“Comment résumer la police en 3 mots ?” : après un contrôle routier, il reçoit une enquête de satisfaction
Lors d’un récent contrôle routier dans les Cévennes, Laurent n’a « pas osé refuser » donner son mail aux gendarmes qui lui proposaient de participer à une enquête de satisfaction. Spoil : selon la police, tout le monde aime la police.
En avril 2019, Christophe Castaner, alors ministre de l’Intérieur, lance le « Lab’Psq », le laboratoire de la police de sécurité du quotidien. L’enjeu de cette sorte de start-up répressive est triple : « évaluer le lien police-population », « promouvoir les partenariats avec les acteurs de la sécurité (élus, bailleurs sociaux, opérateurs des mobilités, partenaires sociaux et associatifs…) » et « enrichir l’action des forces de sécurité intérieure grâce au regard du monde universitaire ».
L’université Savoie Mont-Blanc réalise alors une « enquête sur la qualité du lien entre la population et les forces de sécurité ». En plein mouvement des gilets jaunes, le questionnaire n’est pas piqué des hannetons : « Quelle image avez-vous des forces de sécurité ? », « Quels sont les trois mots qui vous viennent à l’esprit quand vous pensez aux forces de sécurité ? », « Les pratiques professionnelles des forces de sécurité sont-elles conformes à vos attentes sur les points suivants : courtoisie, accessibilité, réactivité, écoute, respect des personnes, efficacité, capacité à se faire respecter, neutralité, respect des règles professionnelles ? », etc.
Envoyé par mail une semaine après le contrôle, Laurent n’a pas rempli le questionnaire : « je me suis dis que ça ne servait à rien de dire que je n’aimais pas la police parce que ce ne serait pas pris en compte, et je n’avais pas confiance dans l’anonymisation des données. »
L’université revendique avoir reçu 12 822 questionnaires en 2019, « malgré une période particulièrement délicate sur le plan du climat social ». Le contact s’est majoritairement effectué sur le terrain, comme Laurent, et l’enquête a principalement été remplie par mail, mais aussi par téléphone. La représentativité des sondés est approximative (trop de chefs d’entreprise et pas assez d’ouvriers, entres autres) et le sondage souffre de biais évidents : ceux qui n’aiment pas la police vont avoir tendance à s’auto-exclure de l’enquête, comme Laurent, et les gendarmes et policiers vont avoir tendance à ne pas proposer à ceux qu’ils perçoivent comme « antiflics » de participer à l’enquête ; et inversement.
Le résultat ne pouvait être qu’un formidable satisfecit : « au-delà de l’opinion positive qui s’exprime sur le professionnalisme des forces de sécurité intérieure (80%), on note qu’une majorité forte semble réfuter le caractère uniquement répressif de leurs fonctions (62%), souligne leur rôle constructif (70%) et leur contribution positive à l’amélioration de la vie quotidienne (77,5%) » Les forces de sécurité obtiennent une note de 7,03 sur 10, l’honneur est sauf.
Sauf qu’en 2018, l’usage des LBD et des grenades de désencerclement par la police a augmenté de 200%. Avec les gilets jaunes, la répression, autrefois cantonnée à des franges dites marginales de la population (quartiers populaires, ultras, militants…) s’est abattue sur une population jusqu’alors relativement épargnée. Avec un résultat prévisible : la contestation des violences policières, voire de la police en tant que telle, est devenue un véritable débat de société. Et ce phénomène franchit un nouveau cap avec la mobilisation contre la loi « sécurité globale ».
Bref, cette enquête de satisfaction est littéralement incroyable, et on attend avec impatience les résultats du cru 2020. Le Poing a réalisé sa propre enquête, mais les résultats ne peuvent malheureusement pas être diffusés, pour éviter toute incitation à la commission d’actes de barbarie en réunion et avec préméditation.
L’identité du dénommé Laurent a été modifié pour garantir son anonymat.
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