Delafosse affiche son mépris pour les livreurs à scooter
N’envisageant aucune discussion possible sur le problème des livreurs à scooter, le maire de Montpellier révèle sa déconnexion avec le quotidien de pans entiers de la population
En conclusion du débat municipal sur les questions de sécurité Sébastien Cote s’en est pris à Alenka Doulain et Clotilde Ollier, les deux seules élues à s’être alors exprimées de manière partiellement critique, en conseil municipal ce lundi 8 février. « Vous avez, mesdames, tout simplement, un problème avec le respect de la règle. Et pour moi, c’est un problème » a décoché l’adjoint en charge des questions de sécurité au sein de la majorité de Michaël Delafosse.
Qu’importe qu’un peu plus tard, cette même majorité ait démontré, à propos du droit de grève , que la règle peut être manipulée à tout instant en fonction de leur intérêt, par ceux qui détiennent le pouvoir. La règle traduit un rapport de force. Mais non, tout à une mythologie républicaine conservatrice, le professeur Delafosse martelle que « le respect de la règle est le fondement de la vie en société », que « les règles sont faites pour être respectées ». Et qu’il n’y aurait jamais rien à en discuter. Elimination du politique.
Le maire ne discutera pas de la question des livreurs à scooters, sanctionnés d’amendes de 135 euros, montant largement supérieur à leurs gains d’une journée. Qu’importe que ces sans droits soient en première ligne d’un maintien des conditions de vie par temps de couvre-feu. Qu’importe qu’ils contribuent au sauvetage de l’activité partielle des restaurateurs qui se lamentent dans leurs établissements fermés. Certes, Michaël Delafosse est acquis à la nécessité de ramener le statut de ces travailleurs dans un cadre salarial conventionnel, plus protecteur.Vite dit : « Je soutiens cela ». Chiche.
Encore faudrait-il avoir autre chose à afficher que les hochements de menton autoritaire qui font la politique « socialiste » montpelliéraine. Sur le parvis de l’Hôtel de Ville, samedi , Aurélien, membre de “Cycle-coop” révélait qu’Anne Hidalgo (une élue socialiste) encourage, à Paris, des plateformes coopératives alternatives, constituées par des livreurs eux-mêmes (tels “En roue libre”, ou “Les coursiers montpelliérains”, à Montpellier).
Puis le livreur qui eut le courage de s’improviser orateur ce même après-midi, a indiqué habilement que « les résidents qui se plaignent du dérangement des scooters sont les premiers à disposer de dérogations de circulation dans l’Ecusson » de même que « les services municipaux eux-mêmes ». Juste pour dire qu’il ne serait peut-être pas aberrant qu’un terrain d’entente puisse s’envisager. En lieu de quoi, Sébastien Cote et Michaël Delafosse ont révélé une totale déconnexion avec la réalité vécue – à moins qu’ils ne veuillent connaître que celle vécue par leurs électeurs potentiels résidant en centre ville, quand les livreurs sont d’un monde si lointain (et du reste volontiers immigrés en quête de statut).
Ainsi Sébastien Cote soutient que la règle est générale, sans viser spécialement les livreurs. Mais alors pourquoi dix-sept de ceux-ci parmi les dix-huit verbalisés le soir inaugural de cette politique, samedi 2 janvier, complaisamment étalée devant caméras et appareils photos ? Ce même adjoint a cessé de se revendiquer d’une discussion « engagée depuis plusieurs mois avec les plateformes ». Il n’y en a que deux, UberEats et Deliveroo. Après tant de temps, on pourrait s’inquiéter d’une aussi faible capacité politique à obtenir des résultats. Sans doute est-il plus facile de faire plier un jeune précaire sans droit, qu’une plateforme satellite de la galaxie des Gafam. « Forts avec les faibles, faibles avec les forts » a pointé Alenka Doulain.
Puis Sébastien Cote finasse : « Entre deux conducteurs de scooters, comment serions-nous sûr que celui qui n’est pas livreur ne soit pas aussi précaire que le livreur ? » Esprit vif. Mais la question n’est pas là. La distinction entre le livreur et le non livreur teint au fait que la livraison via les plateformes est une phénomène socio-économique massif de dérégulation des droits des droits des travailleurs, frappant particulièrement la jeunesse la plus en difficulté. Voilà une urgence politique. Foin d’arguties réglementaires. On n’est plus à l’époque du gendarme de Saint-Tropez.
Puis c’est Michaël Delafosse qui assure que grâce à cette politique, il voit « de plus en plus de conducteurs de scooters mettre pied à terre pour se déplacer dans l’Ecusson, comme il faut faire ». Attendons qu’on nous présente un seul livreur devant se fournir en commande dans un restaurant du centre ville, ou bien livrer chez un habitant du même secteur, qui puisse effectuer cela à pied. Ignore-t-on, en mairie, que la rémunération des courses est toujours plus faible, la compétition toujours plus entretenue entre livreurs, contraints de se soumettre à une course-poursuite de tous les instants pour atteindre un niveau de revenus un peu décent ; en aucun cas prendre le temps de flâner devant les vitrines avec leurs lourds sacs sur le dos, dont le contenu serait en train de refroidir. N’importe quoi !
Les livreurs à pied, descendus de scooters, que croit voir le maire de Montpellier, semblent typiquement des acteurs de fake news. Car enfin, lui et son adjoint ont un tic oratoire : s’en prendre constamment aux « réseaux sociaux », comme à un monde terrible, apparemment hanté, occupé à comploter contre eux. Ainsi toute question qui y serait soulevée mérite élimination d’office dans leur argumentation. On imagine qu’ils réservent le même sort à la presse indépendante qui y rencontre toujours plus d’écho. Mais dans quel monde vivent-ils ? De quoi parlent-ils ?
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