Contournement Ouest de Montpellier : quand le préfet de l’Hérault fait le service après-vente de Vinci

Elian Barascud Publié le 26 mai 2025 à 16:31
Mickaël Delafosse maire de Montpellier aux côtés de François Xavier Lauch nouveau préfet de l’Hérault lors de la cérémonie de sa prise de fonction, Montpellier le 9 Octobre 2023. Crédit photo : Mathieu Le Coz/Hans Lucas

Alors que l’Autorité environnementale vient de rendre un rapport très critique sur l’impact environnemental de cette 2×2 voies de 6 km qui doit relier Saint-Jean-de-Védas à Juvignac, François-Xavier-Lauch, préfet de l’Hérault, s’est rué dans la presse pour affirmer que “le dossier déposé par Vinci est de qualité”. Petit décryptage

François-Xavier Lauch serait-il en plein déni de réalité ? Le 23 mai dernier, alors que l’Autorité environnementale venait de rendre un rapport très sévère sur le Contournement Ouest de Montpellier (une 2X2 voies de six kilomètres ayant pour but de relier l’A750 à Juvignac dont le chantier devrait démarrer en 2026), le préfet de l’Hérault est allé lui-même défendre le projet porté par le groupe Vinci dans les colonnes de Midi Libre.

“Faire en sorte que ces projets sortent”

“Si je réagis personnellement, c’est parce que je ne veux pas que nos concitoyens n’entendent que la parole d’un certain nombre d’associations qui font de faux procès à cette opération et à un concessionnaire qui, jusqu’à présent, a fait son travail. Mon rôle en tant que représentant de l’État, c’est aussi de faire en sorte que les projets sortent”, expliquait-il. Et ce, même si selon le rapport, ces projets affichent des taux d’émissions de CO2 qui vont “à l’encontre des objectifs de tous les documents de programmation et de planification nationaux et locaux.” A ce propos, l’avis précise que “les émissions de CO2 ne sont toujours pas identifiées comme un enjeu, ce qui paraît contradictoire avec le respect par la France de l’objectif qu’elle s’est fixé”.

“De nombreuses incohérences dans le dossier”

Le représentant de l’État dans l’Hérault l’affirme : “Le dossier déposé par Vinci est de qualité.” Pourtant, le rapport de l’Autorité environnementale émet de sévères critiques et souligne de graves lacunes. Selon le rapport, le dossier d’enquête publique concernant le COM comporte “de nombreuses incohérences” : “une augmentation du trafic pas prise en compte”, “un impact climatique avéré plus important encore que l’estimation des Shifters” (association de sensibilisation du grand public, des élus et des entreprises sur les enjeux climatiques), “une étude d’impact à reprendre entièrement”

Pire, selon le rapport, à l’heure actuelle, le projet ne répondrait pas à ses objectifs fixés : “le dossier n’apporte pas la démonstration qu’il répond à deux des objectifs qui lui sont fixés : contenir la circulation d’échanges péri-urbains et de transit sur un itinéraire adapté, afin de rendre son usage à la voirie secondaire des quartiers traversés et valoriser les accès au réseau multimodal pour limiter le trafic routier vers le centre urbain.”

Lauch contre les faits scientifiques ?

Concernant les données de trafic présentées dans l’étude, elles sont obsolètes : l’autorité environnementale évoque l’existence d’une étude de trafic réalisée en 2018 qui prévoit une augmentation du trafic total due à la mise en service du COM. Ces résultats n’ont pas été repris dans l’étude d’impact du projet. Ils sont, selon le rapport, en “contradiction avec le dossier des engagements de l’État d’octobre 2023” car il “n’était pas envisagé une augmentation du trafic total induite par la création de l’autoroute”.

Mais pour François-Xavier Lauch, ce n’est pas grave : “Je ne crois pas à la théorie du trafic induit [volume de trafic supplémentaire généré par la création ou l’amélioration d’une infrastructure de transport, ndlr]”, affirme-t-il dans Midi Libre. Un fait pourtant établi par les scientifiques, et admis par les institutions publiques comme le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), qui établit d’ailleurs une revue bibliographique à ce sujet sur son site Internet, soulignant néanmoins que son utilisation dans les études de déplacements fait régulièrement débat.
 

Un “impact climatique avéré”

“Je pense que le point fort de ce contournement, c’est sa perspective de limitation des gaz à effet de serre si on le prend dans sa complétude”, continuait François-Xavier Lauch. Mais pour l’autorité environnementale, l’augmentation de ces émissions de CO2 qu’engendrerait le COM est une “conséquence logique de l’accroissement des trafics” (à laquelle le préfet semble pas croire). Cette hausse évoquée peut être estimée sur la base des pourcentages cités entre environ 20 000 et 30 000 tonnes CO2 pour l’année de mise en service du COM, soit des valeurs encore plus élevées que celles obtenues par les shifters Languedoc-Roussillon lors de leur étude (12 000 à 18 000 tonnes de CO2/an).

A69, COM, même combat


A l’heure où l’État souhaite relancer les travaux de l’A69 malgré une décision de justice défavorable, les propos du préfet de l’Hérault illustrent bien l’entêtement des pouvoirs publics à vouloir faire passer en force des projets routiers, au mépris-même des faits scientifiques ou des avis des autorités compétentes.
En cela, il est tout à fait au diapason avec Michaël Delafosse, maire “socialiste” de Montpellier, qui twittait au moment de ladite décision de justice sur l’A69 : “La France des procédures dévore la France des projets, portant atteinte à la souveraineté démocratique, impuissantant l’action publique autant que renchérissant les coûts pour la puissance publique.” Remise en cause de la science et de l’écologie : un vent Trumpiste serait-il en train de souffler sur le Clapas ?

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