces données sont d’autant plus inquiétantes qu’elles sont certainement sous-évaluées, puisque seule les cas ayant débouchés sur des hospitalisations sont répertoriés. « On a vu la précarité s’aggraver depuis la pandémie. Des infirmières nous signalent de plus en plus souvent des familles qui n’ont pas mangé faute de moyens. », confie le médecin. Pour Catherine Salinier, de l’Association française de pédiatrie ambulatoire, « cette maladie est une forme extrême de la précarité, à laquelle les pédiatres libéraux sont tous plus ou moins confrontés».
Depuis l’épidémie de COVID, pauvreté et précarité ne cessent d’augmenter dans la population française, malgré un tassement de l’inflation galopante des dernières années. Selon le 18ème baromètre sur la pauvreté en France réalisé par Ipsos sur demande du Secours Populaire, publié le 12 septembre 2024, près de 62 % des Français déclarent avoir connu ou avoir été sur le point de connaître une situation de pauvreté, soit 4 points supplémentaires par rapport à 2023. 40 % assurent avoir déjà traversé une période de grande fragilité financière cette année, le plus haut niveau depuis 2013. Selon cette même étude, un Français se considère comme pauvre quand son revenu est de moins de 1 431 euros par mois en Ile-de-France et de moins de 1 388 euros dans le reste du pays.
16 % des Français y déclarent vivre à découvert tout au long de l’année, un peu moins de la moitié d’entre eux assurent réussir à mettre de l’argent de côté, un répondant sur deux déclare des difficultés pour payer les factures d’énergie. Un tiers de Français a également du mal à régler son loyer ou son emprunt immobilier, 30 % ne parviennent pas à s’alimenter aussi sainement qu’ils le souhaiteraient et un parent sur trois doit parfois se priver pour nourrir ses enfants.
Les premiers signes de scorbut apparaissent après un à trois mois passés avec moins de 10 mg de vitamine C par jour pendant un à trois mois, soit l’équivalent d’une orange tout les huit à dix jours.
Julie Barthelet a consacré sa thèse au scorbut lors de son internat de médecine. Elle a recensé 68 cas au CHU de Montpellier entre 2014 et 2021.
La France a encore une fois affiché un montant record de dividendes reversés aux riches actionnaires des grandes entreprises principalement de 54,3 milliards d’euros, en hausse de 6,8 % au deuxième trimestre 2024.
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