Contre le L.I.E.N., toujours sur le terrain
Les travaux du contournement nord de Montpellier, aux limites de l’illégalité, trahissent la fébrilité des élus attachés à l’ancien monde. Ce samedi, les opposants ont arpenté le site, attentifs aux manifestations du vivant
Entre cent et cent cinquante personnes ont mené une nouvelle action ce samedi 20 novembre contre l’autoroute du L.I.E.N. et ses travaux lancés dans la violence et la précipitation au début du mois. Il n’y a pas que des raisons de désespérer. Les luttes pour la défense de la planète – pas seulement pour la tranquillité du voisinage – ont remporté récemment deux victoires : l’abandon par Decathlon de son projet de centre commercial Oxylane à Saint-Clément-de-Rivière, tout près, et l’implosion du permis de construire du centre logistique géant d’Amazon du côté du Pont du Gard.
A Saint-Gély-du-Fesc, où le rassemblement avait lieu ce samedi, on pourrait penser, d’un premier coup d’œil, que la situation n’est plus rattrapable. Les bulldozers sont massés auprès du grand giratoire d’entrée dans la commune. La saignée du déboisement déchire la pinède en direction de Combaillaux et Grabels. Ces méfaits ont été déclenchés au début du mois de novembre, à coups de matraque et sous vols d’hélicoptère, par le conseil départemental de l’Hérault, son président Kleber Mesquida, et son fidèle Mickaël Delafosse.
Pour eux, il faut retourner vingt-huit hectares de terre, en abattant trente mille arbres, sur huit kilomètres de tracé, pour une facture de cent millions d’euros (pas perdus pour tout le monde). Il faut s’entêter dans la logique de l’expansion de la métropole, du tout automobile, des bétonisations connectées (rien qu’à Saint-Gély, un pôle hôtelier doit s’implanter à deux pas de l’échangeur en travaux, et guère loin un énorme complexe de studios de cinéma).
Oui mais la mairie de Grabels vient de déposer un référé contre le lancement de ces travaux. N’est-on pas en train d’attendre une décision du Conseil d’État, dans les mois qui viennent, susceptible d’invalider la déclaration d’utilité publique de cette nouvelle liaison autoroutière ? Le référé relève de l’urgence. On en attend le résultat de manière imminente. D’autres éléments se craquèlent. Les Verts montpelliérain, inféodés à Michaël Delafosse, s’étaient réveillés, pour une fois, en appelant clairement à rejoindre les opposants ce samedi (s’en s’y précipiter toutefois). Au département, Kleber Mesquida a piqué une colère publique en constatant que des élus de sa majorité n’étaient pas capables de tenir dans la ligne leur partenaire de binôme vert. Il y a de la nervosité dans l’air. Sur fond de déglingue de la COP 26, le jour viendra d’avoir des comptes à rendre.
Enfin, ce samedi, la foule ne ressemblait pas aux autres. Certes peu massive, mais très diverse, ouverte, avec la présence active de gens du secteur. On y respirait très à l’aise, pas qu’entre militants de toujours. Et on respirait à pleine garrigue : le trajet du jour empruntait celui du L.I.E.N., en pleine garrigue mutilées, jusqu’à la Z.A.D., qui même évacuée militairement, reste plus que jamais une zone à défendre. Parcourir ce tracé, c’est se préoccuper d’un territoire, au ras du terrain. Ne nous y trompons pas : la guerre aujourd’hui menée par les puissants est celle de la soumission des territoires à leurs intérêts.
On peut observer le préfet activiste de droite dure, Hugues Moutouh. Peu ou prou, il laisse se dérouler sans problèmes toutes les manifs symboliques qu’on veut, sous ses fenêtres. Même quand il prétend fixer autoritairement les parcours de cortège en ville, il n’y a presque plus d’hommes en uniforme pour empêcher les manifestants d’en faire à leur tête. En revanche, pour bétonner le L.I.E.N., pour raser une ZAD, des moyens colossaux de violence sont engagés. Pour faire place nette contre des miséreux dans leurs bidonvilles, d’étonnants incendiaires se déplacent, annonciateurs de l’anéantissement par des bulls. Pour mettre dans des avions des séjournants en squats, pour rafler à une descente de train des militants sans papiers, toute la violence d’État est déployée pour imposer qui a droit ou pas d’aimer et protéger un territoire, un habitat, une réserve du vivant, son propre lieu de vie, de parcours, et qui doit en être exclu, par des puissances d’accaparement, de contrôle, d’anéantissement.
Une détermination calme, mais tonique, amoureuse, serpentait en sous-bois ce samedi à l’orée de la ville. Et les agendas se remplissaient d’autres rendez-vous imminents, nécessaires : samedi prochain 27 novembre à la salle Marianne de l’Hôtel de Ville de Grabels, une journée entière d’échanges éclairera les conséquences du projet du L.I.E.N. Puis le 5 décembre il sera grand temps d’accumuler les forces de la solidarité en vue des comparutions des zadistes au tribunal (les 9 et 16 décembre).
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