Affaire Pétel : les syndicats dénoncent une « absence de volonté d’enquêter » et lâchent des noms
Plus de deux mois après les faits, l’affaire Pétel connaît de nouveaux rebondissements. Le rapport rendu lundi dernier par l’inspection de l’éducation nationale – intitulé « intrusion et faits de violence perpétrés dans un amphithéâtre de l’UFR droit et science politique de l’université de Montpellier » – accable l’ancien doyen Philippe Pétel et le professeur de droit Jean-Luc Coronel, déjà respectivement mis en examen pour complicité d’intrusion et violences. Le président de l’université de Montpellier, Philippe Augé, a saisi dans la foulée la section disciplinaire. Pour l’avocat des victimes et les syndicats étudiants et universitaires, réunis hier lors d’une conférence de presse, Philippe Pétel et Jean-Luc Coronel sont « l’arbre qui cache la forêt ».
Agresseurs impunis ?
La présidente de la Ligue des droits de l’homme à Montpellier, Sophie Mazas, s’interroge sur l’impartialité de cette enquête administrative : « L’une des inspectrices, Françoise Boutet-Waiss, a été directrice du Crous de Montpellier et elle connaît donc très bien le milieu universitaire local. […] On se demande pourquoi les inspecteurs n’ont pas présenté la liste des éléments sur lesquelles ils ont fondé l’enquête. On nous assure que le rapport a été soumis au débat contradictoire, mais au contradictoire de qui ? »
Photos et vidéos à l’appui, elle a ensuite dénoncé « la complicité directe ou indirecte » d’autres membres de la faculté de droit dans ces faits de violence : le professeur François Vialla est accusé d’avoir « expulsé manu militari une jeune étudiante en sang » ; le personnel administratif Florent Guillemard d’avoir « poussé un étudiant » sous l’oeil bienveillant du professeur Pascal Vielfaure ; l’étudiante et membre de la corporation des Z’élus Déborah Abellan et le surveillant M. Boscat d’avoir « applaudi l’agression » [pour avoir plus d’informations sur les responsabilités de chacun dans cette affaire, lire cet article]. Une capture d’écran d’une conversation facebook accable aussi l’étudiante A.P., qui aurait avoué « faire partie des cagoulés ».
« Criminalisation de l’action syndicale »
Le rapport ne dit pas un mot des personnes nommées ci-dessus mais pointe du doigt les étudiants et les professeurs mobilisés contre la loi ORE : « la mission décrit et analyse le climat de tensions croissantes lors de ces assemblées générales, alimenté par la présence importante d’étudiants de l’université Paul Valéry, par la décision prise par l’assemblée générale du 22 mars d’occuper l’amphithéâtre qui avait été mis à disposition […] La mission retrace les violences du côté des occupants, experts en déstabilisation et très organisés en filmant et photographiant toutes les scènes ».
Pour le syndicaliste FSU Yann Leredde, ces accusations « rejoignent le discours du gouvernement, qui jette l’opprobre sur les syndicats pour détourner l’attention du vrai problème qu’est la sélection à l’université ». Pour la syndicaliste Cécile, de Solidaires étudiants, « il est aberrant de faire porter la responsabilité de l’agression aux victimes sous prétexte qu’elles organisent des réunions syndicales. Ça fait penser aux policiers qui demandent aux victimes de viol comment elles étaient habillées… ».
« Absence de volonté d’enquêter »
Jean-Louis Demersseman, l’avocat des huit victimes qui ont porté plaintes, dénoncent un rapport « pas sérieux, lu en dix minutes, sans aucune annexe ». Selon lui, cette « absence de volonté d’enquêter, on la retrouve chez le procureur et le juge d’instruction ». Il n’a toujours pas accès au dossier et réclame la saisie des vidéos et l’audition de ses clients, en vain. « Nous n’allons pas nous contenter d’avoir seulement deux accusés dans cette affaire ». Il souhaite que la police soit dessaisie de l’enquête au profit de la gendarmerie : « la police a menacé un témoin lors de son audition, elle n’est plus crédible ». Sur la vidéo ci-dessous, on peut carrément apercevoir les agresseurs cagoulés (en noir) et les agents de sécurité (en rouge) repartir tranquillement sous les yeux des policiers.
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