Dépolitiser pour mieux réprimer – Critique du livre « L’État face aux contestations politiques »

Le Poing Publié le 20 juin 2019 à 18:50 (mis à jour le 20 juin 2019 à 18:54)

La répression du mouvement des gilets jaunes a montré que la violence de la police dans les manifestations allait main dans la main avec une autre violence : celle de la justice. La condamnation à Montpellier d’un gilet jaune à trois ans de prison pour quelques vitrines brisées n’est que l’arbre qui cache. Dans son petit libre « Répression : l’État face aux contestations politiques », Vanessa Codaccioni analyse la répression judiciaire à la française.

Si la Collaboration et les atrocités commises lors de la guerre d’Algérie sont relativement connues, on oublie trop souvent que le caractère répressif de l’État Français ne s’arrête pas à ces paroxysmes de barbarie. Sous les régimes républicains, de manière quotidienne et plus méconnue, les violences d’État ont toujours été la norme. Mais la tendance de ces dernières décennies, selon Codaccioni, c’est le processus de dépolitisation imposée aux personnes réprimées par l’État français.

Les tribunaux ne parlent plus d’opposants politiques, mais de délinquants de droit commun. Cette technique permet de criminaliser les mouvements sociaux et de diminuer leur potentiel de contestation : il y aurait d’un côté les « bons manifestants », et de l’autre les délinquants « casseurs » hors du mouvement.

Cette manœuvre est gagnante pour l’État : ceux qui cèdent à l’injonction de la « légitimité » se désarment, se coupent de tout illégalisme et, au final, de tout potentiel subversif. De l’autre côté, les « délinquants » casseurs se voient privés de la qualité de « manifestants », ils se marginalisent aux yeux de la société et il est alors plus facile pour la justice de les condamner.

Avant d’employer cette technique de la dépolitisation, l’État français avait la franchise d’assumer une répression politique. Les opposants étaient soumis à des tribunaux d’exception, comme la Cour de sûreté de l’État. Souvent, aux assises, les militants se servaient des procès comme d’une tribune politique pour dénoncer la répression injuste à l’encontre des militants qui se battent, parfois illégalement, pour des causes nobles. La dépolitisation des mouvements sociaux et la correctionnalisation des délits politiques ont rendu plus difficile la défense politique. L’auteure appelle à y revenir. À l’heure où les accusations fallacieuses d’ « association de malfaiteurs » planent sur les gilets jaunes, cette réflexion est plus que jamais d’actualité. Pour prolonger la lecture, procurez-vous le bouquin, disponible chez tous les bons libraires !

Vanessa Codaccioni, Répression, l’État face aux contestations politiques, éditions Textuel, 96 pages, 10 euros, parution le 27 mars 2019

Nos articles sont gratuits car nous pensons que la presse indépendante doit être accessible à toutes et tous. Pourtant, produire une information engagée et de qualité nécessite du temps et de l’argent, surtout quand on refuse d’être aux ordres de Bolloré et de ses amis… Pourvu que ça dure ! Ça tombe bien, ça ne tient qu’à vous :


ARTICLE SUIVANT :

Nîmes : un gilet jaune interpellé pendant son procès